Terre de l'homme

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Novembre : la saison des prix littéraires

 

 

 

Capture d’écran 2022-11-26 à 11

          

                            Le jury du Goncourt autour de Brigitte Giraud (photo Olivier Dion)

 

 

Comme chaque année, venue la saison des feuilles mortes « que l’on ramasse à la pelle », des champignons, des châtaignes, des fruits d’automne, des brouillards que le soleil, si généreux l’été, a du mal à percer, le rituel des prix littéraires mobilise, fébrilement, une foule de journalistes qui piétinent, se piétinent, se pressent pendant des heures devant le restaurant Drouant à Paris, dans le tintamarre d’une foule impatiente attendant l’oracle qui va annoncer solennellement, tandis que les éclairs des flashs aveuglent et que les décibels montent en flèche, que les chuts !!! fusent  de partout :

 

Mesdames, Messieurs,

 

 

 le prix Goncourt 2022 a été attribué à Brigitte Giraud pour son livre Vivre Vite

 

 

 

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                                             Brigitte Giraud (photo Ouest-France)

 

Ce jeudi 3 novembre, 13 heures, en quelques secondes, la nouvelle fait le tour des médias, les émissions en cours sont interrompues et devant le restaurant, c’est le branle-bas « de combat », on court dans tous les sens, bruits de scooters, de motos, de voitures qui détalent à toute vitesse tandis que, sur place, dans un espace très étroit, on joue des coudes, on vocifère, on se démène pour tenter de décrocher une interview...et, en coulisses, à l’étage, paisibles, sont réunis discrètement en cénacle, dans un salon privé, les dix jurés du prix Goncourt, non pour un repas d’exceptionnelle gastronomie mais pour fêter l’évènement avec l’heureuse élue dans cette enceinte où la vedette du jour est attendue.

 

Moment d’émotion porté à son comble, rires, cris montent de toutes parts quand l’auteure apparaît. On se tasse, se presse, tout juste si l’on ne tente pas de repousser murs et cloisons de l’étroite salle contre lesquels on fait pression alors que d’autres sont en équilibre sur les marches de l’escalier montant à l’étage. Apparaît, alors, l’héroïne qui, très émue, cherche à fendre la foule dans un brouhaha indescriptible, tente de répondre aux questions qui fusent, à peine si l’on distingue les mots qu’elle prononce dans ces micros tendus à bout de bras répercutant instantanément ses paroles aux quatre coins de l’horizon national.

 

Moment magique d’une carrière consacrée aux lettres, à l’écriture qui a noirci, de sa main, des milliers de pages blanches sorties de l’imprimante de l’ordinateur ou, parfois, raturées, corrigées à la plume Sergent-major. Car, derrière l’écrivain (e), se cache une personnalité, une culture souvent immense, une philosophie de la vie, des évènements, des comportements, des caractères, des qualités et défauts, une société avec laquelle on fait corps, dont on connaît les aspirations collectives, les valeurs, les drames, les joies, toutes sources d’inspiration que l’homme ou la femme de lettres exploitent pour traduire la force magique de l’écriture.

 

Certains auditeurs et/ou téléspectateurs, instinctivement, pris, eux aussi, d’une certaine agitation, entrent dans la première librairie à proximité ou dans ces espaces culturels où l’on trouve des milliers de documents sur de multiples étagères ;  mais, le livre n’est pas encore là ou bien il se trouve parmi d’autres, caché parmi ceux, eux aussi, prétendant à remporter le prix ; mais, rien ne le distingue surtout pas le fameux bandeau rouge mentionnant « Prix Goncourt 2022 ».

 

Déception, il faut attendre que le volume de 208 pages sorte des imprimeries, déjà, en train de tourner à toute vitesse, ceint de son fameux bandeau rouge sous l’étiquette de son éditeur Flammarion qui n’avait plus remporté le prix depuis celui décerné à Michel Houellebecq « La carte et le Territoire. »

 

Et, l’on apprend que la compétition a été rude face à des concurrents qui ont fait hésiter les jurés, que ceux-ci, malgré leurs discussions, leurs polémiques, leurs clans, ont, longtemps, hésité devant Le Mage du Kremlin de Giuliano da Empoli, récompensé du Grand Prix de l’Académie française, Les Presque Sœurs de Cloé Korman, Une somme humaine de Makenzy Orcel.

 

Capture d’écran 2022-11-26 à 11
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Brigitte Giraud (photo Pascal Ito)

 

 

Mais, tous les pronostics des critiques littéraires ont été déjoués ; pour son 14ème  livre, l’autrice lyonnaise est récompensée, livre particulièrement émouvant, compte à rebours haletant, histoire d’une disparition, d'une mort accidentelle à moto du compagnon de l’auteure, survenue en 1999.

 

Et pour se faire connaître, elle avait déclaré : » Chacun de mes livres a pour base quelque chose qui, depuis longtemps, m’empêche de vivre, me perturbe ou me donne le sentiment d’être hypervivante... Ce qui te traverse, parfois te dépasse, l’écriture est un bon moyen de faire le tour du propriétaire ».

 

Ces aveux, parfois, arrachés, ces livres sont autant de recueils venant enrichir l'héritage de tout ce qui a été écrit, les siècles précédents, de tout ce qui a porté les lettres françaises au sommet de la culture universelle et fait de la langue de Molière, une de celles les plus parlées au monde, héritière des auteurs et écrits de l'antiquité gréco-latine, sources d’enrichissement, de connaissance, le socle linguistique, historico-littéraire et philosophique.

 

Grande avenue littéraire des Prix Goncourt, pour user d'une métaphore, qui serpente dans un grand jardin jalonné de ces ouvrages, uniques en leur genre, ayant couronné des écrivains célèbres toujours bien présents au Tableau d'honneur des Lettres françaises :

 

                           Henri Barbusse en 1916 « Le Feu »

                          Marcel Proust en 1919 avec « A l’ombre des Jeunes Filles en fleur »

                          Maurice Genevoix en 1925 « Raboliot »

                          André Malraux en 1933 « La Condition humaine »

                          Simone de Beauvoir « Les Mandarins » -

                           Marguerite Duras 1984 « L’Amant »

                           Pascal Lainé « La Dentellière »

                          Jonathan Little 2006 « Les Bienveillantes »

                           Hervé Le Tellier 2020 « L’Anomalie »

                          Mohamed Mbougar SARR « La plus secrète mémoire des hommes »

 

Grande avenue où sont dénombrés bien d’autres auteurs eux aussi renommés , ouvrages qui ont contribué à édifier cette culture de l'esprit sur plus de 150 ans dont la notoriété vient démentir Jean de La Bruyère qui, en 1696, écrivait dans Les Caractères : « Tout est dit et l’on vient trop tard... » ou nos médias actuels qui se plaignant de la déficience de la langue mal défendue et rongée de parasites, mais que font-ils pour en débarrasser leur langage, leurs émissions télévisées ou radiophoniques qu’encombrent tous ces anglicismes, américanismes, qu’ils sont les premiers à utiliser dans leurs paroles et leurs émissions ?

 

Oui, la lecture demande réflexion, concentration, compréhension car il faut suivre l'intrigue, s'imaginer les personnages et leurs comportements, leur psychologie, tout un monde que l'on découvre et qui nous absorbe pour quelque temps, souvent avec curiosité et admiration du style et de l'imagination de l'auteur qui nous délivre, aussi, des vérités sur nous-mêmes.

 

 

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Le prix Goncourt a été créé par le testament d’Edmond de Goncourt en 1892, la Société littéraire des Goncourt, dite Académie Goncourt en 1902, le premier prix est décerné le 21 décembre 1903, plus de 150 ouvrages ont reçu le prix, à ce jour.

 

Alors, promenons-nous dans ce jardin littéraire, relisons certains chefs-d’œuvre, l’époque s’y prête, sans oublier le dernier en date Vivre Vite, une réalité de tous les jours.

        

 

Jacques Lannaud

                          

 

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28/11/2022
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