Terre de l'homme

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  La rose de l'Alhambra, par Françoise Maraval, premier épisode

 

 

       LA ROSE DE L’ALHAMBRA

 

 

 

                                             1

 

 

                  À Noël, un enfant nous est né.

                           

                                                      

 

Naissance du Christ

 

    L’adoration des bergers par Guido Reni (1642)

                        

 

                    

 

            Doña Isabella de Almanzar,* la maîtresse des lieux, était particulièrement attendue au sein de la chapelle de l’Orangeraie, en cette nuit de Noël 1893.

 

            Elle est arrivée sereine et imposante au bras de son mari, Don Miguel de Almanzar, accompagnée de ses deux enfants, Juan et Maria-Isabella. La petite église était noire de monde, seules les places du premier rang, dévolues aux maîtres, restaient disponibles.

 

            Tous les péons, ouvriers agricoles, se devaient doublement d’être présents, d’abord pour fêter l’arrivée du Sauveur et, aussi, pour s’incliner devant la grande Isabella, grande par la taille, mais surtout grande, en raison de ses valeurs morales et humaines. Doña Isabelle attendait un heureux évènement, d’un jour à l’autre. Tous les yeux des personnes, ici, présentes convergeaient vers leurs employeurs, les grands propriétaires terriens de la région.

 

            À l’arrivée tant attendue, le plus grand des enfants de chœur s’est délicatement glissé dans la sacristie où le padre Fernando attendait le signal pour intervenir. Le chœur de la chapelle se trouvait baigné de la lumière des grands candélabres multipliés pour la circonstance. Seule la grande crèche en bois d’olivier reposait dans la pénombre.

 

L’harmonium a donné le départ avec le cantique que tout le monde connaît et a repris en chœur : Douce nuit.

 

            Douce nuit, Sainte Nuit,

            Où dans l’ombre, loin du bruit,

            Seuls, Joseph et la Vierge Marie

            Veillent sur l’enfant et le prient.

                        Ô nuit illuminée,

                        Ton ombre resplendit.

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Une ardente et particulière ferveur pouvait être perçue par les âmes les plus sensibles. Chaque dimanche, l’ensemble des ouvriers agricoles se faisaient un devoir d’honorer le seigneur et la confusion existait entre le seigneur, le Dieu tout-puissant, l’Éternel et le seigneur local, celui qui apporte le pain quotidien avec humanité et bienveillance.

Il n’y avait aucune différence au sein de ces âmes pieuses qui voulaient toutes s’envoler vers la voûte céleste.

 

            Il est né le divin enfant ! Isabella de Almanzar se demandait si la naissance de son troisième enfant n’allait pas être pour aujourd’hui, jour de Noël.

 

            À la sortie de la chapelle, sur le parvis, un vin chaud a été servi accompagné de croquants aux amandes et de petites douceurs parfumées à la fleur d’oranger. On s’est quitté heureux d’avoir partagé la solennité de cette Sainte Messe.

 

            Dans la grande maison, éclairée de la cave au grenier, la salle à manger, décorée de son traditionnel sapin de Noël attendait que les invités s’installent autour de la table parée de tous ses attraits. Alors, les mets ont commencé à défiler pour ravir gourmands et gourmets. Rassemblés autour du sapin pour y découvrir les cadeaux, tout un chacun a dû attendre car Doña Isabella, prestement debout, venait de comprendre que l’heureux évènement était bien pour aujourd’hui, 25 décembre 1893.

 

            Installée dans sa chambre, déjà mère deux fois, la maîtresse de maison attendait patiemment l’arrivée de la sage-femme. Tout le premier étage était en effervescence, chacun avait son rôle à jouer. Les aînés, Juan 14 ans et Maria-Isabella 10 ans, après l’interminable réveillon, ont été priés de regagner leur chambre avec leurs cadeaux. L’arrivée d’un troisième enfant avait quelque peu déstabilisé le couple. Mais, assez vite, Isabella y avait vu la volonté de Dieu plutôt qu’une malédiction.

 

            Après être monté à l’étage, pour y embrasser son épouse, Don Miguel était allé rejoindre ses amis dans le petit boudoir qui jouxte le bureau, dans les hauteurs de la tour mauresque ; Ignacio Gomez, l’intendant, le médecin Esteban Perez et le padre Fernando étaient déjà là lors des précédents accouchements. Le café, les liqueurs fortes, les cigares et cigarillos et les sucreries indispensables au padre aideront à passer le cap. Ces deux derniers attendaient là, l’heure de leur intervention.

 

            Doña Isabella avait perdu les eaux dans la salle à manger et, depuis, elle étudiait la progression de ses contractions, progression contrôlée, aussi, par la sage-femme. On a estimé qu’il était grand temps de faire appeler le médecin. Le padre Fernando avait rejoint la pièce voisine de celle de la chambre de la dame. Il y priait en compagnie d’un enfant de chœur. La délivrance a été facile contrairement à deux autres fois. Il faut dire que le bébé était très grand et ne pesait que 2 kg 800 g. Il s’est fait aussitôt entendre dans tout l’étage. La sage-femme l’a emmené dans la salle de bains pour une toilette et habillé comme un prince, qu’il a refait son apparition dans la chambre de sa mère, elle aussi revigorée. Don Miguel de Almanzar pouvait être appelé. Il a interrogé du regard le médecin toujours présent dans la pièce et a compris, tout de suite, que tout s’était bien passé. Il a alors délicatement embrassé sa femme et l’a remerciée de lui avoir donné un second fils. Le padre a béni la petite famille et il est désormais grand temps de laisser la mère et l’enfant se reposer.

 

 

 

* de Almanzar : lire dé Almanzar

 

 

 

 

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Françoise Maraval

 

 

 



10/10/2023
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