Terre de l'homme

Terre de l'homme

Le masculin l'emporte sur le féminin

 

 

Capture d’écran 2021-12-01 à 19

 

 

Voilà une règle de grammaire que des générations d'élèves et d'enseignant(e)s ont appliquée, pendant des décennies, sans remettre en question son bien-fondé ; et voilà que Le petit Robert dans sa version en ligne, fait figurer le pronom iel qui permet d'évoquer une personne quel que soit son genre.

L'affaire a fait grand bruit pendant quelques jours, dans les médias. Les choses s'apaisent mais ce n'est que partie remise, compte-tenu de l'enjeu que lui prêtent les partisans de l'orthodoxie et ceux du changement.

Auparavant, la chose ne faisait point débat, l'usage permettait d'utiliser l'accord de proximité (de voisinage) : le dernier terme donnant son genre de telle sorte qu'il était possible d'écrire : "Les hommes et les femmes sont belles".

C'était sans compter, à partir du XVIIème siècle, sur la volonté délibérée du pouvoir et des institutions (l'Académie) d'établir la supériorité de l'homme sur la femme. C'est surtout lors de l'institution de l'école obligatoire que cette règle de la supériorité du masculin s'imposa.

C'est ainsi, qu'à l'insu du grand public, cette règle de grammaire, en apparence anodine, cachera une orientation sociétale.

"Cacher" n'est peut-être pas le mot approprié. En 1675, le prêtre grammairien Dominique Bouhours écrit : "Lorsque deux genres se rencontrent, il faut que le plus noble l'emporte". En 1761, un autre grammairien, Nicolas Beauzée, décrète :"Le genre masculin est réputé plus noble que le féminin, à cause de la supériorité du mâle sur la femelle". Au XVIIème siècle, Descartes et Malebranche n'ont pas procédé autrement pour établir une hiérarchie entre l'homme et l'animal.

Si une grande partie de l'opinion publique s'est accommodée de cette règle de grammaire, les féministes ne s'y sont pas trompées, qui ont fait de l'orthographe inclusive, un nouveau combat qui tend vers l'effacement des genres.

On assiste, depuis quelques années, à une radicalisation des mouvements féministes. (Le mot radical à mes yeux n'a rien de négatif). En cela, ils sont à l'unisson d'une partie de notre société. Le mouvement des gilets jaunes, expression du sentiment de déclassement d'une partie de la classe moyenne, en témoigne. Les termes barbares de "Cancel culture" et de "woke culture" hérités de la société américaine, traduisent des comportements extrêmes, parfois excessifs de notre société face à ses manquements.

 

 

Capture d’écran 2021-12-01 à 19
Capture d’écran 2021-12-01 à 19

 

                     Olympe de Gouges                                                          Louise Michel

 

 

Pour faire court, on a assisté jusqu'au milieu du XXème siècle, à un combat pour l'émancipation de la femme et l'égalité des droits (les femmes n'avaient pas le droit de détenir un chéquier, devaient avoir l'autorisation du mari pour exercer une profession, ce n'est qu'en 1944 qu'elles ont obtenu le droit de vote).

 

 

Capture d’écran 2021-12-01 à 19

 

 

Puis la dénonciation de la domination masculine a pris le relais. Dès lors, avec les provocations des Femen et les dénonciations des violences faites aux femmes par les mouvements "Me too", on est loin du comportement des associations traditionnelles qui ont mené le même combat mais sur un registre plus paisible. Actuellement, le militantisme féminin, violent, soutenu, sa sévérité sans concession, sont une réponse aux graves manquements autrefois dissimulés, souvent impunis,  d'une partie du monde politique et médiatique qui se doit d'être exemplaire.

 

 

Capture d’écran 2021-12-01 à 19

 

 

Que pèsera dans ce combat, la suppression éventuelle d'une règle de grammaire, qui, pour beaucoup, n'a pas conservé sa connotation machiste ? Toutefois, elle reste l'un des symboles d'une société qui s'est trop longtemps accommodée de l'injustice faite aux femmes.

 

 
 
Capture d’écran 2021-12-01 à 19
Capture d’écran 2021-12-01 à 19

 

                      Simone de Beauvoir                                                           Gisèle Halimi

 

 

D'Olympe de Gouges à Gisèle Halimi, en passant par Simone de Beauvoir, Joséphine Baker, et Simone Veil, la liste est longue de femmes qui ont mené un combat qui n'est pas terminé ; mais, je voudrais citer un écrivain qui, dès 1729, dénonçait la société de son époque annonçant ainsi les mouvements féministes. Il s'appelait Marivaux.

Voici ce qu'il écrit dans sa pièce de théâtre "La colonie":

 

Et  que voulez-vous ? On nous crie dès le berceau :  "Vous n'êtes capables de rien, ne vous mêlez de rien, vous n'êtes bonnes à rien, qu'à être sages. On a dit à nos mères qui l'ont cru, qui nous le répètent... On nous mène comme des moutons."

 

 
 
Capture d’écran 2021-12-01 à 19
Capture d’écran 2021-12-01 à 19

 

                     Joséphine Baker                                                         Simone Weil

 

 

PS : Si à juste titre, on peut faire le procès de la société du XVIIème siècle et de ses grammairiens, d'avoir, à dessein, décrété la primauté du masculin, il serait injuste de faire le même reproche à ceux qui, inconsciemment, par une sorte de tropisme, font passer l'homme avant la femme. Je pense, en particulier, aux préhistoriens et anthropologues dont les publications font référence à l'homme de Cro Magnon, à l'homme de Néanderthal, à l' homme de Chancelade, alors que les sites éponymes contenaient des fossiles féminins.

Une exception toutefois, Lucy,australopithèque de 3 millions d'années, découverte en Ethiopie et qui, vraisemblablement, aurait été une fois pour toutes désignée par le code AL.288-1 si l'équipe des chercheurs n'avait eu le coup de coeur pour la chanson des Beatles : Lucy in the sky with diamonds.

 

 

Pierre Merlhiot

 

_________________

 

 

Samedi, report du papier, découverte d'un mot peu utilisé mais qui dit bien ce qu'il veut dire.



02/12/2021
13 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 197 autres membres