Il y a 140 ans, le vent républicain buta autour de la vieille bastide fondée par Alphonse de Poitiers.
Aujourd'hui, quand, en dehors du Périgord Noir, dans une discussion, est avancé le toponyme de Villefranche, la première question est de dire lequel. En effet, 17 localités de notre hexagone portent ce nom, 18 si l'on rajoute Saulmory-Villefranche, micro-entité du Verdunois qui est la plus septentrionale de nos villes franches. La plus méridionale est le joyau de Villefranche-de-Conflent, très belle place forte des Pyrénées de la Catalogne française.
Cette halle, de nos jours, se situe à "l'épicentre" du commerce des cèpes.
Image Mairie-de-Villefranche du Périgord
Ce jour, c'est aux confins du Périgord, du Quercy et de l'Agenais que nous emmène Françoise Maraval, une fidèle abonnée, lectrice et contributrice de Terre de l'homme qui, si elle a quitté son Périgord natal, le conserve dans ses passions. Pour elle, comme pour beaucoup, quand on parle de Villefranche, c'est de celui qui porte dans son intitulé, le Périgord. C'est donc pour cette vieille bastide française qu'elle a un penchant, notamment pour son image de cèpes et de châtaignes qui vient à son esprit. Françoise a trouvé dans de vieux documents, la trace de bien lointaines élections villefranchoises, en 1881, où un Joseph-Abner Maraval, profondément républicain, rivalisait pour le siège de conseiller général avec un comte, P.L de Vassal-Sineuil, clérical et royaliste... comme il se doit. En 1881, l'ardent républicain dut s'incliner mais, pour la mandature suivante, les "dieux" de la démocratie l'ont poussé vers l'assemblée départementale.
L'ardeur du verbe mettait en évidence, le fossé qui séparait, alors, les républicains des monarchistes cléricaux.
La contributrice ignore si ce Joseph-Abner Maraval, dont elle espère trouver des traces photographiques, figure quelque part dans sa lointaine généalogie. Peut-être, si les conditions sanitaires le lui permettent, elle viendra, à pied d'œuvre à la belle saison, faire des recherches sur ce personnage qui ne mettait pas ses convictions dans ses poches. Depuis cette ère turbulente, les élections locales sortent bien rarement de passes à fleurets mouchetés.
La Lémance a vu partir beaucoup d'eau depuis cette orée républicaine du siècle de Gambetta ; et, à Villefranche, comme dans l'écrasante majorité des communes rurales, les élections municipales ne sont qu'une validation de l'appareil en place, sans le moindre bruissement ni murmure et sans achoppement. C'est certainement bien tranquille de vivre dans un climat paisible mais la réactivité citoyenne n'est-elle pas, aussi, un signe d'émulation et de bonne santé civique !
Cliquez sur le texte ci-dessous mais la lecture est difficile.
On note qu'en 1881, Villefranche devra attendre 1893 pour ne plus être de Belvès mais du Périgord. Les Villefranchois, ou tout au moins certains, voulaient effacer cette terminologie qui soutendait une forme de "dépendance". Ce n'était pas le thème de l'élection cantonale de 1881. La sensibilité de droite monarchiste l'emporta. Joseph-Abner Maraval dut attendre la mandature de 1886/1892 pour gagner ce canton rural..
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Mes chers concitoyens,
Vous êtes appelé le 1er août à élire un Conseiller Général.
Le comité républicain de notre canton me présente à vos suffrages, j’ai la confiance que vous voudrez bien ratifier ce choix.
Vous me connaissez depuis longtemps ; vous vous souvenez qu’il y a 6 ans le candidat royaliste n’ayant pas de concurrent, je me suis présenté dans un intérêt de parti, mais sans espoir de vaincre, l’opinion publique considérant comme sûre l’élection de mon adversaire qui avait obtenu quelques mois au paravent une forte majorité à la suite de la démission de M. Doriac, son prédécesseur.
Malgré ces conditions défavorables, malgré la lutte qui me fut faite par des ennemis sans scrupules, un déplacement de quelques voix m’aurait donné la majorité qui me fut acquise, dans six communes notamment dans les deux plus importantes : Villefranche et Campagnac.
Depuis 6 ans la situation politique du canton a totalement changé ; aux élections du 1er août prochain ces six communes me donneront encore une majorité qui se retrouvera dans la plupart des autres où des municipalités amies ont remplacé des municipalités hostiles.
Aussi pouvez-vous considérer le succès comme certain ; je ne négligerai pas de mon côté rien de ce qui pourra le grandir, je prie tous ceux qui s’y intéressent, tous mes amis politiques ou privés, d’unir leurs efforts aux miens pour rendre plus éclatant le triomphe d’une cause qui nous est commune et qui nous rend tous solidaires.
Je n’ai rien à changer, mes chers concitoyens, à la profession de foi que je vous ai adressée en 1880 dans laquelle je vous disais :
« Défendre résolument la cause de toutes les communes du canton, leur servir d’intermédiaire auprès de l’administration , revendiquer énergiquement tous leurs droits , donner satisfaction , autant que possible, à tous leurs vœux, veiller à ce qu’il leur soit attribué une large part dans les allocations départementales, tels sont, à mon avis , les devoirs qui incombent à votre représentant . »
C’est ce que je suis encore tout disposé à faire car je crois, moi, que le mandat de conseiller général comporte d’autres attributions que le plaisir de se parer d’un vain titre et qu’il impose à celui qui en est investi l’accomplissement de devoirs et d’obligations multiples.
Ces devoirs j’ai pu les remplir comme maire, envers la commune chef-lieu que j’administre depuis 1881. C’est ainsi que, sans aggraver les charges j’ai, à l’aide de subventions obtenues de l’État et du Département , pu faire établir des bornes fontaines dans l’intérieur de la ville , bâtir une maison d’école , ouvrir des chemins , installer un bureau télégraphique , allouer de nombreux recours ou indemnités à des particuliers ce qui n’a pas empêché des adversaires -que les électeurs de la commune de Villefranche ont appris à connaître et à juger – puisqu’ils les ont exclus du conseil municipal lors des élections dernières , de me faire une opposition aussi déloyale qu’inutile et contraire aux véritables intérêts de la commune qu’ils habitent . Personne n’ignore en effet que s’ils étaient arrivés à leur but -établir une municipalité à leur image -aucune des améliorations accomplies ne se serait réalisée.
Dans le mandat de conseiller général les questions d’administrations et d’affaires occupent certainement la première place mais vous devez connaître les convictions de vos candidats touchant la forme du gouvernement :
J’ai toujours considéré la République comme étant le gouvernement qui comporte la plus large part de justice et de liberté, c’est aujourd’hui le seul possible en France, le seul qui puisse durer. Si la monarchie venait à être rétablie ce ne serait qu’à la suite d’une guerre civile et bientôt une nouvelle révolution rétablirait l’état des choses actuel car la République n’est pas un accident dans le pays mais le terme du travail qui s’est opéré depuis un siècle dans les esprits et dans les mœurs.
Je ne prétends pas que sous ce régime des erreurs et des fautes ne puissent être commises, aucun gouvernement n’est infaillible mais la République est au dessus de ceux qui la gouvernent.
Avec elle la nation peut, sans révolution, réparer les fautes de ses gouvernants en déléguant le pouvoir à d’autres.
Avec elle nous avons toujours la paix ; souvenez-vous que les 18 années d’empire nous ont valu 5 grandes guerres.
Avec elle le service militaire est de plus en plus réduit.
Je vous engage, mes chers concitoyens à ne considérer dans l’élection prochaine que les intérêts matériels de ce canton, mais à ceux d’entre vous qui voulez à bon droit en faire une élection politique, je dirai ceci :
Vous avez à choisir entre deux principes absolument opposés, la lutte s’engage entre le passé et le présent ; les institutions républicaines sont solidement fondées en France ; les anciens partis complètement divisés, n’y remplissent plus qu’un rôle historique.
Voulez-vous être les hommes d’un autre temps ?
Voulez-vous, en votant pour le candidat royaliste, encourager les ambitieuses espérances des défenseurs de l’ancien régime qui subsistent encore, de ceux qui osent concevoir une restauration monarchique avec toutes les prérogatives et tous les privilèges dont l’avènement nous ramènerait infailliblement la guerre civile et la suppression du suffrage universel ?
Comme vous je tiens à conserver les libertés que nos pères ont conquises en 1789 et sur ce terrain, impérialistes et républicains, nous devons facilement nous entendre. Nous sommes les vrais conservateurs, nous ne réclamons aucun privilège, nous défendons les principes d’égalité et de justice pour tous ceux qui savez vous incliner devant le gouvernement que la volonté du peuple a fondé, à vous tous partisans du suffrage universel, qui tenez à le conserver et à le défendre contre les représentants de l’ancien régime.
Quels sont les adversaires que rencontre aujourd’hui le gouvernement dans ce canton ?
Des fanatiques, qui, regrettant leurs anciens privilèges, crient à la persécution parce qu’ils sont soumis à la loi commune et qui se sont vu enlever le droit de persécuter les autres.
Quelques meneurs dont la déloyauté est évidente et un plus grand nombre d’inconscients qui, plus à plaindre qu’à blâmer, les suivent sans savoir pourquoi …
Que reprochent-ils au gouvernement ?
- D’avoir augmenté l’impôt foncier.
C’est un mensonge
Il ne se perçoit pas actuellement un centime d’impôt foncier de plus que sous les gouvernements
Précédents. Ce sont certains conseils municipaux qui ont voté en toute liberté des centimes additionnels pour des travaux qui intéressaient leurs communes.
Ce sont nos adversaires qui, lorsqu’ils avaient la majorité au conseil général, ont voté des impôts extraordinaires pour des travaux ne concernant pas notre canton, dans le seul but, peut-être, de vous faire croire que c’est la République qui augmentait vos charges.
- D’être la cause de l’état de souffrance du commerce
C’est un mensonge
La crise économique que nous traversons et qui ne peut être que passagère, ne tient à aucune forme de gouvernement puisque les pays monarchiques qui nous entourent s’en ressentent plus que nous et s’il faut attribuer à quelqu’un la responsabilité de cette situation ce n’est pas à nos gouvernants mais bien à nos adversaires, qui par leur constante et systématique opposition entravent le fonctionnement régulier de nos institutions démocratiques.
- De persécuter la Religion
C’est un mensonge
Vous avez chaque jour sous les yeux la preuve du contraire, le gouvernement honore et respecte la Religion mais il ne veut pas que le prêtre s’occupe des affaires de l’État du haut de la chaire où il n’est permis à personne de répondre.
C’est la République qui, en 1876, a augmenté de cent francs le traitement des curés et depuis cette époque, comme avant des crédits considérables n’ont cessé d’être alloués pour des constructions et des réparations d’église. C’est ainsi qu’une somme de 3 500 francs vient d’être accordée à la commune de Loubéjac pour réparer son église (décision ministérielle du 29 juin 1886).
La Religion n’est pas persécutée ; elle est souvent compromise par mes adversaires et par ceux qui ont spécialement mission de la protéger et de la défendre. Vous les avez vu à l’œuvre à Villefranche où perdant toute espèce de sens moral sous l’influence de leurs rancunes et de leurs passions politiques, ils ont, comme manœuvre électorale, fait supprimer la grand-messe du dimanche et fait célébrer les autres offices aux heures où la population est le moins libre d’y assister, bien que le curé ait voulu les reprendre comme par le passé et quoiqu’il en ait manifesté l’intention formelle, sans aucune restriction , dans sa lettre du 3 juin 1886 il n’a pas fait honneur à son engagement ; il est permis de supposer qu’il en a été empêché par nos ennemis qui, avec leur mauvaise foi habituelle veulent essayer de tromper les électeurs à ce sujet ,en vue du scrutin du 1er août .
Je fais appel à vous tous qui, témoins de l’acharnement des calomnies et de la mauvaise foi que mes ennemis apportent dans la lutte, trouverez au fond de vos consciences un sentiment de raison et de patriotisme pour reconnaître de quel côté se trouve le droit, la vérité et la justice.
J’ai la ferme confiance, mes chers concitoyens, que vous m’accorderez vos suffrages ; comptez sur mon entier dévouement aux intérêts de notre canton.
Joseph-Abner Maraval
Cliquez sur le tableau ci-dessous
On notera que dans la ruralité profonde, les élus, dans leur immense majorité, par prudence, par opportunisme ou, aussi, par respect de leurs colistiers et électeurs, ne tiennent pas à prendre le risque de décliner ouvertement leur sensibilité politique. Celle-ci, par ailleurs, peut louvoyer et évoluer au gré des vicissitudes !
Liste des conseillers généraux successifs de Villefranche-du-Périgord |
||||
Période |
Identité |
Étiquette |
Qualité |
|
1833 |
1839 |
Joseph de Commarque |
|
Propriétaire à Daglan |
1840 |
1848 |
François Delcer de Puymège |
|
Percepteur des contributions directes |
1848 |
1852 |
Joseph Camassel |
|
Maire de Villefranche-de-Belvès |
1852 |
1861 |
Pierre Gaston |
|
Officier d'état-major retraité |
1861 |
1867 |
P.L. Delmas |
|
Médecin |
1867 |
1879 |
Jean-Baptiste Doriac |
|
Maire de Villefranche-de-Belvès |
1879 |
1886 |
P.L. de Vassal-Sineuil |
Médecin, propriétaire |
|
1886 |
1892 |
Joseph Abner Maraval |
Propriétaire, maire de Villefranche-de-Belvès |
|
1892 |
1929 |
Jean Delrieu |
Républicain |
Conseiller à la Cour de cassation, Paris |
1929 |
1940 |
Alfred Jean Delrieu |
Substitut du procureur général de la Seine |
|
1945 |
1954 |
Charles Maurial |
Industriel |
|
1955 |
1967 |
Jean Maurial |
Exploitant forestier |
|
1967 |
1979 |
Maurice Bouyou |
Cultivateur |
|
1979 |
2004 |
Jean-Yves Martegoutte |
Agent d'assurance |
|
2004 |
2011 |
Vincent Deltreuil |
Agent général d'assurance |
|
2011 |
2015 |
François Fournier |
Policier retraité |
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