Terre de l'homme

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De belles gens. Suite n° 45. Saga de Françoise Maraval

 

DE BELLES GENS

 

 

Épisode 45

 

 

 

1928 : la promesse,

 

Résumé de l’épisode précédent :

Yvonne et Achille Marchive habitent rue de la mairie avec leurs cinq enfants. Le père de famille travaille à l’usine de chaux et de ciments d’Allas-les-Mines comme menuisier ; quant à Yvonne, elle a obtenu un travail saisonnier à l’entrepôt des tabacs du village.

Côté Maraval, la situation a peu évolué. Emma suit avec intérêt la vie parisienne de son frère Henri.

 

Après chaque promenade avec Maria Alexandrovna, Henri Destal  prépare une nouvelle sortie pour être agréable à la jeune russe. Ils sont sortis ensemble presque chaque dimanche à la découverte de Paris. Pendant la belle saison de l’année 1927, bras dessus, bras dessous, ce couple ravissant a traîné sa nonchalance à travers le labyrinthe des allées des parcs et jardins de la capitale. L’automne a amené ses frimas et ses brumes et l’hiver a laissé place à un froid cinglant qui donne peu envie de rester trop longtemps dehors .

 

Tableau reproduction Le Parc Monceau - Claude Monet - Reproductions -  Tableaux

 

 

Image Arteist.fr. Tableau de Claude Monet : le parc Monceau

 

                                                                                                                                                       

Ils avaient revu le parc Monceau  pour y découvrir ses couleurs chatoyantes et chaudes alors que l’automne s’était installé. La saison lui avait inspiré ce poème :

 

                                                                       L’automne,

 

                                                            J’aime la saison de l’automne,

                                                           Les longues promenades dans la forêt,

                                                           Le bruit de la pluie qui tombe monotone,

                                                           L’odeur des fougères mouillées.

 

                                                           Soudain la pluie s’est arrêtée,

                                                           Un profond silence s’est établi,

                                                           Troublé seulement par quelques oiseaux effarés

                                                           Qui s’envolent en poussant leurs cris.

 

                                                           J’aime le souffle de ce vent frais et léger

                                                           Caressant les feuilles aux tons flamboyants

                                                           Qui, comme des feuilles de papier

                                                           Tombent silencieuses en tourbillonnant.

 

                                                           J’aime la fraîcheur des matins,

                                                           La brume qui s’étend sur la plaine,

                                                           Alors qu’un timide soleil dans le lointain

                                                           Semble percer ce manteau de laine.

 

                                                           Avec mélancolie, je pense en marchant

                                                           Que demain ce sera l’hiver

                                                           Qui de son épais manteau blanc

                                                           Viendra recouvrir toute la verdure d’hier.

 

                                                                      

Depuis que l’hiver est arrivé, Maria et Henri se sont mis à fréquenter les salles de spectacles. A deux reprises, ils sont allés au théâtre des Mathurins y voir la pièce de George-Bernard Shaw : « La Maison des cœurs brisés » puis une pièce d’Henrik Ibsen : « Brand ».

 

A la Comédie française, ils ont découvert « Le métier d’amant », pièce d’Edmond Sée, mise en scène d’André Luguet avec Charles Granval et Berthe Bovy.

 

Côté Music-hall, la création au Moulin-Rouge du spectacle « Paris qui tourne » avec Mistinguett et Jean Gabin les a emballés.

 

Au cinéma, ils ont franchi l’Atlantique avec Howard Hawks dans : « Prince sans amour ».

 

Un soir, en fin d’après-midi, peu après son retour du travail, Henri a entendu frapper à la porte. C’est Simon Smirnoff qui, visiblement embarrassé, a une requête à formuler à Henri :

 

- « Henri, je ne vais pas passer par quatre chemins ; voilà de nombreux mois que vous sortez avec ma nièce Maria, vous vous plaisez sinon il en serait autrement. Henri, j’ai besoin de savoir quelles sont vos intentions ? Ma nièce va avoir 28 ans, cette année, il est grand temps qu’elle se marie et fonde une famille. Vous savez que je fréquente la colonie russe : à plusieurs reprises, Maria nous y a accompagnés,  elle y a fait sensation !!! J’ai eu plusieurs propositions la concernant…  Henri, avant d’y répondre, j’attendais de connaître votre intention? »

 

Henri y a pensé à maintes reprises ; il est fier d’avoir Maria à son bras, il est troublé de la voir onduler à ses côtés, sa voix le transporte. Ils ont les mêmes centres d’intérêt, le même humour, mais une vie commune n’a jamais été évoquée. Il ne connaît pas les convenances russes et surtout il comprend que Maria lui est bien supérieure en tout ; et, cela,  pour Henri Destal, représente  un obstacle.

 

Il fait part de son état d’âme à l’oncle de Maria. Simon semble soulagé. Mais que pense Maria d’un mariage avec un Français ! Si la situation en Russie permet de se libérer des Bolcheviks, est-ce-que Maria repartira dans son pays natal ?

Et oui, avec un calme olympien, Maria attendait la demande en mariage de son promeneur. Simon pense que Maria et Henri doivent parler de leur avenir en tête-à-tête. 

 

Bien qu’il se sente déjà prisonnier d’une vie dont il n’a pas rêvé, Henri réserve une table pour deux, dans un restaurant prestigieux « La Closerie des Lilas » boulevard du Montparnasse, quartier Notre-Dame-des-Champs. Ce lieu n’a pas été choisi au hasard…

 

 

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« Ils sont arrivés se tenant par la main, l’air émerveillé, comme des gamins ».

 

Avant de faire sa demande en mariage, Henri  présente l’histoire de l’endroit à Maria.

                                                                                                                                                        

Maria, ma chérie, autrefois, ce restaurant gastronomique avait été surtout, un café d’artistes et d’intellectuels. Au XIXème siècle, on pouvait y rencontrer un groupe de peintres de l’atelier de Charles Gleyre dont Bazille, Renoir, Monet, Sisley bientôt rejoints par Pissarro. Ils deviendront le groupe des Impressionnistes.

Après 1860, on pouvait aussi y voir Émile Zola, Paul Cézanne, Théophile Gautier, Charles Baudelaire, les frères Jules et Edmond de Goncourt.

Au début du XXème siècle, on pouvait y croiser Paul Verlaine, Paul Fort disputant une partie d’échecs avec Lénine !

Le « mardi de la Closerie des Lilas » devient le fameux rendez-vous intellectuel.

L’intelligentsia américaine y mène une vie nocturne : on y rencontre Hemingway, Scott Fitzgerald, Henry Miller.

 

- Oh ! Henri, cela me rappelle le café littéraire de Saint-Pétersbourg, au 18 de la perspective Nevski. Paris est une ville extraordinaire, je suis fière d’y habiter mais mon cœur sera toujours en Russie dans la ville où je suis née.

 

- Maria, j’espère qu’il vous reste une place pour moi dans votre cœur !!! Cette journée est pour moi une journée exceptionnelle qui me rend plein  d’humilité. Maria, voulez-vous m’épouser ?

 

C’est fait : Henri a prononcé ces mots fatidiques. Cependant, il se demande si c’est lui qui vient de poser la question ?

Maria a les yeux remplis de reconnaissance. Il croit qu’elle va s’évanouir en prononçant son « oui » presque imperceptible  !

Et pendant que le serveur se tient derrière eux et  se demande s' ils ont choisi leur menu sur la carte qu’ils n’ont pas encore remarquée, ils échangent le premier baiser d’amour… quel délice !!!

Il faut se  ressaisir  maintenant, ils vont avoir toute la vie pour s’aimer.

 

Henri commande du champagne, le meilleur de l’établissement, qui arrive avec ses toasts de foie gras et de caviar. Pour la suite, ils ont choisi le même menu. Une fois de plus, ils sont naturellement en harmonie. La conversation est animée, Maria veut connaître dans les détails, l’enfance de son bien-aimé. Au dessert, Henri aborde un point qui lui tourne dans la tête depuis la visite de Simon Smirnoff : la bague de fiançailles. Henri ne connaît pas les goûts de « sa tourterelle », en matière de pierres précieuses. Il lui demande de l’accompagner chez le bijoutier de son choix. C’est alors que Maria demande une faveur.

- Henr.r.ri ! Je vous prie d’accepter  ma r.r.equête. En guise de bague de fiançailles, je ser.r.ais tellement heureuse de porter la bague que mon grand-père  maternel avait offert à ma babouchka Eva.

Et elle sort de son sac à main, un petit écrin qui, ouvert, fait apparaître une bague magnifique :

 

 

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un majestueux saphir bleu-velvet de Ceylan entouré de diamants resplendissants et montés sur platine. Une bague d’une finesse inouïe qu’Henri n’aurait jamais pu acquérir, même en retirant son capital issu de la vente de la forge et placé chez maître Podevin  à Saint-Cyprien. Une bague qui porte l’empreinte de la Russie tsariste, une bague extraordinaire. En une seconde, le fiancé a réussi à maîtriser sa stupéfaction ! Il comprend que, pour toujours, l’ombre de la Russie impériale va planer entre eux, dans les têtes et dans les cœurs.

A son tour, il demande une faveur, c’est lui qui achètera les alliances.

 

Ils ont déambulé dans le quartier de Montparnasse, avant de rejoindre l’appartement des Smirnoff de la rue Tronchet où Olga et Simon avaient organisé une petite fête en leur honneur.

 

 

Françoise Maraval

 

 

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Bordure enlevée

 



06/11/2022
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