Terre de l'homme

Terre de l'homme

Changer de vie... changer la vie.

 

 

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Ce n'est pas encore le rush mais c'est plus qu'un frémissement. Pour fuir la crise sanitaire, de nombreux citadins quittent la ville pour un nouveau départ dans la vie : les locations de gîtes ruraux, les achats de mobil-homes, les transactions immobilières en progression, témoignent de cet engouement.

 

 

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Ils délaissent les métropoles et grandes villes pour la province, ils quittent leur appartement pour une maison avec jardin, ils conservent leur emploi s'ils peuvent l'exercer à distance ou tentent d'en changer.

Ce phénomène n'est pas nouveau mais c'est la première fois qu'il prend une telle ampleur. Il est fait pour durer. Une partie de la population ne veut pas revivre les contraintes du confinement.

 

 
 
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Rimbaud
mallarmé

 

 

 

Changer la vie ou changer de vie : certains poètes ne font pas dans la demi-mesure, ils veulent changer la vie, ils sont en quête d'absolu. C'est d'ailleurs Arthur Rimbaud qui, en 1874, dans une lettre adressée à un ancien dirigeant de la Commune, emploie cette expression.

Ô que ma quille éclate ! Ô  que j'aille à la mer !

Le bateau ivre

On comprend mieux ce furieux désir d'être ailleurs quand on sait la détestation qu'il porte au quotidien de sa ville natale, Charleville-Mézières.

Sur la place taillée en mesquines pelouses

Square où tout est correct, les arbres et les fleurs

Tous les bourgeois poussifs qu'étranglent les chaleurs

Portent, les jeudis soirs, leurs bêtises jalouses.

L'homme aux semelles de vent cessera d'écrire à 20 ans, mourra à 37 ans dans un hôpital de Marseille.

Baudelaire et Mallarmé ne seront pas en reste dans ce refus du quotidien insipide. Le premier écrit dans le poème "Le voyage":

Ô mort, vieux capitaine, il est temps ! Levons l'ancre !

Ce pays nous ennuie, ô Mort ! Appareillons !

Enfer ou ciel qu'importe au fond de l'inconnu

Pour trouver du nouveau.

Le second dans "Brise marine" exprimera la même hâte d'échapper à la lassitude du quotidien.

La chair est triste, hélas ! Et j'ai lu tous les livres

Fuir ! Là-bas fuir. Je sens que des oiseaux sont ivres

D'être parmi l'écume inconnue et la mer

André Breton, le pape du surréalisme, justifiera ainsi ce niveau d'exigence : "transformer le monde a  dit  Marx. Changer la vie a dit Rimbaud. Ces deux mots d'ordre n'en font qu'un ".

Nos compatriotes, s'ils aiment les poètes, ont les pieds sur terre et ne les suivent pas dans leur délire et, la plupart du temps, règlent leurs désirs sur ce qu'il est possible d'atteindre. C'est le cas de Jean-Jacques Goldman qui, en 1987, écrit une chanson " Il changeait la vie" en gardant ses distances à l'égard de l'exceptionnel et montre que la pratique remarquable d'un métier traditionnel (cordonnier, instituteur..) est de nature à changer la vie. En 2020, il modifie la chanson pour rendre hommage à tous les métiers qui luttent contre la pandémie (Ils sauvent nos vie). Et si, tout compte fait, changer la vie, c'était l'héroïsme du quotidien ?

 

 

neo ruraux

 

 

A la fin de l'exode rural (années 1970), de nombreux citadins font le choix de s'installer  à la campagne en gardant leurs habitudes de la ville même si naissent quelques contentieux mineurs dont la presse se régale (coq d'Ethouars, oies de Sainte- Nathalène, grenouilles de la mare de Grignols).

Le 29 janvier 2021, a été adoptée une loi protégeant le patrimoine sensoriel rural. Elle introduit dans le code de l’environnement, "les sons et odeurs", comme caractéristiques des espaces naturels. Ces sons et ces odeurs font désormais partie du patrimoine commun de la nation, aux côtés des paysages, de la qualité de l'air ou des êtres vivants et de la biodiversité.

 

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C'est sans doute le conflit du Larzac qui est, en partie, à l'origine de l'apparition de ces néo-ruraux. 1971-1981 : 10 ans de lutte pour que le causse du Larzac devienne le symbole du mouvement écologique et altermondialiste.

Avec la crise sanitaire, la nouvelle vague de néo-ruraux, soudaine, d'ampleur inattendue, appelée à durer, a surtout le souci plus prosaïque de se mettre à l'abri d'une nouvelle crise sanitaire.

Changer de vie ou plutôt changer de mode de vie, tout cela a un coût et ne sera pas à la portée de tous. Les pouvoirs publics devront veiller à ce que les inégalités sociales ne s'aggravent pas.

 

Pierre Merlhiot

 



02/06/2021
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