Terre de l'homme

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CHARLES-MAURICE de TALLEYRAND-PÉRIGORD par Françoise Maraval (partie II)

Deuxième partie :

Talleyrand et les femmes

 

 

 

Talleyrand

 

 

Le 18 décembre 1779, à l’âge de 25 ans, Talleyrand est ordonné prêtre par André Louis de Grimaldi, évêque de Noyon, suffragant du diocèse de Reims, dans la chapelle de l’archevêché. Le lendemain, il est nommé par son oncle, l’un des vicaires généraux du diocèse.

 

Nous sommes sous le règne de Louis XVI.

 

L’année suivante, au printemps 1780, il devient toujours grâce à son oncle, agent général du clergé de France, charge qui l’amène à défendre les biens de l’Église face aux besoins d’argent du roi.

Cependant, en 1782, Louis XVI obtient de Talleyrand, « un don gratuit » de plus de 15 millions de livres.

 

En 1783, il gère la colère du bas clergé en maniant la carotte et le bâton. En effet, d’un côté, il obtient du roi deux décrets amenant à réprimer les contestataires, de l’autre, il obtient de l’assemblée du clergé, l’augmentation de la portion congrue.*

Pendant cette période, il s’est initié aux affaires financières, aux affaires immobilières et à la diplomatie ; il prend connaissance de l’étendue de la richesse du clergé et noue des relations parmi les hommes d’influence.

 

De 1785-1786, il est secrétaire de l’assemblée générale du clergé et à l’occasion de son rapport final, il est félicité par ses pairs.

 

Le 2 novembre 1788, à la suite d’une requête formulée par son père auprès du roi Louis XVI, l’abbé de Périgord est nommé évêque d’Autun. Les Talleyrand, père et fils, sont bien connus du roi. Charles-Daniel, son menin* quand il était dauphin, a été dans son entourage proche, il l’a servi le jour de son sacre. Le roi l’estime comme militaire et l’admet régulièrement à ses chasses de Compiègne et de Fontainebleau.

Charles-Maurice, quant à lui, a eu l’occasion d’approcher le roi à maintes reprises. Cette nomination sera confirmée par le pape, le 15 décembre 1788. C’est dans le tumulte qui précède la convocation des États généraux du royaume, que Charles-Maurice est consacré évêque, le 4 janvier 1789, des mains de Louis André de Grimaldi, évêque-comte de Noyon.

« Moi, Charles-Maurice, élu pour l’église d’Autun, serai, dès à présent et à jamais, fidèle et obéissant à l’apôtre saint-Pierre, à la sainte Église romaine, à notre père le pape Pie et à ses successeurs légitimes. »

Et comme une bonne nouvelle ne vient jamais seule, le 3 décembre, il avait aussi été nommé abbé commendataire de Celles, près de Poitiers, d’un revenu non négligeable bien que modeste de 9 500 livres. Avec ses deux abbayes de Saint-Denis-de-Reims et de Celles, son évêché d’Autun, Charles-Maurice est assuré d’un revenu ecclésiastique d’au moins de 56 000 livres.

Il s’initie aux affaires…

 

Mais son entrée dans la vie est conditionnée par les femmes :

Dans ses mémoires, Charles-Maurice évoque les salons parisiens de l’époque et il choisit de parler de celles qui deviendront, plus tard, ses « dévotes » et formeront le « sérail ».

 

« C’est du sacre de Louis XVI que datent mes liaisons avec plusieurs femmes que leurs avantages dans des genres différents rendaient remarquables et dont l’amitié n’a pas cessé un moment de jeter du charme sur ma vie. C’est de madame la duchesse de Luynes, de madame la duchesse de Fitz-James et de madame la vicomtesse de Laval que je veux parler. » dit-il dans ses Mémoires.

Ces trois femmes vont être ses intimes. On est sûr qu’au moins l’une d’entre elles, la vicomtesse de Laval, a été très tôt sa maîtresse avant de devenir la maîtresse de bien d’autres.

On croisera, dans quelques années, plusieurs autres maîtresses , la fille de madame de Genlis, madame de Valence, madame de Buffon, madame de la Châtre, madame de Flahaut, madame de Staël.

 

 

 

 

Madame de Staël, par Marie-Eléonore Godefroid

 

On fera connaissance avec quelques-unes de ses influentes amies, la comtesse de Boufflers, la comtesse de Brionne, la princesse de Vaudémont, la duchesse de Montmorency, la duchesse de Bauffremont.

On entendra longtemps parler de ses succès féminins de jeunesse. Tout cela ira grossir la légende de prêtre dépravé.

 

Ses aventures avec Mlle Luzy, à l’époque du séminaire, comptent peu en comparaison. Dorothée Luzy n’est qu’une actrice, une figurante dans l’histoire de sa vie. Avec les Montmorency, les Luynes, les Fitz-James, on entre de plain-pied dans un autre univers, celui de la cour et de la haute noblesse parisienne qui sera naturellement celui de Charles-Maurice, pendant toute sa vie.

 

Il fréquente le monde des salons, endroits où il faut être.

Sa prédilection est le salon de Louise de Rohan, veuve du grand écuyer de France, le comte de Brionne, qui appartient à la maison de Lorraine.

La comtesse de Brionne est beaucoup plus âgée que Charles-Maurice ? Les vingt ans qui la séparent du jeune abbé de Périgord en font, sans doute, une initiatrice et une confidente plus qu’une maîtresse.

 

« Elle était la plus belle femme de son temps » dira Beugnot qui l’a bien connue.

Charles-Maurice racontera qu’elle était si belle que, peu après son mariage, elle provoqua par sa seule présence un tumulte à L’Opéra. Par elle, il fréquente les salons de sa cousine, la princesse de Rohan Rochefort, dans son hôtel de la rue de Varenne, ceux de son amie intime la comtesse Kinsky.

 

 

 

 

La comtesse de Brionne

 

Charles-Maurice inaugure, là, une pratique qu’il renouvellera plus tard avec les Courlande.

Après avoir, peut-être, été l’amant de la mère, il devient celui de ses filles. D’abord la cadette Anne Charlotte, dite la princesse Charlotte, d’un an plus jeune que Charles-Maurice.

Sa liaison avec l’abbé du Périgord sera si tendre qu’elle aura beaucoup de mal à quitter Paris pour l’abbaye royale de Remiremont où elle sera appelée à prendre la suite de l’ancienne abbesse Marie-Christine de Saxe ; elle mourra à Paris, quelques années plus tard, de phtisie, dans les bras de Charles-Maurice.

 

 

 

 

La princesse Charlotte

 

 

 

Ensuite, l’aînée, la princesse de Lorraine, veuve du prince de Carignan, qui, très éprise et un peu folle, se mettra en tête de l’épouser et d’obtenir à Rome, les dispenses nécessaires. Dans les tout premiers jours de la Révolution, elle le suppliera de venir la rejoindre à Turin, ce à quoi Charles-Maurice répondra dans ses Mémoires : « J’eus besoin de toute la force de ma raison… pour résister. » Il ne la reverra jamais.

 

 

 

 

 

Joséphine de Lorraine, princesse de Cardigan

 

 

Et comme si cela ne suffisait pas, il se lie d’amitié tendre avec l’une des belles-filles de la comtesse de Brionne, Louise de Montmorency, mariée à l’âge de 15 ans, à son deuxième fils, le prince de Vaudémont. Très vite séparée de son mari, cultivée, originale, ouverte aux idées nouvelles, franc-maçonne, mauvaise tête mais bon cœur, Louise de Vaudémont a l’avantage d’être presque de dix ans plus jeune que Talleyrand et elle lui restera fidèle jusqu’à sa mort sous la Monarchie de Juillet.

D’après Montrond, il pleurera pour la première fois en apprenant sa mort.

 

Mais au royaume de France, le ciel s’assombrit :

Face au déficit abyssal des finances publiques, le roi se résout à convoquer les États généraux afin de voter de nouveaux impôts.

Leur ouverture est annoncée pour le 1er mai 1789.

 

Françoise Maraval

 

Sources : « Talleyrand, le prince immobile » par Emmanuel De Waresquiel

 

* La portion congrue est la partie des revenus des dîmes reversée aux curés et aux vicaires par les évêques et les abbés.

 

* Le menin est le titre attribué aux gentilshommes affectés à la personne du dauphin.

 



24/04/2025
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