Mois d'août 2023
Souvenir d'enfance II, par Jacques Lannaud
La vie dans ces coins reculés de la campagne périgourdine était assez monotone et les évènements de la guerre nous arrivaient un peu étouffés par le temps sans que l’on puisse juger de leurs conséquences réelles.
Autrement dit, je menais une vie tranquille, arpentant les champs, les sentiers, rendant visite à des copains ou à des paysans dans des fermes éparpillées dans les coteaux, cachées au sein de petits vallons ou bosquets touffus. J’étais un enfant des champs, loin de soupçonner le monde tel qu’il était, ne pouvant imaginer les drames qui se déroulaient ailleurs, libre de circuler à la rencontre de fermiers dont j’observais les pénibles tâches et chez qui il m’arrivait de passer la journée participant modestement aux travaux, revenant à la maison en fin de jour, fatigué autant par ma petite besogne que par l’exposition au grand air et au soleil.
A l’automne, saison des semailles, la terre plutôt ingrate empierrée s’affinait, devenant plus meuble avec les pluies, se prêtant au soc de la charrue, stoppée, parfois, par un roc plus volumineux qu’il fallait enlever à coups de pioche, sans commune mesure avec les terres fertiles arrosées par la Dordogne ou la Vézère.
Petites fermes familiales aux surfaces réduites, champs dispersés aux abords d’un ruisseau, ce qui permettait de cultiver un peu de maïs, de verdures, pâtures destinées à quelque bovin ou cheval, car les animaux de la ferme représentaient un coût important pour des rendements agricoles modestes et sur les penchants de coteaux bien orientés, hyper secs en été, la vigne et des fruitiers. Les récoltes de blé, maïs, orge, seigle, n’étaient guère abondantes avec rutabagas, topinambours, choux voire patates, plus rares, notamment viande et poisson, une agriculture qui vivait quasiment en autarcie.
Une paire de bœufs ou un cheval de trait suffisaient pour quelques labours et tirer la charrette ; dans la basse-cour, par contre, la fermière entretenait son élevage de volailles : poules, canards, oies, dindes ou lapins enfermés dans des cages en bois grillagées, destinés, souvent, à rapporter quelques sous soit sur les marchés soit à la vente à des particuliers environnants…
Le monde agricole avait particulièrement souffert de la Grande Guerre de 14-18 et ses suites, les pertes humaines s’élevant à 42-44% des effectifs sous le drapeau, alors que la population active agricole représentait 40% de la population active totale. Et, dans cet entre-deux guerres, il ne fallait pas s’attendre à des changements spectaculaires car le pays avait subi d’importants dégâts matériels et une hécatombe humaine. De ce fait, beaucoup de jeunes rescapés et moins jeunes abandonnèrent la terre pour retrouver une activité professionnelle dans les centres urbains. Dans les années 20, la population agricole diminue d’environ 100.000 personnes par an, si bien qu’en 1931, pour la première fois, la population citadine se situait à 51,2%. Les campagnes se dépeuplaient et l’agriculture stagnait faute de main-d’œuvre, d’une modernisation et mécanisation insuffisantes, sauf, peut-être, dans les grandes plaines agricoles du nord de la France souvent sinistrées.
Hivers glacials interrompant toute activité rurale, paysages dénudés de leurs feuillages verdoyants, les journées étaient longues car je n'avais pas, encore, intégré l’école.
Et, dans cette période où la nature semblait dormir, et les heures s’égrener lentement, où les soirées commençaient tôt pour se prolonger dans le noir, souvent on se retrouvait autour de la cheminée, seul endroit où l’on pouvait se réchauffer les mains et les pieds.
Mais, notre ami paysan le plus proche, un peu désœuvré, en profitait pour faire de longues journées de chasse car ayant en réserve, poudre, plomb de différentes tailles, cartouches à fabriquer, il y passait de longs moments, choisissant ses plombs, mesurant la quantité de poudre en fonction du gibier, me montrant tout son savoir-faire et son attirail : petit plomb pour les volatiles ou canards sauvages, plus gros pour le lapin ou le lièvre, chevrotine quand, avec d’autres, ils décidaient d’aller chasser le sanglier.
Plusieurs fois, je l’accompagnais dans certaines de ses randonnées pour une après-midi ; un jour, il me dit : « Tu te sens d’attaque pour faire un plus long parcours, on fera des arrêts si tu fatigues. Tu en parles à ta mère. »
Nous voilà partis, le surlendemain, par une journée grise et froide de fin novembre. Mr Larfeuil avait environ 70 ans, visage émacié, une profonde balafre barrait sa joue gauche, souvenir de la guerre de 14 ; parfois, il ressentait des névralgies faciales douloureuses, certains muscles de la face ne réagissaient plus et sa paupière ptosée empêchait une ouverture complète de l’œil, le front lisse sans rides, la balafre remontait jusqu’au front et se perdait dans le cuir chevelu. Malgré cela, c’était un excellent chasseur avec sa chienne épagneul breton.
Casquette, moustache de rigueur, gros paletot de chasse, pantalons en forme de culotte de cheval, chaussettes et guêtres, chaussures montantes, la cartouchière en travers de la poitrine, la gibecière dans le dos et le fusil calibre 12 à l’épaule « Tu vas voir, tu n’es jamais allé là-bas, c’est un peu loin ; en approchant, on ralentira sans parler, d’ailleurs Zoupette va faire pareil et se mettra, peut-être, en arrêt, immobile, alors je lui ferai un petit signe d’avancer et là, pan, pan ! »
Je compris, alors, qu’il fallait avoir tous les sens en éveil, être très attentif et sur ses gardes, ne pas faire de bruit. Je suivais le chasseur pas à pas, il tenait le fusil prêt à épauler, approchant doucement de l’endroit. Un pré étroit, encaissé, cerné par les bois, le sol où on s’enfonçait un peu, était légèrement marécageux, j’aperçus un petit étang entouré de roseaux qui le cachaient.
On avançait lentement, sans bruit, et, brusquement, la chienne s’arrêta, immobile, regardant furtivement son maître. Alors, le chasseur épaula le fusil et fit un signe imperceptible de la main, la chienne avança une patte, une autre avec d’infinies précautions et, soudain, interloqué, je vis deux volatiles s’envoler devant nous, toutes ailes déployées et zigzaguant légèrement. Deux coups de fusil résonnèrent répercutés par les flancs de la colline ; la chienne se précipita dans les grandes herbes et les roseaux. Elle revint, toute fière, vers son maître, avec dans sa gueule une magnifique bécasse. « Zut ! s’exclama le chasseur, je crois bien qu’il y a aussi un canard sauvage, approchons de l’étang ». Alors, un troisième coup de feu retentit et, dans cet espace étroit, la détonation me semblait décuplée.
Une fois, récupéré le canard, la chienne Zoupette était introuvable, pendant plus de vingt minutes, on l’appela, et Mr L. de dire : » pas de soucis, elle a reniflé quelque chose et tant qu’elle n’a pas trouvé, elle continuera à chercher ». Finalement, on aperçut quelque chose qui bougeait dans les herbes hautes, faisant des zigzags, disparaissant, revenant, et la chienne réapparut, agitant la queue, regardant son maître comme si elle lui souriait, tenant dans sa gueule la deuxième bécasse. Après s’être fait prier, elle lâcha sa proie tandis que son maître la flattait, lui donnant un morceau de viande qu’elle s’empressa d’avaler.
La brume commençait à monter dans le vallon encaissé et le froid se faisait plus vif. Excité par ce que je venais de vivre, c’est sans peine que je refis le chemin inverse.
Un retour inespéré pour notre ami paysan et pour moi aussi qui venais de faire une découverte qui m’empêcherait de dormir et il me dit « On les mangera ensemble. »
Jacques Lannaud
Adessias
Adieusiatz brave monde, excusatz-me se me tròmpi.
Au revoir braves gens, excusez-moi si je me trompe.
et ce sera mon ultime billet
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La Nauze, à Petit-Campagne, à 1 200 m de sa confluence sioracoise. Ces ondes, tout à la fois transparentes et "sombres", cachent-elles un vif regret d'abandon à ce limbe collinaire. Non, elles n'ont pas été polluées par l'abandon dans son cours d'un plumier abhorré. Ce ne fut là, bien sûr, qu'une hyperbole.
Ces ondes filent vers une souveraine en catalysant les attentes, les espoirs, les fureurs, les déceptions, les illusions perdues et aussi les discrètes ou solides amitiés du Rivatel, de la Grille -ou ruisseau de Landrou-, du Raunel, de la Beuze, du Mamarel, de la Vallée et de son adjacent le Neufond. Tous ces sillons, "Terre de l'homme", après "Terres de Nauze", les a plus ou moins suivis en essayant de souligner combien ils sont porteurs de strates d'histoire de nos villages, de nos chemins, de nos hameaux, de nos fermes, de nos mines, carrières et ateliers abandonnés, de nos bois, de nos champs et, naturellement, des braves croquants qui, dans ces lieux retirés, ont trimé pour gagner leur pitance et, parfois, en entrant en résistance contre l'insoutenable.
Certains disent que nos rivières ont une âme, comment ne pas adhérer à cet adage.
En déposant la clé sous le paillasson de "Terre de l'homme", je quitte, bien sûr, un lien auquel j'étais -et suis- profondément attaché mais il me faut bien prendre en compte l'évidence. J'ai de vigoureux et fermes sapeurs qui -et c'est leur droit- savent trouver le bât qui blesse ainsi que toutes les faiblesses et, répétitivement, les énoncent. Je ne compte que de cuisants échecs et ces revers successifs, voire ces fautes gravissimes et irrattrapables, ne peuvent certainement pas être des stimulants pour inciter des contributeurs à apporter leurs écots.
La coordination, pour éviter d'inutiles crashs et la vis sans fin des dérapages, modère les multiples dénigrements. Ils vont de l'ironie cinglante aux pamphlets vitriolés, en passant par la détestation haineuse. Le virus, lui, ne s'éradique pas. Entretenir un blog, ce n'est pas simplement saluer le lectorat d'un bonjour quotidien ; c'est, aussi, une recherche de thèmes en évitant la prise en écharpe sur des sujets qui fâchent.
Catherine, la coordinatrice, à plusieurs reprises, a lancé des appels pour trouver des partenaires et, si possible, des "plumes" qui sachent faire vivre dans la symbiose, notre bassin de vie.
Puisse-t-elle trouver ces forces vives qui sauront donner à "Terre de l'homme", l'itinérance que Pierre Merlhiot, son fondateur, appelait de tous ses vœux.
Amicalement à toutes et à tous... je dis bien, à toutes et à tous.
Pierre Fabre
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Le toponyme de Siorac-en-Périgord a 100 ans
SIORAC-en-PÉRIGORD
Pendant bien des années, Siorac s'appelait Siorac-&-Fongauffier, toponyme mal compris, voire incompris, car le bourg de Fongauffier n'est pas dans ses limites communales. Cette particularité s'explique par le rôle que joua l'Abbaye de Fongauffier de 1094 à la grande Révolution française. Quand le bruit des armes, après Rethondes, s'est tu, on amorça une période que, bien prématurément, nos ancêtres avaient nommé "Après guerre". Les équipes municipales commencèrent, alors, à prendre des décisions qui, enfin, pouvaient ne plus être que des décisions d'urgence. Quelques localités changèrent de toponyme, parfois en se limitant à glisser un la, les, lez, ou sur, qui bannissait la "vassalité". Villeneuve-d'Agen perdura jusqu'en 1875 avant de devenir Villeneuve-sur-Lot ; Villefranche-de-Belvès, en 1898, devint Villefranche-du-Périgord. À Siorac, on a su attendre la paix pour détacher Fongaufier, qui ne comptait qu'un seul f, du patronyme et l'enrichir d'un du Périgord, pour des raisons touristiques. Il a fallu au Dr Numa Lavelle, maire de l'époque, de l'opiniâtreté car il dut recourir trois fois au Conseil d'État pour obtenir gain de cause.
Ce 31 août, sur le parvis de la mairie, Didier Roques, maire de Siorac, a reçu une quarantaine de personnes venues pour le vernissage de l'exposition diligentée par Vénitia Teida.
Tout naturellement, le premier magistrat s'est plu à reconnaître la qualité de la galerie soulignant les joliesses de ce bourg, jadis portuaire, et ses collines où l'on peut remarquer des valeurs patrimoniales dont le dolmen, site du Néolithique, à Peyre Lévat.
On remarquait, dans le public, la présence de Serge Orhand, président de la Communauté de communes et de Vincent Bellard, président fondateur de l'association patrimoniale.
De gauche à droite : Rémy Bruneteau, président de l'Association du Petit patrimoine sioracois, Vénitia Teida, l'artiste qui est la maîtresse d'ouvrage de l'exposition et Didier Roques.
Didier Roques a logiquement passé la parole à la jeune paysagiste qui s'est ingéniée à rassembler toutes les valeurs patrimoniales sur les panneaux.
Une quarantaine de personnes ont apprécié le travail de Vénitia.
Cette dernière a remercié les personnes qui ont suivi la promenade photographique.
Didier a bien précisé que cette exposition restera visible jusqu'à la fin de l'année.
Lucienne Vergnolle, à droite de l'image, tutoie le siècle. La doyenne des Sioracois, qui a suivi la galerie avec Denise Nicolaï, conseillère municipale, s'est beaucoup intéressée aux détails de l'exposition.
Vénitia, par ailleurs, a conçu deux ouvrages d'une excellente qualité.
Pierre Fabre
Rappel du vernissage de Vénitia Teida
SIORAC-en-PÉRIGORD
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Photo © Terres de Nauze
"Aquí s'acampan las aigas e los òmes". Jean Rigouste
- Né dans le Lot (1938), demeure au Passage d’Agen (47)
- Professeur Agrégé de Lettres Classiques ; Master de Géographie historique.
- A enseigné à Agen, Mérignac, Bergerac (Lycées) et Bordeaux (Univ. de Bordeaux III et IUFM d’Aquitaine)
- Chargé de mission pour les Langues Régionales au Rectorat de l’Académie de Bordeaux (1983-92). Coordinateur d’émissions de télévision (FR3-Aquitaine) en Langues Régionales.
- Auteur de divers ouvrages en français (aide à la préparation du Baccalauréat) et en langue d’oc (dont « Parli Occitan », méthode d’apprentissage de la langue) ; chroniques de toponymie et articles dans diverses revues.
- Membre de la Société française d’Onomastique et du comité national de Toponymie.
- Fondateur et Président d’Honneur de l’Escòla Occitana d’Estiu (Villeneuve sur Lot, 44ème édition, cette année) .
Rappel
Ce soir 31 août, à 17 h, Didier Roques, maire, avec l'ensemble du conseil municipal, et Rémy Bruneteau, président de l'Association du Petit Patrimoine sioracois ainsi que les bénévoles de ce collectif, vous donnent rendez-vous sur le parvis de la mairie de Siorac pour le vernissage de l'exposition de Vénitia Teida. Cette galerie permet de découvrir ou de redécouvrir les charmes de l'ensemble de cet espace de confluence. Didier Roques, dans son sanctuaire républicain, rappellera que le toponyme de Siorac-en-Périgord, désormais, est officiel depuis un siècle. Le vernissage sera suivi d'un moment convivial de partage. |
Compte-rendu, sur "Terre de l'homme"" de cette manifestation, en fin de soirée. Cette rétrospective sera suivie du billet "Adessias".
Images http. www.siorac-en-perigord.fr
Pierre Fabre
Une bien triste nouvelle
CHOLET
&
Les EYZIES-de-TAYAC
Le lien "Terre de l'homme" vient d'être interpellé par une terrible nouvelle.
Jean-Philippe Lannaud Photo © Ouest France
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Ce lundi 28 août, la famille de Jacques Lannaud perdit Jean-Philippe, le fils de notre billettiste reconnu et apprécié par tous.
Jean-Philippe, ingénieur système et stockage à la Mairie de Cholet, après avoir résisté à un mal implacable et insurmontable, a été emporté à l'âge de 57 ans. Le défunt était le président du Rugby olympique choletais depuis 2017. Dimanche, à quelques heures de son dernier souffle, à l'hôpital, il partagea avec son père, quelques heures d'émotions rugbystiques. |
Ce départ bien prématuré ne peut qu'émouvoir le lectorat. Partageons l'immense peine de sa femme Christine, de sa maman, de ses enfants, de sa sœur, de son frère et, naturellement, de son papa, notre billettiste, le Dr Jacques Lannaud. Jean-Philippe rejoindra la sépulture familiale aux Eyzies. Rassemblement, donc, ce lundi 4 septembre à 15 h, sur le parvis de Tayac.
Jusqu'à lundi, les personnes qui souhaitent se recueillir, peuvent se rendre au funérarium du Bugue.
Pierre Fabre