De Capdrot au Drot, un cours d’eau chargé de souvenirs
Château de Duras - source pays Foyen
« Le Drot prend sa source à Capdrot », dans la prairie de Bonnefon, nous dit-on dans l’article « Terre en vert », mais que devient-il au fil de ses 134,4 km de long ? Une rivière, certes, qui va se jeter dans la Garonne à Caudrot en Gironde, peu après La Réole, qui a connu bien des évènements au cours des siècles, une histoire mouvementée au long de ses rives charmantes et verdoyantes, attractives au promeneur en quête de calme, de sérénité et de détente.
Source Le Monde
Quelques siècles auparavant, le voici plongé dans la guerre de Cent Ans ; et, ses berges n’étaient pas aussi paisibles, la campagne alentour plus sauvage, le silence apparent fréquemment troublé par des détonations et des clameurs retentissantes ; car, tout le long de cette paisible rivière, Français et Anglais se disputaient, s’entretuaient pour quelques arpents de terre, rien à voir avec les querelles d’aujourd’hui, centrées sur la gestion de l’eau.
Eymet - site Le guide du Périgord
L’histoire se confond ici, avec celle des bastides, entre fiefs puissants des comtes de Toulouse et les ducs d’Aquitaine, rois d’Angleterre, bastides françaises d’une part : Castillonnès, Villeréal, Eymet, anglaises d’autre part : Monségur, Monpazier, apparues tout au long des années 1250-60-70, proches les unes des autres et rivales. Combien de combats, d’accrochages, de poursuites éperdues, se sont déroulés à coups de rapières, d’arquebuses et de duels sanglants entre autochtones de chaque camp.
Entre ces coteaux verdoyants aux vestiges médiévaux, passant par ces adorables villages d’Eymet, La Sauvetat-du-Drot, Allemans-du-Drot, Montenon, Duras...il serpente et suivait la frontière naturelle entre les deux belligérants. Comment imaginer, alors, que six siècles environ, plus tard, de nombreux sujets de Sa Majesté se promèneraient en short, chemisette et sandales, s’assoiraient à une table ombrée de quelque village, regardant couler la douce rivière, dégustant quelque anisette, tandis que l’on entend monter des terrasses autant la langue de Shakespeare que celle de Molière et que le pays est truffé de ces « compatriotes » ayant traversé le Channel, venus s’installer ici dans quelque belle demeure campagnarde aux tons chauds de style périgourdin, aux jardins remplis de fleurs et de plantes diverses, ayant préféré fuir les brumes chargées de Manchester ou Liverpool... et dont l’accent franco-anglais résonne sous les frondaisons.
Pays de cocagne où l’affluence touristique reste encore raisonnable, où de certains points de vue comme le belvédère de Montenon, on peut jouir de ces magnifiques étendues de vergers de pruniers, de champs de noisetiers, de tournesols, de maïs ponctués de granges et de fermes ou de gîtes où il fait bon faire un break.
Des moulins nombreux dont celui de Bagas, des barrages, environ 66, et leurs écluses jalonnent la rivière. Beaucoup se sont transformés en lieu de gastronomie périgourdine, d’autres en résidences secondaires ou principales. Il fut un temps où il y avait une activité fluviale d’ordre commercial, aujourd’hui disparue du fait du chemin de fer ; mais persistent, toutefois, des promenades fluviales qui s’y prêtent en raison d’un cours paisible et le long des rives, le cyclotourisme (route cyclable de 89 km) est devenu un plaisir apprécié.
Le moulin de Cocussotte
Le moulin de Cocussotte à St Pierre-sur- Drot est un de ceux reconvertis dans l’accueil touristique où l’on peut « gîter ». Il se cache dans la verdure et l’on découvre un barrage en pierre de taille de 5 m de long, de la fin du XIIIe siècle, un moulin à farine muni d’une roue hydraulique de 5 m de diamètre et pesant 5 tonnes ; tulipes, iris, dahlias, genêts, peupliers élancés vers le ciel, agrémentent l’endroit.
Un autre lieu est à mentionner : la Sauvetat-sur-Dropt où un régiment de Guyenne a massacré 1500 croquants en 1627 et dont le Monument des Croquants (à voir dans l’article précédent) conserve le tragique souvenir. Là, on peut admirer de splendides maisons à colombages, l’église au chœur roman et splendides vitraux, le vieux pont du XIIe siècle puis les façades à pans de bois, les arcades de la place centrale, le château fort d’Eymet nous révèlent tous ces vestiges qui sont autant les témoins qui s’ajoutent à ceux qui ont fait la réputation de ce pays où il fait si bon vivre, le Périgord.
Château de Duras - source La dépêche
Poursuivant vers l’aval, pas loin de rejoindre la Garonne, le magnifique et imposant château de Duras, sur son promontoire, domine le Dropt. Une demeure exceptionnelle du XIIe siècle et que le pape Clément V avait érigée en forteresse, l’objet de rivalités entre les rois de France et d’Angleterre, pris et occupé par les Anglais autour de 1345. Il deviendra un lieu d’agrément au XVIIe siècle, détruit à la Révolution, sera rénové dans les années 1970-80 pour devenir, aujourd’hui, un centre touristique attractif. C’est là que Marguerite Donnadieu est venue, héritière de la maison de famille du Platier et qu’elle a choisi son fameux pseudonyme de Marguerite Duras disant, elle-même : « C’est à Duras que je suis devenue quelque chose comme écrivaine. »
La Sauvetat du Dropt - photo site du Lot et Garonne
Le promeneur ne se sentira-t-il pas comblé en parcourant ce cours paisible, cette nature reposante, ces paysages sereins, sensible au calme d’une campagne verdoyante qui s’offre à lui, où l’histoire enchante ces bastides, ces vieilles maisons à colombages, ces vieilles pierres, ces vieux ponts, ces champs qui s’étalent, comment ne pas penser à ces vers de Paul Verlaine :
Fauve avec des tons d’écarlate La plaine brille au loin et fume
Une aurore de fin d’été Un oblique rayon venu
Tempêtueusement éclate Du soleil surgissant allume
A l’horizon ensanglanté. Le fleuve comme un sabre nu
La nuit rêveuse, bleue et bonne Le bruit des choses réveillées
Pâlit, scintille et fond dans l’air, Se marie aux brouillards légers
Et l’ouest dans l’ombre qui frissonne Que les herbes et les feuilles
Se teinte au bord de rose clair. Ont subitement dégagés
L’aspect vague du paysage
S’accentue et change à foison
La silhouette d’un village
Paraît. – Parfois une maison
Illumine sa vitre et lance
Un grand éclair qui va chercher
L’ombre du bois plein de silence.
Cà et là se dresse un clocher.
Jacques Lannaud
A découvrir aussi
- Où aller pour Pâques ?
- Troc aux plantes à Limeuil
- " Dordogne passion", suivons la balade d'Alain Eymet
Inscrivez-vous au blog
Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour
Rejoignez les 221 autres membres