Terre de l'homme

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De belles gens, épisode n° 49. Saga de Françoise Maraval

 

DE BELLES GENS

 

 

Épisode 49,  

 

 

 

Marthou,

 

Résumé des épisodes précédents :

Dans la famille Marchive, les enfants se portent à merveille. Chacun suit son chemin, donnant entière satisfaction aux parents Yvonne et Achille. Seul, Jean se fait de plus en plus remarquer, pour épater les copains.

Chez Maraval, la vie est devenue routinière. Jeantou, le fils, est toujours à Bergerac, dans l’atelier de couture où il est devenu « second ». Emma prend soin de sa clientèle et Arthur est toujours au volant de son camion, entre l’usine de chaux des Tuilières et la gare du Buisson.

Henri Destal et sa chère épouse sont encore parisiens.

 

En ce début d’année 1933, Henri Destal et  « sa tourterelle » ont des ambitions. Après leur mariage en 1928, ils se sont installés dans un petit appartement coquet du quartier de la Madeleine. Depuis peu, ils ont eu connaissance d’un complexe immobilier piloté par la Compagnie d’Assurances, dans laquelle ils travaillent tous les deux. Une zone pavillonnaire  est prévue à Chatou, dans l’ouest parisien, en Seine-et-Oise et Henri s’est porté acquéreur d’un terrain bien placé, à 200 mètres de la Seine, « au Clos du Verger » ; pour cela, il a retiré l’avoir qu’il avait chez Maître Podevin à Saint-Cyprien, résultant de la vente de la forge en 1917.

Ils ont choisi leur pavillon sur plan et, chaque fin de semaine, ils vont y voir l’avancée des travaux. Des guinguettes les accueillent en bord de Seine et de belles promenades y ont été aménagées. Mais, Henri trouve que Maria s’assombrit de plus en plus : elle n’est toujours pas enceinte. Son désir d’enfant tourne à l’obsession. Ils ont consulté plusieurs spécialistes : rien n’est perdu, il faut être patient. Le commercial espère qu’une fois installés dans leur pavillon, Maria arrivera à se détendre.

 

Pendant ce temps, en Périgord, le maître-tailleur de Bergerac entend prendre sa retraite et offre la place à Jean Maraval qui a maintenant 25 ans. Il n’y a pas d’hésitation possible : c’est non. Jeantou veut s’installer à Saint-Cyprien, d’autant plus que Mme Cabannes souhaite se retirer dans deux ou trois ans. En attendant et sur recommandation de son ancien patron, il trouve une place de maître-tailleur dans un atelier renommé, rue Taillefer, à Périgueux.

 

A Saint-Cyprien, rue de la mairie, en ce 20 mars 1933, des cris d’enfant s’échappent de la chambre du premier étage de la maison d’Yvonne et d’Achille Marchive. Des plaintes intolérables !!! La petite Marthou a vomi et la douleur qui lui tord le ventre ne se calme pas. Yvonne la prend un moment dans le lit parental, pensant rassurer sa petite. La souffrance est telle que, malgré l’heure matinale, la mère décide d’envelopper son enfant dans une couverture et l’emmène chez le Docteur Boissel. Le médecin l’accueille en peignoir et diagnostique tout de suite une péritonite. Il y a urgence. IL faut conduire la petite Marthe à l’hôpital de Sarlat.

 

                                                                                                                                                          L’ambulancier  réveillé par l’appel téléphonique du docteur arrive rapidement. Milou Veyssière appuie raisonnablement sur l’accélérateur : à ce problème, il ne faut pas en ajouter un autre. Pour Yvonne, le trajet est un véritable calvaire, les cris de l’enfant sont continus. Que peut-elle faire pour la calmer ? Elle berce sa petite, elle entonne une berceuse mais, vite, elle comprend qu’elle est impuissante. Au bout de ce voyage interminable, la mère et son enfant se retrouvent au pied du grand escalier de l’hôpital. Des brancardiers se précipitent, Milou leur donne le papier griffonné à la hâte par le Dr Boissel. Marthou disparaît, on l’emmène directement au bloc opératoire.

L’ambulancier cypriote emmène Yvonne jusqu’à la salle d’attente contiguë au bloc et disparaît. Un temps qu’Yvonne ne sait pas estimer, s’est écoulé, quand l’équipe chirurgicale envahit le couloir et qu’un homme en blanc, la voyant, pense qu’elle est la mère et se dirige vers elle. Ils ont fait le maximum mais le mal avait pris de l’avance : l’enfant est décédée !!!

 

Yvonne comprend que quelque chose se passe dans sa tête. C’est le vide complet. On la conduit dans une pièce blanche et on l’allonge sur un lit. Elle comprend qu’on doit lui adresser des mots qui se veulent réconfortants. Mais il faut qu’elle réagisse. Le malheur n’est pas que pour elle, il y a les autres enfants et Achille. Le service chirurgical prépare l’enfant pour qu’elle puisse rejoindre Saint-Cyprien. Marthou est complètement enveloppée dans un linceul blanc cousu avec du gros fil.

On ne lui voit pas la tête.  Avec l’aide du docteur Boissel, au téléphone, la paperasse habituelle a été remplie. La mère et son enfant attendent l’ambulance pour revenir à Saint-Cyprien.

                                                                                                                                                                    

 

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 Marthou, rue de la mairie

                                                   

Pendant tout le trajet du retour, Yvonne revoit la journée écoulée. Elle culpabilise. Pourtant, elle n’a pas attendu l’heure des visites pour amener sa petite chez le docteur Boissel. Lui-même est descendu tout de suite, en peignoir, et a aussitôt diagnostiqué la péritonite. Il a saisi rapidement le téléphone pour appeler l’ambulance ; Milou Veyssière, pompier et ambulancier, est arrivé en un temps record, les brancardiers ont fait au plus vite. Personne ne pouvait faire mieux. Cette maladie est terrible, elle vous prend un enfant sans aucune pitié. Marthe allait avoir huit ans.

 

A la maison, les enfants glacés d’effroi sont regroupés, debout, autour de la sœur aînée. Achille, descendu dans la rue à l’arrivée de l’ambulance, remonte avec sa petite dans les bras et la dépose sur le petit lit en fer dans la  chambre parentale. C’est Denise Boissel, la fille aînée du docteur, qui s’est acquittée de la lourde tâche de prévenir la famille.

                                                                                                                                                        

Lulu Tabanou, le béret à la main, adresse ses condoléances et prend les mesures du linceul pour la fabrication du petit cercueil. Il y a des commandes qui sont plus difficiles que d’autres !!! Il va travailler toute la nuit et, demain, il apportera le petit coffre blanc.

 

Les visites commencent le lendemain. Monsieur le curé Loubet arrive à la première heure. Le corps est béni. Les dames du patronage, Mme Teyssandier et Melle Despont se proposent pour veiller le corps. Les prières sont psalmodiées. Au patronage, on préparait Marthou pour sa première communion, au mois de juin.

Le quartier défile, les femmes de l’entrepôt descendent soutenir leur collègue Yvonne, certains hommes de l’usine d’Allas-les-Mines s’inclinent devant le cercueil et discutent avec Achille. Les parents des copines d’école sont venus aussi.

La Mathilde Soulétis a préparé le bouillon pour la soupe. Les enfants viendront la manger chez elle et Yette en amènera une soupière à ses parents.

Fonfon Maraval est allé chercher Aimée au C.E.S. de Belvès. Toute la famille est ainsi rassemblée autour de Marthou.

De chez Péniquaud, Yvonne vient de téléphoner à Mme R. à Montpon-sur-l’Isle. Son ancienne patronne et amie voulait être tenue au courant des joies et des peines de son Yvonne. Elle sera là pour l’enterrement et va prévenir les parents de sa protégée.

Après la cérémonie à l’église, Marthe Marchive prend place, pour toujours, aux côtés de sa grand-mère Anastasie, au cimetière de Saint-Cyprien.

 

De retour à la maison, personne n’est capable de retrouver sa place habituelle. Mme R., avant de repartir, adresse de chaleureuses paroles réconfortantes. Elle propose, pour toute la maisonnée, un séjour à Montpon, aux prochaines vacances. Ils ont le temps pour prendre leur décision… Achille donnera la réponse par courrier. Au moment de partir, elle glisse dans la poche d’Yvonne, plusieurs billets de quoi gâter les enfants et lui dit à l’oreille :

« Yvonne, tu seras toujours ma fille. Ne l’oublie pas ! »

 

Toute la rue de la mairie est comme figée. On ne sait quelle attitude prendre, on a peur d’être maladroits.

 

Mais, vite, Yvonne est préoccupée par la santé de Clémence. Cette dernière refuse de s’alimenter. Elle a peur de mourir. La vue de la nourriture lui soulève le cœur. Elle repousse tout ce qu’on lui présente. La mère pensait que le comportement de sa fille était passager  mais voilà 8 jours que cela dure. Un soir, à l’heure du dîner, le docteur Boissel est arrivé, il a trouvé que la soupe juste trempée sentait bon. Il a parlé à tout le monde, sans s’adresser particulièrement à Clémence. Il a insisté avec ses mots à lui, sur le caractère exceptionnel de la péritonite et a assuré que cela ne se reproduirait pas. Il a voulu servir la soupe et, voyant qu’il en restait, il en a pris une assiette pour lui. Clémence a eu une demi-part : il ne fallait pas l’affoler avec une pleine assiette. Elle a tout mangé. Le docteur a amusé tout le monde avec des petites histoires et Clémence a amorcé un léger sourire.

Les jours suivants, l’enfant de 11 ans s’est alimentée comme un moineau, mais elle s’est alimentée. Elle a eu droit aux meilleurs morceaux. Personne n’a été jaloux de cette attention particulière.

 

Au mois de juin, ils sont tous partis à Montpon-sur-l’Isle sauf Achille, retenu par le travail, et Aimée, en pension à Belvès. Mme R. les a merveilleusement accueillis et ils ont fait connaissance des petits-enfants de Madame. La petite famille Marchive a  aussi fait connaissance des grands-parents Bailly,

les grands-parents maternels, au cours d’un pique-nique à la campagne. Les parents d’Yvonne ont donné l’impression d’être attendris. En fait, on ne sait pas trop.

Mme R. a voulu mémoriser cet instant exceptionnel. Elle avait amené son appareil à photos et a rassemblé enfants, parents et grands-parents. Tout le monde s’est prêté à la photo de groupe.

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Sur cette photo, de gauche à droite :

Le grand-père Jean Bailly, Clémence avec un lainage foncé, derrière elle Yette, un groupe de trois enfants en habits clairs : Hélène à gauche, à côté Raymonde, derrière Jean. Sur le côté droit, devant : la grand-mère Anna, une cousine et son bébé et, enfin, en noir, Yvonne.

 

Les enfants Lamaurelle, comme à chaque vacance scolaire, sont à Saint-Cyprien ou, du moins, sont  de passage. Maintenant, les aînées sont mariées et institutrices, elles ont pour époux des instituteurs !

Henriette s’est mariée à un Belvèsois, René Mathieu et Jeanne à Robert Rousset. Elles sont jeunes mamans : Henriette d’un petit Pierre et Jeanne du jeune Jean-Paul.

Elles ont, bien sûr, été affectées pour le décès de leur petite cousine Marthe et de la mauvaise santé de Clémence. Jeanne et son mari ont loué pour les vacances, une maison à Ronce-les-Bains, petite station balnéaire de Charente maritime, au bord de l’Atlantique et de l’estuaire de la Seudre, face à l’île d’Oléron et aussi de la ville de Marennes.

 

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Jeanne a proposé à Achille et Yvonne d’y emmener Clémence ; le changement d’air devrait lui faire du bien. Clémence est donc partie en vacances. Durant le trajet en automobile, elle a été malade, il a fallu s’arrêter souvent et l’enfant est arrivée épuisée. Les jeunes instituteurs ont pris leur rôle au sérieux et tout a été mis en œuvre pour distraire l’adolescente, sans oublier le côté pédagogique. Mais ils ont vite compris que Clémence subissait leurs bonnes intentions. La nourriture a été rejetée et Clémence s’est transformée en fontaine :    -  « je veux ma mère. »

 

Jeanne se souvenait à quel point, Yvonne avait été une jeune tante aimante. On a cependant attendu une bonne semaine, mais la situation empirait. Jeanne a téléphoné chez Péniquaud à Saint-Cyprien et Yvonne  est venue chercher sa fille. Pendant tout le trajet en train, Clémence est restée suspendue au cou de sa mère. Pendant de nombreuses heures, elle a pu se réconforter, blottie contre cette mère si douce et si apaisante. Entre Bordeaux et le Buisson, elle a dormi d’un sommeil si profond qu’Yvonne en a été attendrie. Clémence est certainement la petite la plus sensible de ses enfants et, à l’avenir, elle veillera tout particulièrement sur elle.

 

En arrivant à la maison, Clémence était tout sourire et complètement détendue ; tout le monde a compris qu’elle était heureuse de retrouver le cocon familial.                                                         

            

Françoise Maraval

                                                                                                                                           

 

                                                                                                          

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Bordure enlevée

 

Pour cette semaine du solstice d'hiver.

 

Nous savons, hélas, que bien des familles sont dans la souffrance. Ayons une pensée particulière pour la tragédie de Vaulx-en-Velin.

 

Demain dimanche : Les enfants du Judo club belvésois ont reçu le Père Noël.

Lundi : "Les barques du lac d’Annecy et les "kau" de Tikehau", le sensationnel assemblage de Bruno Marty.                                     

 

Le lien "Terre de l'homme", par respect dû aux très nombreuses victimes qui ont donné leur vie pour l'aboutissement d'un chantier pharaonique qui fait débat, pour ne pas enfoncer le clou, en période de fête, sur l'immense gâchis de destruction d'oxygène, pour ne pas aller dans le sens de l'omission volontaire de l'impasse sur les Droits de l'Homme et du citoyen dans un pays monarchique et phallocratique où l'obscurantisme théocratique est souverain, et pour d'autres choses encore, observera la plus rigoureuse discrétion et n'apportera pas son écho à la liesse de dimanche… même si elle est tricolore.



17/12/2022
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