Terre de l'homme

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Voyage et mésaventure

Non, Jacques Lannaud, le contributeur qui a conquis la totalité du lectorat de "Terre de l'homme", ne s'était pas enfui. Catherine, la coordinatrice de ce blog, qui espère toujours voir arriver de nouvelles et nouveaux billettistes, peut s'inquiéter de voir le niveau du sas des articles potentiels et virtuels fortement menacé, d'autant plus qu'hier fut l'acte final de publication de la longue saga de Françoise Maraval.

Jacques Lannaud profite de cette ouverture estivale pour emmener le lectorat en voyage mais le voyage, parfois, peut rencontrer quelques mésaventures.  

 

Les moments de détente et de vacances sont souvent des jours de découverte, d'enrichissement intellectuel et d'observation de savoir-faire. Il n'est cependant nullement besoin d'aller sur la Muraille de Chine, aux Seychelles ou à Machu Picchu, pour nous émerveiller et vivre de belles journées. La multitude des sites chargés d'histoire, notamment médiévale, les superbes portions des chemins de Saint Jacques, avec une note particulière pour Conques, quelles que soient nos convictions philosophiques, les gravissements modestes mais fascinants de la Rhune ou du Canigou et, pourquoi pas, un saisissement aérien, en parapente, des reliefs pyrénéens de Gavarnie ou de Loudenvielle peuvent, sans hypothéquer les ressources environnementales pour notre descendance, être les thèmes les plus accessibles pour les bourses modestes.

 

Nous ne cessons de le remarquer, combien de Parisiens n'ont jamais mis les pieds au parc Monceau, de Bergeracois à Malfourat ou de Belvésois au pont fongauffiérain des Abbesses ?

 
 

 

 

camping car

 

                                                      Crédit photo : @sweetvanlife

 

 

Quand approche la saison estivale, nos compatriotes se font de plus en plus impatients : partir, s’aérer, quitter cet univers monotone, bruyant, stressant, la vie à 100 à l’heure, les bousculades, les imprécations, un travail fastidieux, répétitif et prégnant, combien d’entre eux rêvent d’une autre vie en voyant défiler sur les affiches murales ou publicitaires, des paysages paradisiaques et les eaux bleues et transparentes d’un lagon...

 

Voyage, Voyage chantait Désireless, il y a quelques années :

 

Au-dessus des vieux volcans

Glissent des ailes sous le tapis du vent

De nuages en marécages

De vent d’Espagne en pluie d’Equateur

Plus loin que la nuit et le jour, voyage, voyage

Dans l’espace inouï de l’amour

Sur l’eau sacrée d’un fleuve indien

Sur le Gange ou l’Amazone

Sur les dunes du Sahara

Plus loin que la nuit et le jour et jamais ne reviens

 

Et voilà que déferlent les longues colonnes processionnaires de véhicules, de caravanes, de camping-cars qui s’accumulent dans des aires, dans des péages...comme libérés du carcan quotidien dont le seul souci est d’atteindre, au plus vite, l’objectif fixé... pour s’entasser sur des plages « reposantes », ou autres lieux, restaurants, musées, parcs d’attractions, grottes préhistoriques... au point de parler, aujourd’hui, de la nécessité de maîtriser le flot qui déferle, de le canaliser.

Tel n’était pas le cas, il y a un certain nombre d’années, où l’envie me prit de partir sur les routes de France, de vagabonder ici et là, de prendre mon temps, de jouir de la nature, des paysages, de serpenter, de repartir, une fois reposé, sans se presser. Le caravaning commençait à séduire bon nombre de vacanciers et m’apparut comme le bon choix en l’occurrence.

Alors, nous voilà partis en camping-car avec l’intention de ne pas brûler les étapes, de visiter quand bon nous semble, de nous fixer un objectif à atteindre selon notre bon plaisir.

L’objectif était d’aller vers la Côte d’Azur, non par des voies rapides et chargées mais en nous prélassant le long de charmantes petites routes campagnardes et, ainsi, nous nous retrouvâmes sur ce magnifique plateau de l’Aubrac, plateau volcanique et granitique situé à 1 469 m d’altitude.

 

 

Aubrac 2

 

 

La région nous fascinait par son passé volcanique tumultueux : un volcanisme très ancien de 6 à 0,9 millions d’années, un massif basaltique allongé, des éruptions et des laves parfaitement identifiées, des sommets s’échelonnant entre 1 469 m pour le Signal de Mailhebiau et La Sentinelle 1 269 m. Des paysages boisés de hêtres et des pâturages où domine cette fameuse race bovine de l’Aubrac avec sa robe fauve et qui nous regardait fixement passer ; car, il est vrai qu’à l’époque, commençait tout juste un tourisme rural, les vacanciers préférant les régions côtières bien ensoleillées et chaudes.

 

 

vache

 

                                                           vache de l'Aubrac et son veau

 

Un rude climat hivernal et une saison estivale avec des températures moyennes souvent fraîches ou en soirée mais un territoire riche par sa végétation, sa faune, ses traditions, sa nature variée et ses randonnées. De quoi séduire les amateurs d’un tourisme actif et curieux.

 

 

plateau Aubrac neige

 

 

Mais, cahin-caha, les yeux émerveillés, la petite route que nous suivions nous conduit tout droit à un croisement cruciforme très dégagé. Le soir commençait à tomber ; au loin, dans un champ, un paysan en train de labourer avec son tracteur, aucune voiture à l’horizon.

Il fallait virer à droite car le village* était en contrebas du plateau dans une vallée creusée par les glaciers. Tout naturellement, j’amorce à vitesse réduite le virage à angle droit et, pour une raison incompréhensible, voici que je sens la direction flottante, le véhicule n’obéit plus à mes coups de volant ni au frein et malgré l’absence d’accélération, voilà qu’il glisse tout doucement, en incapacité de le redresser, vers un large fossé profond où, inexorablement, et avec frayeur, nous réalisons que notre camping-car s’incline et se couche sur le côté droit puis s’immobilise.

Catastrophe ! Impossible de se tirer de cette situation coincée dans la cabine, la porte côté droit condamnée, la porte de mon côté fortement inclinée et moi-même m’accrochant au volant pour ne pas céder à la forte inclination du véhicule. Je tentai, alors, désespérément, d’ouvrir ma portière malgré l’inconfort de ma position. En vain, c’était une charge de plomb, deux fois, trois, quatre fois, je me rabats sur la vitre que je tente de descendre avec peine, jette un regard rapide alentour et aperçois une RENAULT 4 bleue de la gendarmerie.

Stressé un peu plus, je rentre la tête, précipitamment, transi ; mais, voilà qu’on m’interpelle. Et j’entends le gendarme qui me dit : « Ne vous faites pas de souci, j’ai déjà appelé le dépanneur, il va arriver, c’est à cause du bas-côté qui est humide que vous avez versé dans le fossé, on va vous sortir de là. »

Rassuré, je le remercie tandis qu’il demande aux rares automobilistes de déguerpir. Puis, il ajoute qu’il va m’aider ; et ayant réussi, enfin, à ouvrir la portière, je m’aperçois, vu la hauteur, du risque de se fouler la cheville. Alors, il s’approche pour que je me laisse glisser sur ses épaules. Tentative hasardeuse, aussi, je tente et nous voilà tous les deux, les quatre fers en l’air, sous les regards de quelques curieux goguenards. Furieux, le gendarme se relève et leur ordonne de bouger. Entre-temps, mon épouse, impatiente, avait réussi de se sortir de cette invraisemblable situation, en passant par la fenêtre de la portière.

Mais le soir descend, la fraîcheur se fait trop intense pour ma tenue estivale, les minutes passent et toujours pas de dépanneur. Mon gendarme, en tenue de chasseur alpin, me dit alors « Je descends au village le chercher. »

Plus de trois-quarts d’heure après, je perçois un ronflement et sortant, poussivement, du virage, je vois au loin un véhicule et sur la plateforme, une silhouette que j’identifie comme étant le gendarme secouriste qui me fait des signes en approchant et me dit, navré : « Désolé, mais je suis tombé en panne dans la descente, j’ai dû terminer à pied, passer à la gendarmerie pour rendre compte puis aller chez le dépanneur. »

La situation m’apparut tellement cocasse que je dus me retenir pour ne pas éclater de rire ; mais, malgré tout, j’appréciai la disponibilité et le côté humain de ce représentant de l’ordre qui venait de nous sortir d’une situation embarrassante qui aurait pu interrompre, définitivement, notre parcours buissonnier.

Toutefois, le dépanneur, en dépit de plusieurs tentatives, n’ayant pu nous sortir du fossé, on attendit encore qu’un brave paysan avec son engin vienne nous tirer de là. Enfin, arrivés au village, tardivement, on put revoir notre camping-car qui nous attendait, tristement et, tout à côté, la Renault 4 du gendarme tout aussi tristounette.

Le lendemain, après avoir passé la nuit dans l’unique auberge du coin, nous reprenions la route et notre voyage, le garagiste nous ayant rassurés sur les quelques dommages matériels de la structure.

 

*Saint-Chély d’Apcher

 

 

Jacques Lannaud

 

 

photos wikipédia



01/07/2023
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