Terre de l'homme

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Et au loin coule la rivière Espérance, Saga de Françoise Maraval - épisode 59

 

 

L'espoir : 1943

 

 

 

En ce mois de janvier 1943, Yvonne et Achille ont vu arriver chez eux, un homme qu’ils ne connaissent pas et qui dit être gardien à la prison de Mauzac-et-Grand-Castang. Il apporte une lettre de Clément, le frère d’Yvonne, interné en ces lieux depuis peu.

Clément a rencontré à Paris, une femme native de Bergerac, Madeleine, avec qui il vit au Bourget. Ayant reçu de mauvaises nouvelles des siens, Madeleine décide de descendre à Bergerac et Clément veut l’accompagner. La France n’est plus coupée en deux mais la ligne de démarcation existe toujours. La Bergeracoise a obtenu un laissez-passer mais Clément n’a rien demandé.

Il est pris par la police allemande alors qu’il essayait de passer hors des points de passage légaux. On a trouvé sur lui sa carte du PCF : les autorités allemandes en ont conclu qu’il venait troubler l’ordre public et c’est pour cette raison qu’il est interné à Mauzac.

L’homme dit qu’on peut lui rendre visite, mais il faut faire vite car le bruit court que les prisonniers politiques doivent être déportés en Allemagne.

 

Le bâtiment du centre de détention de Mauzac a été construit en 1939, près du canal de Lalinde, pour servir de poudrière. En juin 1940, l’avancée rapide de l’armée allemande sur Paris incite le gouvernement à évacuer les prisons vers le sud de la Loire. Mauzac est alors transformé en prison, le 6 novembre 1940.

Les détenus sont classés, logés et circulent séparément dans les conditions suivantes : 1ère division, récidivistes et exclus - 2ème division, condamnés primaires pour délits militaires (outrages, voies de fait) - 3ème division, insoumis, déserteurs – 4ème division, communistes – 5ème division, gaullistes – 6ème division, prévenus.

 

Il faut citer l’évasion spectaculaire du député socialiste Pierre Bloch et de neuf agents anglais du SOE (Special Operations Executive) accompagnés d’un de leurs gardiens José Sévilla, dans la nuit du 15 au 16 juillet 1942.

 

Un souci supplémentaire… Bien que leur relation ne soit pas suivie, Clément est le frère qu’Yvonne connaît le mieux. Elle laisse donc la maisonnée à Achille et Yette et se rend à Mauzac.

Elle n’est pas la seule au parloir de la prison ; un monde fou avait pris la direction de Mauzac, à la sortie de la gare de Lalinde. Yvonne donne des nouvelles de leur mère, Anna... Clément ne se plaint pas mais selon la rumeur qui court, les communistes seront déportés en Allemagne.

 

 

 

 

 

le camp de Mauzac-et-Grand-Castang

 

Emma entretient une correspondance régulière sur cartes postales avec Henri mais aussi avec Yvonne, l’épouse de Fonfon. On peut maintenant utiliser tout le verso de la carte postale mais on doit faire attention à ce que l’on écrit ! On espère se voir bientôt !!!

 

Pour la première fois en France, l’électricité est rationnée.

 

Sur le Front de l’Est, les Soviétiques progressent. Le 8 janvier, les Russes offrent à Von Paulus, la reddition sans conditions, mais Hitler ordonne de poursuivre le combat, alors que encerclés à Stalingrad, la position des Allemands est devenue intenable.

 

En France, Fritz Sauckel, responsable du recrutement de la main-d’œuvre, exige que 250 000 travailleurs soient livrés à l’Allemagne avant le 15 mars.

 

À Londres, Fernand Grenier, ancien député communiste, apporte à de Gaulle le ralliement de son parti.

 

Au cours de la conférence d’Anfa, au Maroc, Churchill et Roosevelt prévoient que les Alliés débarqueront en Sicile en 1943 et en France en 1944.

 

En France, les trois principaux mouvements de résistance de la zone sud fusionnent : Combat, Libération et Francs-Tireurs forment désormais le MUR (mouvements unis de la résistance) sous la présidence de Jean Moulin.

Pour la zone nord, c’est Pierre Brossolette qui est chargé d’unifier les mouvements.

 

En Allemagne, on assiste à la mobilisation civile des hommes de 16 à 65 ans et des femmes de 17 à 45 ans.

 

En cette fin de janvier 1943, le S.O.L est transformé ; il devient la Milice. Elle est composée de volontaires qui doivent participer au « redressement politique, social, économique, intellectuel, et moral de la France ». Elle est présidée par Pierre Laval, assisté d’un secrétaire général, Joseph Darnand.

 

Le 31 janvier, Friedrich Von Paulus, qui vient d’être promu maréchal par Hitler, se rend avec ses troupes. Une seule résistance persiste à Stalingrad : la partie de l’armée encerclée au nord de la ville.

 

En France, en zone nord, c’est le début de l’implantation des maquis.

 

Ce 1er février, sur le Front de l’Est, on assiste à la reddition des dernières troupes de l’Axe qui résistaient encore au nord de Stalingrad. Au total, 90 000 soldats et 24 généraux sont faits prisonniers. La chute de Stalingrad est la première défaite de la Wehrmacht sur le sol européen. Sur le front central, les troupes soviétiques progressent toujours et toujours, elles prennent Koursk et infligent de lourdes pertes aux Allemands.

 

En France, le 16 février, le STO (service du travail obligatoire) est instauré. Tous les hommes nés en 1920, 1921, 1922 sont mobilisés pour 2 ans et partiront en Allemagne.

Plusieurs journaux clandestins publient une déclaration commune, condamnant le STO et appelant les mobilisés à rejoindre la Résistance.

Jean Marchive n’est pas mobilisé puisqu’il est de 1923. Après avoir discuté avec son père, Jean n’attendra pas la mobilisation des hommes nés en 1923 pour prendre le maquis. On revoit son vestiaire, il faut préparer son barda : Jeantou, le tailleur, comprend qu’il se passe quelque chose et, bientôt, dans le milieu familial, on annonce le départ de Jean. Seuls le père et la mère savent où il est.

Plusieurs camps de maquisards se sont organisés dans les environs de Saint-Cyprien ; Jean Marchive a été recruté par le camp de Monsec, situé dans les bois non loin du château. Il y reçoit une formation militaire intense et chacun se voit attribuer un sobriquet : celui de Jean est «  le bolide », nom qui n’est pas donné par hasard. Il descendra souvent au village, la nuit, et il trouvera toujours dans le garde-manger, sa part du repas du soir.

 

Guy Mazaré, l’amoureux d’Aimée, est immédiatement concerné par la mobilisation ; il s’est très vite évaporé dans la nature. Son père, le percepteur, lui a trouvé des contacts dans le département du Lot dont ils sont originaires. Avant de s’éclipser, il a dit au revoir à sa bien-aimée et a promis de venir la voir, clandestinement, toutes les fois qu’il le pourra. Il viendra en semaine, de nuit, à Marnac. Ainsi, elle n’éveillera pas les soupçons puisque, comme à son habitude, elle pourra passer son dimanche à Saint-Cyprien, en famille.

 

En France, les femmes peuvent désormais ouvrir un compte en banque sans l ‘autorisation de leur mari !

 

Le 1er mars, la ligne de démarcation est supprimée. Presque aussitôt, Henri et Fonfon ont annoncé leur arrivée.

C’est toute la famille Maraval, excepté Alice et Maria, qui a accueilli Fonfon, Yvonne et Solange sur le quai de la gare de Saint-Cyprien. C’était comme un jour de fête, tout le monde avait le sourire et même plus, puisqu’ on riait en remontant l’avenue de la gare. Marcelle Destal a dit tout de suite que tante Yvonne ressemblait à Michèle Morgan, ce dont Fonfon n’était pas peu fier.

 

Ils sont d’abord allés chez Alice, l’embrasser et embrasser la mère puis un poulet rôti les attendait chez Arthur et Emma. On ne sait pas bien à qui était ce beau poulet qui se dandinait dans le jardin, à Arthur ou à Célestine, la voisine, vu qu’ils avaient tout mis en commun. Par miracle, on a trouvé à acheter les pommes de terre pour faire une bonne purée qui a réchauffé les cœurs. On en a assez de ces affreux topinambours. Célestine avait préparé, pour eux, sa chambre d’amis. Le dimanche, ils ont été reçus chez le copain de toujours, Milou Veyssière ; et, dans l’après-midi, hélas ! il a fallu reprendre le train en direction de Bordeaux.

Toute la famille a trouvé Yvonne, délicieuse, et Solange, un peu intimidée par cette première rencontre. Emma a pris les mensurations de l’adolescente, dans le but de lui faire une belle robe pour l’été prochain.

 

Pendant tout le mois de mars, la RAF bombarde l’Allemagne à tout-va.

 

Il y a aussi des bombardements alliés sur les installations ferroviaires et les dépôts de matériel militaire de la région de Rennes ; et, par la suite, les usines Renault de Boulogne-Billancourt seront elles aussi endommagées. Hélas, il faut déplorer des morts.

 

Alors que le ghetto de Cracovie a été rasé, une insurrection se déclenche dans celui de Varsovie, le 19 avril. Les insurgés se battent contre les SS, avec des moyens de fortune ; les Nazis vont arrêter les 60 000 juifs qui ont, jusque-là, échappé à la déportation.

À Berchtesgaden, le 29 avril, Laval s’entretient avec Hitler de la contribution de la France à « l’organisation de la Nouvelle Europe ».

On a pu lire dans le journal que de nouvelles restrictions alimentaires sont imposées par le gouvernement de Vichy :

- avec 100 kilos de farine, les boulangers sont tenus de produire 130 kilos de pain !!!

- la ration hebdomadaire de viande passe à 120g par semaine.

La T.S.F. nous informe que la 1e division blindée américaine, aidée par les troupes britanniques et les corps-francs d’Afrique, gagne chaque jour du terrain dans le bassin méditerranéen et notamment en Tunisie où 20 000 soldats allemands se rendent. Le 13 mai, c’est la fin de la campagne de Tunisie. Les dernières troupes allemandes et italiennes déposent les armes. En 8 jours, les Alliés ont fait près de 250 000 prisonniers.

En même temps, 400 bombardiers américains lancent un raid sur Palerme.

Nous sommes en mai, à Marnac et, depuis plus d’un mois, Aimée a compris qu’elle est enceinte. Elle est nullement inquiète car elle sait que Guy Mazaré régularisera la situation dès qu’il le pourra, mais elle sait aussi que son état va tourmenter le père et la mère. Le docteur Sage, consulté, lui a annoncé la naissance pour le début décembre. L’institutrice n’en a pas informé la famille, excepté Clémence qui est de loin la plus discrète de la maisonnée. Les parents découvriront bien assez tôt sa grossesse quand son ventre s’arrondira.

Cependant, Aimée, ne sait pas si les parents de Guy sont avertis. La mère du jeune homme rêvait pour son fils, d’une épouse issue de la bourgeoisie, avec un fort potentiel de dot. Peut-être, Guy a-t-il préparé le terrain ? Ce qui est sûr, c’est qu’ Aimée a confiance en lui.

L’institutrice sent qu‘à chacune de ses visites, Yvonne, la mère, l’observe sous toutes les coutures. Aimée redoute l’instant où ses rondeurs ne pourront plus se dissimuler… Pourtant, Aimée est sereine, elle saura rassurer les parents.

 

 

De son côté, Clémence s’entend très bien avec Jeantou Maraval, son patron. C’est un plaisir d’aller au travail, d’autant plus que l’accueil d’Emma et d’Arthur lui donne l’impression qu’elle fait partie de la famille. Quand la petite Jeannette revient de l’école, c’est chez Emma qu’elle vient prendre son goûter et reste là jusqu’à l’heure de sortie de son aînée. Clémence sait qu’elle plaît à Jeantou ; il la regarde avec les yeux de l’amour. Va-t-il se déclarer ? Emma et Arthur ont compris que leur fils s’est épris de son ouvrière. Il n’ose pas la demander en mariage ! Elle aurait peut-être peur de leur différence d’âge de 13 ans et de son infirmité. Il s‘efforce de montrer que ce handicap ne le gêne pas et, dans sa réussite professionnelle, il y voit un atout important. Si elle refuse, il va la perdre à jamais. Clémence est une personne secrète, elle ne dévoile pas ses sentiments, elle est toujours dans la retenue.

Mais, reprenons l’actualité nationale !

 

Le 27 mai, à Paris, 48 rue du Four, a lieu la première réunion du Conseil national de la Résistance : sont rassemblés sous la présidence de Jean Moulin, les représentants des principaux mouvements de résistance mais aussi les représentants de formations politiques (PCF, SFIO, radicaux). La CGT et la CFTC sont également là.

 

 



                                                  Jean Moulin en 1939



Le 9 juin, le général Delestraint, chef de l’Armée secrète, est arrêté et déporté à Dachau.

À Caluire, près de Lyon, le 21 juin, on assiste à un coup de filet de la Gestapo. Jean Moulin y a convoqué plusieurs responsables de la Résistance afin de réorganiser l’Armée secrète, après l’arrestation du général Delestraint. Avec ses camarades, il tombe aux mains de Klaus Barbie, chef de la Gestapo de Lyon. Ils seront torturés et déportés en Allemagne : Jean Moulin, le fameux « Max » mourra pendant son transfert.

 

Des mesures répressives à l’encontre des réfractaires au STO sont mises en place avec sanctions sévères étendues à ceux qui les aident.

 

Sur le plan européen, les bombardiers alliés lancent des tonnes et des tonnes de bombes sur l’Allemagne. La base de Peenemünde est prise par les Britanniques qui découvrent des bombes volantes V1. En réponse, Hitler exige l’installation en priorité, le long des côtes du Pas-de-Calais, de rampes de lancement renforcées pour les bombes V1. Ces bombes sont donc destinées à la Grande-Bretagne. Les bombes V1, « bombes représailles », sont des aéronefs sans pilote dotés d’une charge explosive et d’un pulsoréacteur. Cette arme qui frappe à l’aveugle a pour but d’affaiblir le moral et la détermination de la population.

En Sicile, la VIIe armée américaine du général Patton et la VIIIe armée britannique du général Montgomery débarquent sur les côtes. Les Britanniques prennent Syracuse puis se dirigent vers l’intérieur du pays, soutenus par les forces canadiennes. En peu de temps, les Alliés ont pris le contrôle de l’île.

Mis en minorité par le Grand Conseil fasciste, Mussolini va rendre compte de la situation au roi Victor-Emmanuel III qui le fait arrêter et interner à Rome, avant de le transférer dans l’île de Ponza, le 27 juillet. Le maréchal Badoglio est chargé de former un nouveau gouvernement. Le parti fasciste est dissous.

À Saint-Cyprien, en ce début de vacances scolaires, Aimée, restée à Marnac, repousse l’instant où elle rencontrera ses parents ; et, pourtant, il va falloir affronter la famille : en quelques jours, son ventre s’est arrondi de façon significative.

Quand Aimée arrive dans la cuisine de ses parents, Yvonne l’affronte sur le champ :

- « Aimée, nous devons parler. N’as-tu rien à me dire ? »

- « Maman, je suis venue dans ce but. Oui, je suis enceinte mais je tiens à vous rassurer, Guy m’épousera dès que cela sera possible. Il se cache à cause du STO. Je sais que, dès qu’il en aura l’opportunité, nous nous marierons. J’ai confiance en lui. »

 - « Aimée, parce que tu as fait des études, tu te crois invulnérable. Ses parents sont-ils, au moins, au courant de ton existence ? Une fille d’ouvriers qui tente de s’introduire dans leur famille par la petite porte, cela ne doit pas leur plaire. »

-  «  Maman, ce n’est pas avec les parents de Guy que je vais me marier ; comprends-tu que s'il se présente dans une mairie, il va se faire arrêter, le comprends-tu ? Est-ce ce que vous voulez ? »

Maintenant, toute la famille est au courant. Achille, le père, ne dit rien. Pourtant, les yeux gris d’Yvonne, devenus subitement noirs, implorent son mari d’intervenir dans la discussion. Yette, elle, regarde sa sœur avec le mépris de la catholique pratiquante déplorant le péché qui va rejaillir sur toute la famille. Hélène, à son habitude, est sérieuse mais on sent qu’elle est inquiète pour son aînée. Quant à Raymonde, elle rit sous cape alors que Jeannette, la petite dernière, ne comprend pas ce qui se passe.

Achille et Yvonne sont partagés : d’un côté, ils comprennent la situation du goujat, traqué par les autorités, mais qui a mis leur fille enceinte et, d’autre part, ils se posent la question : pourquoi les Mazaré ne se manifestent-ils pas ? Sont-ils au courant de la situation ?

Aimée insiste :

 

- « Ne faites rien, la situation se régularisera ».



Mais Yvonne et Achille ne sont pas au bout de leurs peines.

Jean Maraval s’est enfin décidé, il n’est pas passé par quatre chemins. Il avait pourtant préparé un joli texte mais, dans l’affolement et l’émotion, il a posé directement la question :

« Clémence, veux-tu m’épouser ? »

Il a entendu un OUI éclatant, échappé d’un large sourire. Il a, alors, pris l’élue de son cœur dans ses bras et l’a serrée tendrement contre lui puis ils ont échangé le fameux baiser d’amour, en sachant que d’autres suivront. Il rêvait de cet instant-là depuis longtemps …

Ils sont descendus annoncer la bonne nouvelle à Emma et Arthur. Emma espérait que « de fil en aiguille », ils en arriveraient là. Depuis bien longtemps, elle n’avait pas pensé à elle ; ce serait un vrai bonheur de voir ses petits-enfants courir dans la maison et le jardin, mais le cancer va-t-il lui en laisser le temps ?

Le soir-même, Jeantou s’est rasé, a mis ses plus beaux habits et, remontant la rue de la mairie, il est arrivé devant la maison des Marchive ; il en a emprunté les escaliers. La maisonnée a été étonnée de le voir arriver et, bien qu’ému, avec un ton solennel, il a demandé la main de Clémence à Achille, son futur beau-père. La surprise a été générale, ils se sont tous regardés et c’est Yvonne qui a brisé le silence.

- «  Mais qu’en pense ma fille ? »

- « Je suis d’accord maman, nous en avons parlé avec Jean et, non seulement, je suis d’accord mais j’en suis très heureuse. »

Deux mariages en perspective en si peu de temps ! Achille et Yvonne se sentaient déjà dépouillés d’une partie de leur lignée. Ils avaient beau se dire  « nos filles ne seront pas bien loin », le fait de savoir qu’elles ne dormiront plus sous leur toit, les peinait énormément.

Sur le Front de l’Est, la plus grande bataille de chars de l’Histoire a eu lieu à Koursk, à l’ouest de la Russie. Plus de 2 millions d’hommes et plus de 3 000 blindés allemands et russes se sont affrontés : « les Tigres » contre les « T34 ». Nul doute que si le général Model avait su que sa 9e armée aurait à faire face à 80 000 mines, 2800 pièces d’artillerie, 560 lance-roquettes multiples, il aurait réfléchi à deux fois avant de lancer l’assaut.

Au nord, le général Rokossovski dirige le front du centre. Officier brillant, il dispose, pour s’acquitter de sa tâche, de plusieurs armées, soit au total de 700 000 hommes et 1 800 blindés.

Après plusieurs reports, en partie dus à la volonté d’Hitler de doter ses formations blindées des matériels les plus récents, le déclenchement de l’opération Citadelle est fixée au 5 juillet 1943. Les 200 Panzers qui constituent son fer de lance, sont victimes d’ennuis mécaniques à répétition.

À Koursk, le mythe de l’invincibilité de l’arme blindée allemande est mort, une bonne fois pour toutes.

À Saint-Cyprien, le mariage de Clémence et Jeantou a eu lieu le 15 septembre 1943. Henri et Maria sont descendus de Chatou en voiture : ils avaient mis de côté des bons d’essence et la voiture s’est envolée en direction du Périgord. Fonfon, Yvonne et Solange ont pris le train. Arthur a dû battre la campagne pour trouver assez de volailles pour faire du mariage de son fils unique, une véritable noce et il a trouvé chez son ami Maurice Janot, de bonnes bouteilles pour faire chanter les gosiers. Gabrielle, accompagnée de son mari François Leysalle et de sa fille Ginette, représentaient la famille Borde.

La robe de mariée d’Emma, précieusement gardée, a été retouchée pour s’adapter au corps de l’élue alors que Jeantou s’est contenté de son costume du dimanche. À la guerre comme à la guerre...

Clémence a voulu un mariage religieux, alors croyants et non-croyants ont pris la direction de l’ église sans se poser de questions.



Deux jours après, Aimée a fait irruption chez ses parents :

- « Je me marie le 29 de ce mois à Agen, à 8 heures du matin. »

Personne ne peut expliquer ce miracle !!! Elle a donné les papiers nécessaires à Guy qui, clandestinement, a rencontré une personne qui travaille à la mairie de la capitale du pruneau. Cela va se faire incognito ; aussi, elle ne sera accompagnée que de son témoin, sa sœur Clémence. Emma lui avait confectionné pour l’été, une robe ample de couleur beige et c’est cette robe qui habillera la future mariée car il ne faut pas attirer l’attention.

Aimée et Clémence sont arrivées la veille au soir, en raison de l’heure inhabituelle de la convocation. Un homme les attendait dans la salle des pas perdus, à un endroit bien précis, il a emprunté les escaliers, elles l’ont suivi jusque dans une petite pièce désaffectée. Guy et son témoin étaient déjà là .La cérémonie a battu tous les records de rapidité et il a fallu se séparer avant même d’avoir pu se serrer dans les bras.

Achille et Yvonne sont maintenant rassurés. Mais, ils ne connaissent ni leur gendre ni la belle famille de leur fille ! Yette rajoute de l’huile sur le feu en disant que l’honneur n’est pas sauf.

Peu de temps après, une voiture vient se garer sous les fenêtres des Marchive. Le percepteur en descend et il rencontre Achille dans les escaliers : il se présente et Achille l’invite à monter. En arrivant dans la cuisine, Jacques Mazaré pense tout de suite à sa femme qu’ une crise d’apoplexie risquerait d’emporter sur le champ tant ce lieu, bien que propre et rangé, reste misérable. Le maître des lieux comprend que cet homme débonnaire, aux facilités d’élocution incontestables, ne pense qu’à arrondir les angles et souhaite que leur relation s’établisse sur de nouvelles bases pour le bien de l’enfant qui va naître. Le père de la mariée offre au percepteur, un vin de noix de fabrication maison et une discussion cordiale s’installe entre les deux hommes. Le percepteur est étonné par la personnalité de cet ouvrier qui parle avec aisance et dont le vocabulaire n’est pas celui de « monsieur tout-le-monde ». Jacques Mazaré en oublie même la raison de sa visite ; mais, voyant l’heure tourner, il finit par proposer une invitation de toute la famille pour le dimanche suivant.

Yvonne a mis son éternelle robe noire lavée et repassée de la veille, Achille n’a voulu faire aucun effort mais, cependant, il s’est rasé de près, ce qui n’est pas dans ses habitudes et les petites Raymonde et Jeannette ressemblent à des bonbons aux couleurs chatoyantes. Ils ont donc traversé le village, le cœur serré, comme partis pour accomplir une corvée. Au niveau du foirail, Aimée venue de Marnac les a rejoints. Seule, Raymonde est joyeuse.

 

Ils ont été introduits dans une grande salle à manger où tout reluit. La table a été dressée comme pour recevoir les autorités locales : argenterie, porcelaine de Limoges, verres de Baccarat. Les hommes ont tout de suite engagé la conversation. Marthe Mazaré a dit d’un air pincé qu’elle attendait beaucoup plus de monde. Le percepteur l’a stoppée, tout de suite, disant que c’était de sa faute, n’ayant pas demandé combien ils seraient.

- « Marthe, ne t’inquiète pas pour les restes, s'il y en a, je les mangerai. »

Aimée qui s’était présentée en arrivant, bien que tout de suite identifiable à cause de son ventre , a voulu s’imposer dans la conversation car il fallait être aveugle pour ne pas comprendre que sa belle-mère feignait de l’ignorer. Elle a donc pris l’initiative de donner des nouvelles des absents :

- Ma sœur aînée, Henriette, est accaparée tous les dimanches par l’église et le patronage. Clémence, elle, s’est mariée quinze jours avant moi avec Jean Maraval, le tailleur d’habits du village, Jean a pris le maquis pour échapper au STO et Hélène a intégré l’école normale d’institutrices de la Rochelle. »

Le percepteur a mis l’accent sur l’éducation des enfants et a félicité Yvonne et Achille pour une si belle réussite. Le repas était succulent et abondant pour la période et Raymonde en a profité pour faire savoir que sa mère avait été une grande cuisinière dans une riche famille de Montpon.

- « Madame Mazaré, vous pouvez demander conseil à ma mère, elle vous apprendra...»

Achille s’est cru obligé de féliciter la cuisinière pour atténuer la bévue de Raymonde.

Dans l’ensemble, la journée s’est bien passée mais tout le monde a remarqué que Marthe Mazaré évitait de regarder sa bru et ne lui a pas adressé la parole.

Sur le chemin du retour, Yvonne a pensé que sa fille ne trouvera pas tout de suite sa place dans cette famille, bien que le percepteur se soit efforcé de les rassurer.

Après les chamboulements et les émotions qui ont agité la famille, Achille reprend ses journaux car certains n’ont pas été lus et revenons à la guerre mondiale.

 

Il apprend que le 8 septembre 1943, le général Eisenhower a annoncé la capitulation de l’Italie et la signature d’un armistice. Mais, il ne faut pas oublier les Allemands qui occupent le nord de l’Italie. Sur l’ordre d’Hitler, un commando libère Mussolini détenu à Campo Imperatore, au pied du Gran Sasso. Le Duce est transféré à Vienne puis à Munich.

Le 13 septembre, dans la baie d’Ajaccio, les hommes du 1er bataillon de choc venu d’Afrique du Nord, ont débarqué du sous-marin Casabianca. C’est l’opération Vésuve : elle a été décidée par les généraux Giraud, Mollard et Martin en relation avec Arthur Giovini, dirigeant du Front national en Corse et principal chef de la Résistance.

Le 18 septembre, à Salo, dans le nord du pays, Mussolini a proclamé « une République sociale italienne «  qui bénéficie de la protection des Allemands, alors que les troupes italiennes passées dans le camp des Alliés ont obligé les Allemands à évacuer la Sardaigne et se sont réfugiés en Corse.

La Ve armée américaine rentre dans Naples que les Allemands ont incendiée avant de partir.

 

Le même jour, Georges Bideau est élu président du Comité national de la Résistance en remplacement de Jean Moulin mort en juillet.

Le 4 octobre, les troupes françaises s’emparent de Bastia. Les Allemands évacuent l’île.

Le 21 octobre, Lucie Aubrac réussit, avec un groupe de résistants, à délivrer son mari et treize autres membres du MUR détenus par la Gestapo de Lyon.

Le 11 novembre, jour anniversaire de l’armistice de 1918, des manifestations anti-allemandes ont lieu en plusieurs points du territoire.

Surprise !!! le 13 novembre, le maréchal Pétain est interdit d’antenne par les autorités allemandes alors qu’il devait annoncer que la désignation de son successeur reviendrait à l’Assemblée nationale. Le chef du gouvernement de Vichy s’incline mais refuse désormais d’exercer ses fonctions. Sous la pression de Berlin, il est obligé de se soumettre.

Le premier décembre 1943, Aimée Marchive, désormais Aimée Mazaré, met au monde, une jolie petite fille prénommée Jacqueline. Le bébé installé chez ses grands-parents paternels reçoit la visite de sa famille maternelle. L’enfant a été montrée aux visiteurs qui ont eu juste le temps de l’entrevoir avant qu'elle soit replacée dans son berceau. Raymonde a demandé, a supplié de prendre sa nièce dans les bras mais le refus a été sans appel. En sortant de la perception, Achille a dit qu’il n’y remettrait plus les pieds :

- « Elle nous a pris pour des lépreux !!! »

 

Le 24 décembre, le président Roosevelt annonce que le général Eisenhower assumera le commandement en chef des forces alliées qui débarqueront en France.

Le 29 décembre, Staline déclare qu’à l’Est les lignes allemandes ont été enfoncées sur un front de 300 kilomètres.

La France entière constate que les Allemands sont en difficulté sur tous les fronts.

 

Gardons l’espoir, toujours et toujours.

Le débarquement annoncé par les Américains est imminent.





Françoise Maraval





 

 

arbre généalogique 1

 

 

 

arbre généalogique 2

 

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Demain : Près de cent personnes se sont rendues à Veyrines pour la commémoration dite du Canadier.

Après-demain : Le plan de travaux de la Nauze et adjacents.

 

 



22/03/2023
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