Ils ont été reconnus.
Ce ménage, fort sympathique, illustre, ô combien parfaitement, l'esprit de ce blog Pays de l'homme. L'un et l'autre ont vu le jour dans ces reliefs où Pierre Grellety*, avant de "passer à la soupe" fit germer la fronde de ces braves paysans du Périgord.
* Le , Pierre Grellety reçoit du Roi les lettres patentes attestant de l'amnistie générale pour tous ses hommes et pour lui une charge de capitaine dans les armées du roi, dans le poste de gouverneur de la cité de Verceil en Italie.
Gabriel Eymet naquit à Vergt le 19/7/1925. À cette époque, la cité où Jean-Camille Fulbert-Dumonteil, (1831-1912), chroniqueur gastronomique de la Belle Époque, poursuivit ses études primaires et secondaires, avait une gare de chemins de fer départementaux, d'une manière dévalorisante taxés de tacots. Gabriel a dû avoir vu, dans son enfance, ces éphémères et derniers convois.
Janine Marty, son épouse, naquit à Lacropte le 28 août 1926. Ce village rural de l'espace vernois, historiquement, fut bien plus important qu'aujourd'hui. Il doit son origine à sa crypte du XIIème siècle. Là, sous l'Ancien Régime, les seigneurs de la famille de La Cropte règnent pendant plusieurs siècles. Notons qu'Élie de La Cropte s'embarqua à Marseille pour la Palestine pendant les croisades.
Émouvante image de jeunesse de personnes qui ont joui de l'estime générale
C'est dans cette cité de la Forêt de Vergt, l'ultime avancée occidentale de la Forêt barade, que Gabriel et Jeannine échangèrent leur solide engagement le 14 juin 1947.
La généalogie s'affirma, à quatre reprises, à Lacropte, avec l'arrivée de Jean-Claude le 14 avril 1948, d'Alain le 2 mars 1950 et de Joël le 14 août 1952. Un peu plus tard, à Sarlat, le 11 août 1956, Jean-Guy devint le benjamin de la fratrie. Gabriel décéda à Belvès, le 6 février 2008. Son épouse lui survécut jusqu'au 30 novembre 2015. Elle s'est éteinte à Sarlat.
Leurs enfants et petits-enfants peuvent être fiers d'eux. J'ai parfaitement connu Gabriel mais beaucoup moins son épouse, toujours agréable à rencontrer mais que l'on croisait beaucoup moins.
Les étoiles des chefs de gare.
À titre personnel, quand j'étais en culottes courtes, j'étais fasciné par l'activité de la gare. Le panache des 141 R dont les mécaniciens actionnaient le sifflet strident, la longue manœuvre des trains de fret, à l'époque on disait de marchandises, était observée par les galopins qui n'en comprenaient pas toutes les subtilités mais ils ne se lassaient pas de la suivre du regard. Ce qui, personnellement, me captivait le plus, c'était le passage des derniers trains de voyageurs tirés par ces "monstrueuses" machines à vapeur.
Le chef de gare*, pour manœuvrer les signaux qui sécurisent la gare, sortait de son domaine clos, pour donner le départ des trains. Ce geste sécuritaire, presque grandiose, jadis, lors du départ, était empreint d'une solennité impeccable. Jamais le chef de gare n'aurait expédié un train de voyageurs sans être dans une parfaite tenue vestimentaire. Cette rigueur ferait sourire certains agents-circulation de notre temps. Notons que l'inflexibilité du rituel sécuritaire, tout à la fois prescrivant un ordre et une permissivité, en aucun cas, ne peut être considérée comme anodine.
L'image du blog du 20 juin nous présente nos regrettés Eymet. Gabriel était coiffé de sa casquette de chef de gare. Il faut préciser que dans l'imagerie populaire, le chef de gare était le personnage que l'on reconnaissait dans une gare, par son activité et sa présence sur le terrain. Depuis bientôt 50 ans, cette terminologie, très ouverte, a été reconsidérée. X. Dufay, formateur à l'École régionale de Bordeaux Deschamps, avant d'en devenir le directeur, présenta aux postulants du collège maîtrise, juste après la modification du vocabulaire de 1972, le nouveau sens de cette dénomination qui, signe des temps, en perdant son sens initial, filait, selon son désappointé trait d'humour, vers un personnage protocolaire et bedonnant qui, selon son intime conviction, n'avait plus grand chose à voir avec celui qu'avaient connu les élèves des ères antérieures. Guerre des générations, probablement...
Les étoiles, pour quoi faire.
Les étoiles ont toujours eu des significations valorisantes.
Un danseur est nommé danseur étoile à l'issue d'une représentation d'un ballet sur scène, le plus généralement en tant que premier danseur, première danseuse, plus rarement en tant que sujet (et jamais depuis le corps de ballet). ... L'Étoile n'est donc jamais prévenu(e) à l'avance.
Ceux qui n'ont aucune idée du classement par les étoiles, peuvent penser qu'un Cognac trois étoiles est le summum de cette eau de vie. Que nenni, loin s'en faut ! Le VSOP est plus que le trois étoiles… ne parlons pas des autres !
Les étoiles militaires, elles vont jusqu'à sept pour les maréchaux, bien évidemment, servent à marquer la hiérarchie.
Le chemin de fer s'est beaucoup inspiré de la hiérarchie militaire, cependant elle est certainement plus douce. Cela tenait au fait que l'autorité sur le terrain aurait mal supporté la discussion de principes qui ne peuvent pas laisser de place aux appréciations individuelles surtout pour la sécurité des circulations et des chantiers. Un article, souvent répété à l'envi, illustre ce besoin de rigueur "Tout agent, quel que soit son grade, doit une obéissance passive et immédiate aux signaux".
Au chemin de fer, on a donc emprunté beaucoup du vocabulaire militaire, le canton, la brigade, la section, le dépôt, la division... On a même bâti... des corps de garde.
La hiérarchie se révélait avec le couvre-chef.
Le plus modeste chef de station, autrefois Trémolat, avait trois étoiles dorées. Les chefs de gare allaient de la sixième classe, [Les Eyzies, Gardonne, La Coquille ...] à la gare principale hors classe [Limoges, Toulon...] soit 10 strates hiérarchiques, de l'époque, différentes. Les gares les plus importantes, dont Paris-Nord ou Marseille St Charles, étaient souvent managées par des fonctionnaires supérieurs, ingénieurs hors classe. Ces personnages n'étaient, bien entendu, pas soumis au port de l'uniforme
Les chefs de gare de sixième avaient 4 étoiles, deux d'argent et deux dorées, ceux de cinquième avaient cinq étoiles, trois dorées et deux d'argent. Les chefs de gare, agents de maîtrise, avaient cinq étoiles dorées, Juan-les-Pins, Saint Gaudens, ou quatre étoiles dorées auxquelles on ajoutait une ou deux barrette(s) centrale(s), Lannemezan. Les chefs de gare du collège des cadres, Dax, Bergerac, Guéret, Marmande, avaient, uniformément, trois barrettes et quatre étoiles dorées.
On notera que dans nos gares rurales, rares ont été les chefs de gare qui ont aspiré à se dégager, par la promotion, de leur affectation de terrain ; pourtant, parmi eux, certains avaient toutes les qualités requises mais l'attachement au pays, à leurs habitudes, à leurs contacts, faisait qu'ils ne voulaient pas se détacher de leur foyer. Ils étaient de grands sages.
À titre un peu comparatif, je connais une brillante universitaire, agrégée de l'université, qui, au grand désespoir de son géniteur, persiste à demeurer dans son collège "difficile" de banlieue.
* Dans le langage courant, en dehors de la profession, la terminologie de chef de gare, parfois, même encore mais beaucoup moins, était utilisée à divers agents qui n'étaient nullement chef de gare dans la fonctionnalité. Jadis, en dehors des prérogatives, disons de l'entreprise ferroviaire, qui échoyaient au chef de gare, cette dénomination concernait l'opérateur sécuritaire d'un site. Le vocabulaire a changé, ces personnages ont été tour à tour chef de sécurité, puis agent circulation. Le changement de vocabulaire, au grand désespoir de certains qui tenaient à leur titre et, sans oser le dire ouvertement, se voyaient déchus, a évolué vers des agents mouvement, agents mouvement principaux, technicien de transport, cadre de transport... Le chef de gare devenait protocolaire, ses prérogatives revinrent au responsable local, interlocuteur des acteurs de la vie sociétale.
Ces changements d'intitulé se rencontrent un peu partout. Le censeur du Lycée n'est-il pas devenu le proviseur adjoint, etc, etc.
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Après la sépulture de Gabriel Eymet, mon article, en décembre 2015, dans Terres-de-Nauze, [blog auto-torpillé le 6 septembre dernier].
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Gabriel Eymet vit le jour, le 19/7/1925, dans une humble métairie de Vergt.
Après avoir bouclé sa courte mais brillante scolarité, Gabriel est plongé, très jeune, dans la vie active et ses premiers pas lui font découvrir les travaux agricoles, la maçonnerie et les chantiers de feuillardiers, à l'âge où les jeunes garçons de nos jours oscillent entre le collège et le lycée.
Les vicissitudes de l'histoire le dispensent des servitudes militaires traditionnelles car il atteint l'âge de la mobilisation quand le pays est traumatisé et occupé par la soldatesque inhumaine du petit caporal autrichien. La mouvance de la Résistance le séduit et, sur les bordures de la Forêt barade, il assiste les partisans. Il se souvenait bien du dramatique moment où plusieurs de ceux qu'il servait, tombent face à l'occupant au carrefour de la Menuse, aux portes du pays vernois. Est-il nécessaire de dire qu'une tragédie de cet ordre marque à tout jamais quand on n'a pas vingt ans !
La Libération redonne à Gabriel l'occasion d'un nouveau départ. Il est recruté à la S.N.C.F. Il débute sa carrière à Bordeaux, en 1946, mais il souhaite revenir en Périgord et après sa réussite aux épreuves de facteur mixte, il rejoint la gare de Villefranche-du-Périgord où il tisse de consistantes relations de travail, rapidement transformées en de solides amitiés.
Il épouse Jeannine, le 14/6/1947, à Lacropte, et le couple aura quatre garçons, Jean-Claude, Alain, Joël et Jean-Guy.
Le séjour villefranchois se termine et Gabriel rejoint Belvès, en 1958, où sa gentillesse, sa délicatesse et son sens des relations publiques le font remarquer et apprécier par les clients de la gare ; qu'ils soient de l'activité fret ou voyageurs. Comme à Villefranche, mais plus encore, il n'hésite pas à surpasser ses attributions et, parfois, à donner un petit coup de pouce aux clients ; que ce soit pour permettre à ceux-ci de pouvoir activer les chargements ou déchargements des wagons ou pour tout autre petit geste de bonne volonté.
Gabriel, passionné de son métier, assiste aux deniers soubresauts de l'ère de la vapeur et il regrette, comme tant d'autres de ses collègues, de voir cette épopée d'un siècle de dur labeur reléguée au rang du souvenir. Gabriel disait, avec fierté, qu'il cantonnait des trains lourds, souvent équipés de plusieurs machines, acheminés vers le pôle industriel de Fumel.
Pour compléter son modeste salaire et pour donner à ses enfants, l'éducation qu'il souhaitait, sertie des valeurs qu'il estimait, à juste raison, saines, honnêtes et généreuses, Gabriel, au-delà de son activité professionnelle, s'investissait dans des travaux annexes, notamment en n'hésitant pas à s'approcher des abeilles, dans une exploitation apicole, lors de ses heures de repos.
Vers la fin des années 60, il remplace Jacques Debenay, promu à St Astier, au poste de chef de gare de Belvès et il restera à ce poste jusqu'en 1980 où il fera valoir ses droits à une retraite bien méritée.
Je voudrais rappeler quelques petits points qui méritent d'être soulignés. J'ai la souvenance parfaite d'une fête de Belvès, en septembre 1961, je crois, où Gabriel appelé à la mairie par Maurice Biraben, reçut, pour le personnel de la gare, à l'époque il se composait du regretté Roger Hourmières, d'André Brun et de l'élève André Aubry, le titre "hors concours" de site fleuri. La gare, à ce moment-là, était un magnifique lieu parfaitement décoré de magnifiques compositions florales que les agents entretenaient avec amour.
Un autre souvenir… Quand j'étais adolescent, à la recherche d'une carrière, pour ne pas dire une voie, je tournais souvent autour de la gare, j'observais les manœuvres, je cherchais à comprendre l'ésotérique manipulation des installations, j'assistais, fasciné, au passage des derniers trains de voyageurs tractés par les monstres d'acier stylisés par Zola dans son volume "La bête humaine" de l'ensemble des Rougon-Macquart et j'étais impressionné par la prestance des agents qui, avec une méthodologie quasi militaire, surveillaient les circulations et donnaient, en tenue impeccable, des signaux de départ empreints d'une gestuelle tout à la fois rigoureuse et vigilante.
Je me demandais comment ces agents pouvaient mémoriser, suivre et appliquer, sans faillir, autant de textes impératifs. Il y en avait, à Belvès, une pleine armoire.
En qualité de postulant pour cette vénérable maison, je faisais part à Gabriel de mon effroi devant tant de règlements à connaître, a priori sans impasse, et je me souviens, quelques 57 ans après, de son sourire et de sa réponse, pleine à la fois de simplicité et de plaisanterie, frisant la boutade. En substance, il me répondit "Tu vois petit, toute cette bibliothèque, ce n'est rien. Un tout petit recueil, à lui seul, pèse autant que tout le reste réuni et nous préoccupe au premier chef. [Pour les collègues, notamment ceux de la filière 27, je suppose qu'il me parlait de l'I.G.I.S pimentée de son "temps moral"]. Souviens-toi petit de ce principe strict : "Tout agent, quel que soit son grade, doit une obéissance passive et immédiate aux signaux". Art 101 du Titre I Signaux.
Gabriel Eymet fut un excellent chef de gare. A ma connaissance, il n'eut jamais d'incident de parcours. Il nous lègue l'image d'un collègue charmant, toujours agréable à rencontrer et je ne doute pas qu'il laissera à sa famille, bien sûr, mais aussi à ses collègues, à ses clients, à ses concitoyens, un excellent souvenir.
Puisse-t-il reposer en paix dans cette terre belvésoise qu'il avait adoptée !
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Demain : Bicentenaire de la naissance de Gustave Flaubert . "C'était à Mégara, faubourg de Carthage, dans les jardins d'Hamilcar", par Pierre Merlhiot.
Dimanche : Renaissance du trail à Belvès.
Lundi : Tribune historique. Jacques Lannaud s'interrogera sur Alésia.
Mardi : La Dordogne est très haute, le Neufond, seul, péniblement, arrive à Siorac mais le Valech s'est éclipsé sous Carvès.
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