Terre de l'homme

                                                  Je voguais à travers mes liens frêles ...

Le blog sort de son silence.

15 jours après les voeux de Bruno, dernier article publié sur Terre de l'homme, et la décision de Pierre Fabre de mettre un terme à sa contribution au blog, c'est notre ami Jacques Lannaud qui rompt ce silence  pour, à son tour, présenter ses voeux au lectorat et nous inviter à "rêver un peu". 

Difficile de rêver dans le monde actuel comme dans celui d'Arthur Rimbaud au lendemain de l'écrasement de la Commune de Paris. Tout nous invite au pessimisme et à une inquiétude extrême.

Résistance, solidarité, union, paix, liberté... des horizons qui ne sont peut-être pas définitivement refoulés en territoire d'utopie. C'est ce que semble suggérer Jacques Lannaud. 

Pour en revenir au blog, Jacques nous fait également part de son souhait de le voir perdurer en élargissant ses horizons.

Après le départ de Pierre Fabre, une suite ne sera possible que si de nouveaux contributeurs se manifestent. Des appels ont été maintes fois lancés mais sont restés infructueux.

J'en lance un nouveau, aujourd'hui. Le blog n'est pas fermé. Je ne peux me résoudre à prendre seule la décision, malgré toutes les difficultés rencontrées,  de supprimer ce que nombre  d'entre vous considèrent encore, je crois, comme un lien important.

Vous pouvez m'envoyer vos contributions à catherinemerlhiot@gmail.com

Pour plus de sérénité, il ne sera plus possible de faire des commentaires anonymes.

J'espère également retrouver un fonctionnement collégial.

En attendant, je vous présente à tous mes meilleurs voeux pour 2025, en espérant pouvoir vous retrouver autour de Terre de l'homme.

Rêvons un peu avec Jacques Lannaud.

Catherine Merlhiot 

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Pourquoi ne pas rêver toujours d’Europe, cette entité qu’ont voulu, dans le passé, conquérir, ces autocrates en tout genre de Charles Quint, à Louis XIV, de Napoléon-Bonaparte à Bismarck et son successeur Hitler, conquêtes meurtrières et dévastatrices sur le modèle de la guerre de Cent ans qui ravagea le pays de France.

Comment s’imaginer après cette Seconde guerre mondiale, que des hommes déterminés allaient faire table rase de ce passé si récent pour impulser sur ces ruines encore fumantes et à la suite de tentatives antérieures sans lendemain, ce concept d’une communauté européenne, cette entité territoriale, cette idée séculaire qui avait débuté avec Charlemagne.

Résolus à faire régner la paix sur le continent, Jean Monnet, Robert Schuman, Paul-Henri Spaak, Konrad Adenauer, Alcide de Gasperi, Joseph Bech, voulaient bâtir un ensemble plutôt qu’un empire destiné à défendre cette civilisation européenne assise sur les mêmes valeurs démocratiques, pour faire face à des géants en train d’émerger tels les Etats-Unis, l’Empire Soviétique, la Chine et l’enjeu nucléaire qui se dessinait ; tous et leurs successeurs, De Gaulle, Adenauer, Giscard d’Estaing, Mitterrand, Kohl…avaient cette ambition de bâtir cette union européenne, mère de la démocratie, pour la préserver d’autres ambitions impérialistes.

Passer au-dessus de ces siècles d’histoires de conflits, de conquêtes, de soumissions qui ont fait le malheur des peuples et n’ont apporté que des solutions bancales à ces voisins qui tentaient de cohabiter, malgré tout, à travers les frontières pour se retrouver face à face, s’entretuer, triste histoire européenne dont les cicatrices sont, encore, présentes, parfois vives. Le rêve de ces leaders d’envergure était de nous laisser cette vision de peuples, autrefois hostiles, apprenant et profitant de ce que pouvait être une Europe sans guerre, pacifique, ouverte et prospère.

Prétendre, comme on l’a souvent entendu que l’Europe n’était qu’un vaste marché économique et financier, semble réducteur par rapport aux bénéfices qu’en ont tirés tous ces peuples, en matière de niveau de vie, d’échanges culturels et artistiques, de libre circulation des marchandises et des hommes, de cohabitation pacifique, de monnaie unique (20 pays ont intégré la zone euro)… non, impossible de réduire cela au seul concept mercantile.

La signature en grande pompe du Traité de Rome, le 25 mars 1957, reste une étape sans précédent après l’Empire de l’Empereur à la barbe fleurie, une idée révolutionnaire qu’avait tentée la Révolution française ; un ensemble prenait corps qui inquiétait la perfide Albion, invitée à y adhérer mais en conservant son âme et son puissant allié d’outre-Atlantique.

Quelques citations de l’époque :

« La contribution qu’une Europe organisée et vivante peut apporter à la civilisation est indispensable au maintien des relations pacifiques. (Robert Schuman, 9 Mai 1950)

« La raison de ce projet est le besoin de trouver une façon d’arrêter la menace d’un retour du militarisme allemand et corriger l’erreur faite à l’époque de Poincaré quand on pensait qu’occuper la Ruhr était la solution. (A. de Gasperi)

« Aussi longtemps que l’Europe restera morcelée, elle restera faible et sera une source constante de conflits… Avec le plan Schuman et avec l’armée européenne, nous avons posé les fondations sur lesquelles nous pourrons construire les Etats Unis d’Europe, libres, vigoureux, pacifiques et prospères. » (Jean Monnet, discours devant le National Press Club, 30/avril /1952)

L’accord sur la « Politique Agricole Commune » (PAC) était un succès pour le général de Gaulle qui ouvrait les portes de l’Europe à l’agriculture française, laquelle en bénéficierait largement.

Puis, l’accord trouvé sur la monnaie unique, l’Euro, inscrit dans le Traité de Maastricht signé par François Mitterrand en 1992, est, lui aussi, une grande réussite face au dollar américain conquérant et universel car il apportait à la France une stabilité financière qu’elle ne connaissait pas, avec le franc trop souvent dévalué et les conséquences d’une monnaie faible sur une économie malade chroniquement.

Mais, les temps actuels montrent combien fut néfaste l’abandon de l’idée d’une défense commune par le Parlement français en 1954, le traité de la CDE (Communauté de Défense Européenne) non repris lors de la signature des traités de Rome en 1957. Car c’était l’occasion unique pour la communauté de souder sa solidarité et son existence, de résister à des forces contraires, de ne pas devenir une proie trop exposée.

Aujourd’hui, l’Europe est déstabilisée, divisée, les ambitions nationalistes se réveillent, incapable de résister et de courir au secours d’une Ukraine que veut soumettre le dictateur qui, ainsi, voit l’opportunité de casser l’Europe et rétablir son influence sur les états de l’Est européen.

Trump ne va-t-il pas faire la paix sur le dos de l’Europe engluée dans ses tergiversations ?

Et la France continue à se livrer à ses jeux habituels de Gaulois divisés, peu importe le budget, peu importe la dette et les intérêts qui grimpent et amputent de plus en plus nos capacités financières. Heureusement, nous avons fait l’admiration du monde entier avec Les Jeux Olympiques, Notre-Dame de Paris, mais, elle rêve :

Parfois, martyr lassé des pôles et des zones

La mer dont le sanglot faisait mon roulis doux

Je restais ainsi qu’une femme à genoux

Presqu’île, ballotant sur mes bords les querelles

Je voguais à travers mes liens frêles

Jeté par l’ouragan dans l’éther sans oiseau

Fileur éternel des immobilités bleues,

Je regrette l’Europe aux anciens parapets !

Je ne puis plus, baigné de vos langueurs

Ni traverser l’orgueil des drapeaux et des flammes,

Ni nager sous les yeux horribles des pontons.

Le Bateau ivre. Arthur Rimbaud.

Bonne Année à tous, lecteurs du blog, je formule le vœu d’un retour prochain de notre ami Pierre Fabre qui reste une figure emblématique de cet édifice qu’est le blog qui permet des échanges intéressants voire passionnants ; je formule un autre vœu que ce lieu d’échanges s’élargisse à d’autres thèmes et que des lecteurs qui aiment s’y retrouver, prennent à leur tour la plume.

Catherine Merlhiot se fera un plaisir de les accueillir : « tout citoyen y est le bienvenu et aucun sujet n’est exclu » ( sic Pierre Merlhiot).

Jacques Lannaud