Terre de l'homme

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De belles gens. Suite n° 43. Saga de Françoise Maraval

 

DE BELLES GENS                                        

 

 

 

Épisode 43

 

 

 

Le Parc des Buttes-Chaumont,

 

 

 

Résumé des épisodes précédents :

Achille et Yvonne Marchive habitent maintenant rue de la mairie avec leurs cinq enfants et la grand-mère Anastasie. Les voisins de la rue les ont accueillis chaleureusement.

La famille Maraval se réunit toujours le dimanche, autour de la table du patriarche. Ce dernier, à la retraite, énoise l’hiver et jardine à la belle saison pendant que Maria, son épouse, s’occupe de la maison. Le fils aîné, Arthur, est camionneur pour le compte de l’usine de chaux tandis que le benjamin Fonfon est mécanicien au garage Veyssière. La fille, Alice, est employée à l’hôtel de la Poste et ne pense qu’à sa fille Marcelle, pupille de la Nation.

Emma s’est lancée dans la couture et son fils Jeantou est apprenti tailleur d’habits à Bergerac.

Henri Destal, le Périgourdin exilé à Paris, a fait la connaissance d’une famille de Russes émigrés et leur nièce, Maria Alexandrovna, est un vrai mystère.

 

 

Dans la semaine qui a suivi la soirée à l’Opéra, le chef-comptable, Jean Dupont, a entraîné Maria Smirnoff au bureau du Directeur d’Exploitation. Celui-ci lui a annoncé que sa période d’essai était terminée et qu’elle faisait bel et bien partie de la Compagnie d’Assurances, comme étant un élément sûr et son salaire allait être revu à la hausse dès la fin du mois.

Revenus dans la salle de comptabilité, Jean Dupont, pour couronner la titularisation de sa protégée, lui a, à son tour, annoncé qu’elle assurerait avec lui, les vérifications de fin de mois, ce qui représente dans le service, une marque de confiance non négligeable.

 

A la suite de quoi, Maria a entendu une conversation, lancée assez fort pour qu’elle puisse l’entendre.

 

- Vous avez vu, collègues, notre Russe a fait les frais d’une nouvelle paire de chaussures et d’un sac à main assorti, s’il vous plaît !!! Il était temps qu’elle consomme français.

 

Maria a attendu que sa titularisation soit effective pour apporter un important changement dans son apparence. Sa période de deuil étant sur le point d’arriver à son terme, Maria est arrivée, un beau matin, délicatement maquillée, avec un imposant sautoir en or autour du cou et un châle flamboyant jeté sur ses épaules, un châle en laine et soie que l’on ne pouvait trouver qu’en Russie tsariste. Le service comptable est resté bouche bée !!! Sur le champ, cette petite émigrée a été regardée avec des yeux nouveaux.   

                                                                                                                                                    

Le mois suivant, elle a ajouté un deuxième sautoir, celui-ci en perles du Japon et tout le monde a senti, sur son passage, cette merveilleuse odeur de rose et de jasmin. Puis, pour faire concurrence à ces messieurs- elle a osé quoi ?- : fumer. Ses petits cigares russes installés au bout  de son porte-cigarette, ont fait sensation. Certains ont pensé qu’elle s’était bien moquée d’eux…

 

Maria s’était sentie tellement bien au bras d’Henri Destal quand ils montaient ensemble les marches de l’escalier de l’Opéra, qu’elle avait provoqué une nouvelle rencontre, avec l’avis du conseil familial Smirnoff. Elle voulait découvrir Paris à pied  et c’est tout naturellement à Henri qu’elle avait pensé pour guider ses pas. Une fois de plus, Simon Smirnoff, l’oncle, en a fait la demande auprès d’Henri. Le séducteur en a été flatté et c’est au Parc des Buttes-Chaumont qu’il a tout de suite pensé. Mais il ne voulait pas improviser cette promenade et, pour ne pas faire les choses à moitié, il a préparé de la documentation sur ce magnifique jardin romantique. Henri avait plusieurs choses en tête.

Un beau dimanche du printemps 1927, il est prêt. La surprise est totale, la destination inconnue. A 10 heures, ils ont pris le métro à la Madeleine. Maria se laisse guider au milieu du labyrinthe de ce transport parisien et c’est à la station « les Buttes-Chaumont » qu’Henri l’a invitée à descendre.

 

Elle a emprunté son bras, alors son guide personnel commence une longue explication :

 

-  L’origine  du toponyme est le « mont-chauve » car il s’agissait de terrains infertiles et incultes. Puis le « mont-chauve » est devenu « chauve-mont » et enfin par contraction « Chaumont ». Maria, le parc que nous allons découvrir est donc situé au nord-est de Paris, dans le sud du 19ème arrondissement.

 

 

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Au XVIIIème siècle, le site des Buttes-Chaumont fait partie des lieux les plus désolés en périphérie et à proximité de Paris et il est affligé d’une sinistre réputation.

 

 Au Moyen-Age et jusqu’au XVII ème siècle, la justice royale était rendue au pied des buttes, là ou se dressait le gibet de Montfaucon. Bien que la mise à mort des condamnés pris fin dès le XVII ème

siècle, le gibet de potence ne fut démantelé qu’à partir de 1760.

 

                                                                                                                                                       

 

 

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Pendaison d’Enguerrand de Marigny au gibet de Montfaucon  en 1315

Enluminure extraite des Grandes Chroniques de France

 

      

                          

 

Maria essayait de se représenter le tableau.

                                                                                                                     

Henri reprend son exposé :

 

-Une vaste décharge à ciel ouvert s’est installée sur l’ancien lieu d’exécutions, sur laquelle étaient épandus les ordures et les excréments issus de fosses d’aisances et collectés par les vidangeurs de Paris. Le site était dans la première moitié du XIX ème siècle, avant l’ouverture des abattoirs de la Villette, en 1867, le principal centre d’équarrissage parisien. Après la Révolution française, le sous-sol du site a été exploité et des carrières de gypse et de pierres meulières ont donné du travail à la population. Le soir venu, les carrières dites «  d’Amérique », mal famées, s’emplissaient de gens nécessiteux.

 

 

 

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On doit le Parc des Buttes-Chaumont, tel qu’il est actuellement, à Napoléon III qui a voulu doter Paris d’un réseau d’espaces verts, sur le modèle des parcs londoniens , conçus sous l’influence de thèses hygiénistes : faire de Paris, une ville verte dans le cadre d’un vaste projet d’assainissement et d’embellissement. La planification générale fut confiée au baron Haussmann, préfet de Paris. Pour ce faire, des communes limitrophes sont annexées à Paris. Un espace vert est donc créé à l’emplacement des vieilles carrières. Le baron Haussmann charge Adolphe Alphand, chef de service

                                                                                                                                                        

des promenades et plantations de la ville de Paris, de mener à bien la réalisation du parc. Pour mettre en œuvre  cette pièce maîtresse, il s’entoure d’une équipe d’ingénieurs et de paysagistes expérimentés. En même temps que la gestion administrative, le tracé des chemins et des vallons est étudié, et les essences pour les plantations sont choisies.

 

 

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Le baron Haussmann

 

                                           

La conception du projet et les travaux de construction se sont étalés sur cinq ans à partir de 1862. Cette année-là, les terrains des Buttes-Chaumont sont déclarés d’utilité publique, ce qui permet à l’État de compléter les acquisitions par des expropriations. Les travaux de terrassement se sont poursuivis jusqu’en 1866.

Les travaux paysagers et horticoles sont conduits en parallèle de l’aménagement des voies de circulation, lesquelles sont macadamisées entre 1866 et 1867, peu de temps avant la date de livraison du parc.

 

La Revue de Paris écrit :

- «  De ce roc pelé, où il n’y avait qu’une solitude désolante, sans un arbre, sans même un brin d’herbe, de ce « mont chauve », les ingénieurs, les jardiniers, les hydrographes et les terrassiers sont en train de faire une oasis qui dépassera en beauté celle de la sultane Fatima, la fille chérie du prophète. »

 

Henri :

- Maria, je ne voudrais pas vous ennuyer avec mes bavardages.

- Surtout pas Henr.r.ri, je veux tout connaîtr.r.r.e de ce pays qui m’a accueillie et à qui je dois tout. C’est un travail colossal qui a été accompli sous le Second Empir.r.re dans tout Par.r.ris.

 

Vous avez compris, Maria roule délicieusement les rrrrrrrrrrrrrr.

- Mais Maria, il est grand temps de nous restaurer, aussi je vous emmène au restaurant. Nous allons choisir celui qui a la meilleure exposition.

 

 

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Le restaurant du Lac

 

                                                                                                                                                     

                                                         

Pendant le repas, ils ont beaucoup échangé. Maria a voulu savoir comment Henri avait traversé la Grande Guerre. Il a commencé à parler du camp international de prisonniers de Münster et il a lu dans les yeux de la jeune Russe, un vif intérêt et beaucoup d’empathie.

A son tour, il a voulu qu’elle parle de son enfance, de sa mère, de son père, des grands-parents : dedushka et babouchka, de Saint-Pétersbourg... Il n’a pas pu s’empêcher de rapprocher leur jeunesse. Il avait toujours pensé qu’il avait été un enfant privilégié bien qu’il n’ait pas connu son père. Mais, avec Maria, un autre monde s’ouvrait à lui.

Maria a exprimé le désir de se faire naturaliser Française et, pour ce faire, elle a habilement demandé le concours d’Henri. Certes, elle voulait rester Russe, aussi  la double nationalité  russe et française lui convenait parfaitement. Le séducteur a pensé que la féline, comme une araignée, tissait des toiles autour de lui, pour mieux le capturer. La classe de Maria était telle qu’il ne pouvait qu’être flatté mais s' il regardait au fin fond de son âme, il n’y trouvait pas l’amour fou dont il avait rêvé !!!

 

Ils ont repris la promenade, Maria toujours suspendue au bras de son guide.

 

- « Partout où cela a été possible, on a profité des accidents du terrain et des profondes excavations des anciennes carrières à plâtre, pour donner au parc l’aspect d’un paysage de région montagneuse. »

                                    Adolphe Alphand, les Promenades  de Paris

 

 

Henri a entraîné Maria à l’ouest du parc, là où les ingénieurs et les jardiniers ont imité un paysage préalpin de montagnes douces. Le relief original a été remodelé : trois buttes sont conservées. L’équipe d’Alphand a surélevé les buttes : la butte Puebla, d’une altitude naturelle de 105 mètres, devient le point culminant du parc, tandis que la butte Fessart voisine est aménagée en un belvédère tourné vers Montmartre.

En arrivant au centre du parc, le relief est plus tourmenté. Le promontoire central est l’élément-chef du paysage. C’est un énorme rocher que les travaux ont permis de détacher du reste des buttes, afin de constituer l’Île du  Belvédère. Cette île est entourée par un lac. Un escalier de 173 marches pratiqué à l’intérieur du rocher, permet de descendre jusqu’à ce lac. Sur la rive sud du plan d’eau, se trouve une grotte décorée de fausses stalactites dont les plus grandes atteignent 8 m.

 

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                                     Le belvédère et le Temple de la Sibylle dominent le lac

                                                                                                                                                                    

Le parc compte quatre ponts, dont une passerelle suspendue, œuvre de Gustave Eiffel (1867).

 

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Divers éléments d’architecture viennent s’insérer dans le paysage vallonné du parc ; l’élément architectural central est le Temple de la Sibylle, trônant au sommet du monticule de gypse de l’Île du  Belvédère. En outre, l’architecte Davioud conçut trois « chalets-restaurants » en des points du parc offrant différentes perspectives : le Pavillon du Chemin de Fer *, le Pavillon Puebla et enfin le Pavillon du Lac.

 

Deux théâtres de Guignol sont également présents. Le parc, par contre, ne comporte que quelques statues.

 

C’est le parc public parisien le plus riche en essences forestières, dont un sophora, dont les branches se penchent vers les eaux du lac, un platane d’Orient, planté en 1862, un févier d’Amérique, un noisetier de Byzance,  deux ginkgos bilobas, un orme de Sibérie, un cèdre du Liban planté en 1880.

 

Le parc est peuplé de nombreuses espèces d’oiseaux : la corneille, le moineau domestique, le pigeon ramier et le pigeon des villes, pour les plus connus. Parmi les autres espèces courantes : l’étourneau- sansonnet, la pie bavarde, le merle noir, la mésange charbonnière, la mésange bleue, le pinson des arbres, le rouge-gorge familier, la sittelle torchepot, le troglodyte mignon. Depuis le début du printemps, ils sont rejoints par la fauvette à tête noire, le martinet noir, le gobemouche.  Mais aussi on peut entendre d’autres oiseaux.

 

Le lac abrite plusieurs espèces aquatiques : gallinule poule d’eau, le canard colvert, le canard de Rouen, le canard de Barbarie, le canard pilet, le héron cendré, le goéland argenté,et les mouettes rieuses. On trouve aussi des espèces exotiques : tadorne casarca, bernache du Canada, oie à tête barrée.

 

Maria, le parc a été inauguré le 1er avril 1867, dans le cadre de l’Exposition universelle qui débuta le même jour.

 

Ils sont rentrés bras dessus-dessous. Henri a accompagné Maria jusqu’au pied de son immeuble. Ils ont échangé une tendre accolade.  D’autres promenades seront programmées au parc Monceau, au parc Montsouris, au bois de Boulogne et au bois de Vincennes.

 En avançant dans la belle saison, Henri sentait monter la chaleur du corps de Maria tout contre le sien et son désir d’homme était en émoi…

 

 

* Le pavillon du Chemin de Fer est actuellement exploité par une société cinématographique sous le nom de Rosa Bonheur.

 

 

 

Françoise Maraval

 

 

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Bordure enlevée

 

 

 



22/10/2022
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