Terre de l'homme

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Et si nous devenions tous passeurs de mémoire !

 

 

Le blog de Terre-de-l'Homme n'a pas de strictes limites formelles, ni dans le territoire, ni dans le temps. Cette fenêtre permet ainsi de revenir sur une amitié nouée au tout début de mai de l'année 1963. Elle a germé bien en dehors des terres occitanes et, depuis plus de 57 ans, elle n'a pas pris une ride. Trois jeunes cheminots du même âge, aux premiers jours de leur entrée dans la vie active, évoluaient pédestrement sur la piste adjacente à la voie ferrée sur le viaduc de la Briche à Saint Denis pour aller prendre le train pour Paris. Ils se découvraient. L'un était breton, l'autre picard et le troisième, votre humble serviteur, périgordin. Ils ignoraient qu'ils ouvraient ce jour là un long chemin de l'amitié.

 

L'original tout petit détail de la journée du conseil de révision de 1963 à Crécy-en-Ponthieu, narré par le Picard Pierre Belval, nous ramène à la longue histoire de la genèse de notre pays. 

Pierre Belval

 

 

 

Le mois de novembre, dans notre culture, est le mois du recueillement, le mois des défunts. Tous les défunts sont, ou devraient être, honorés le 2 novembre puis vient le 11 novembre journée commémorative de l'Armistice de 1918. Hélas l'intolérance d'intégristes fit que novembre, le 13 novembre, en 2015, au Stade de France et au Bataclan, fut une journée d'horreur et d'épouvante. En novembre le devoir de mémoire nous rappelle que la société est vulnérable partout, dans des lieux sportifs, de spectacle ou des lieux religieux. Plus loin dans notre histoire c'est de l'autre côté de la Méditerranée, à Sétif, que commença la longue tragédie de la Guerre d'Algérie.

Mon ami Pierre Belval me conta qu'en 1963, dans le Ponthieu de son enfance et de son adolescence les jeunes gens qui passaient le conseil de révision allèrent au piédroit du mémorial de Crécy  déposer une gerbe pour commémorer le premier épisode de la Guerre de Cent ans. Cet épisode tourna en faveur des Anglais conduits par Édouard III. La journée historique fut fort pluvieuse  et l'aristocratie française fut fort humiliée de cet échec.

*  Conseil de révision. (HistoireMilitaireConseil chargé d’examiner dans chaque cantonlors du recrutement, si les jeunes gens appelés sont propres au service militaire.

 

https://www.midilibre.fr/2015/02/19/quand-le-conseil-de-revision-precedait-le-service-militaire,1126231.php

 

Crécy a donc marqué l'Histoire de France. Les jeunes conscrits du canton de Crécy-en-Ponthieu, chaque année, en apportant une gerbe au piédroit de ce mémorial, faisaient plus que respecter une tradition. Au moins implicitement ils effectuaient un pèlerinage mémoriel en disant qu'ils se reconnaissaient les descendants de ces victimes qui, ce 26 août 1346, ont fait face à l'envahisseur.

L'Histoire de l'Angleterre et de la France a été un tumulte multiséculaire. Heureusement depuis bien des décennies les Anglais viennent en France en qualité de touristes et les jeunes français vont de l'autre côté de la Manche, non pour guerroyer, mais pour améliorer leur maîtrise de la langue de Shakespeare. Puissions-nous nous rappeler que notre histoire est un lieu de rendez-vous trop souvent tragiques !

 

Pierre Fabre  

 

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Ouvrez, ouvrez, châtelain, c'est l'infortuné roi de France." Philippe VI de Valois.

 

 Labroye

 

Ne cherchez pas le château de Labroye, village situé à 10 km du lieu de la bataille de Crécy, il a dû être emporté par les siècles. Le village de Labroye, image PMR Maeyaert.

 

Cette supplique formulée par Philippe VI de Valois, à l'entrée du château de Labroye, a toutes les probabilités d'être apocryphe. Elle traduit, tout à la fois, la blessure morale et l'humiliation d'un monarque défait. Selon les historiens cette bataille tourna à l'avantage des Anglais parce que la cavalerie, aux mains de la noblesse, voulut avoir l'honneur d'en découdre et pour que la préséance soit bien affirmée, ne point laisser la "piétaille" la précéder.

 

La bataille de Crécy fut la première défaite française de la Guerre de Cent ans.

 

Ces mots auraient été prononcés par le roi de France Philippe VI de Valois au soir de la défaite de Crécy-en-Ponthieu, le 26 août 1346.


Suite à la décision de placer Philippe VI de Valois sur le trône de France en 1328, plutôt que la fille de Charles IV ou que le roi d'Angleterre Edouard III, les relations toujours tendues entre Anglais et Français se dégradent encore. Cette opposition, compliquée par les revendications de chaque pays sur certaines provinces de France et de Flandre, aboutit en 1337 à l'ouverture de la guerre de cent ans.

 

Suivons le récit de Valentin Daucourt.


Après avoir détruit la flotte française dans le port de l'Ecluse le 24 juin 1340, les Anglais débarquent en juillet 1346 sur les plages du Cotentin. Ayant envahi Caen, Edouard III et son armée dirigée par son fils le Prince Noir traversent la Seine puis remontent vers la Flandre en traversant la Picardie. Le 24 août 1346, l'armée anglaise s'installe près de la forêt de Crécy où elle établit un camps retranché.

Le roi Philippe VI de Valois et les plus hauts seigneurs de son royaume arrivent du Nord le 26 août en milieu de journée avec des troupes deux fois plus nombreuses que celles de l'armée anglaise, mais épuisées par la longue course effectuée pour rejoindre leurs ennemis.

Appuyés par les arbalètriers génois, les chevaliers français sont impatients d'engager le combat. Malheureusement, une pluie d'orage fait se détendre les cordes des arbalètes. La cavalerie française se retrouve isolée face aux archers anglais qui font un carnage. Vite submergés et désarçonnés par les coutiliers anglais, les chevaliers ne peuvent même pas fuir en raison de leur armure encombrante. Beaucoup de grands seigneurs sont tués, comme le roi de Bohème, le duc de Lorraine, le comte d'Alençon ou le comte de Flandre.

Le roi de France, lui-même touché au visage par une flèche anglaise, finit par s'enfuir au milieu de la nuit, escorté d'une cinquantaine d'hommes. Frappant à la porte du chateau de Labroye, Philippe VI se serait écrié : "Ouvrez ! Ouvrez, chatelain ! C'est l'infortuné roi de France !!!".

 

http://vdaucourt.free.fr/Mothisto/Philippe62/Philippe62.htm

 

 

Monument commémoratif, Crécy-en-Ponthieu

 

Photo © Yann Tierny

 

Jusqu'à la fin de l'ère des conseils de révision les jeunes gens de l'ancien canton de Crécy-en-Ponthieu fleurissaient chaque année ce lieu de mémoire. Il rappelle que l'Europe fut un chantier qui n'a pas avancé sans d'inutiles et stupides batailles. 

 



18/11/2020
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