Terre de l'homme

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Peut-on se moquer de tout ?

 

 

 

defilé

 

 

 

                                                                 Défilé du 14 juillet 2021

 

 

Dans la contribution de Jean Bonnefon : "dans la tourmente de 1944 et la liesse de la délivrance de 1945" se trouve une photo de son père, Lucien, de retour de captivité le 27 juin 1945. On imagine la joie de sa famille après 5 ans de séparation.

Ce fut le cas dans des milliers de foyers, il y eut 1,5 million de prisonniers, soit 10 % de la population masculine.

 

la vache 2
la vache et le prisonnier

 

 

                                     La vache et le prisonnier  d'Henri Verneuil 

 

En 1959, le réalisateur Henri Verneuil évoque le sort d'un prisonnier. Ce sera "La vache et le prisonnier". En 1943, Claude Bailly (Fernandel) s'évade, ayant presque réussi, il saute dans un train qui, à son insu, est en partance pour .........l'Allemagne. Il rentrera de captivité 2 ans plus tard, comme tout le monde.

J'ai assisté au retour de mon père qui nous raconta son évasion, récit captivant auquel nous avions droit à chaque repas de famille.

Pour faire vite, mon père, obligé de travailler sur un champ de mines, profite du relâchement de la surveillance pour s'évader, brouette et pelle à la main, enfile un habit de facteur, trouvé dans une maison abandonnée, entame une longue marche qui le mènera de la Sarre à Paris, se rend rue Lepic chez un cousin qui lui prête un vélo, traverse 3 fois à la nage, entre deux patrouilles, le Cher qui tenait lieu de ligne de démarcation. Il arrive enfin aux Eyzies de Tayac où il retrouve aussitôt sa place de chef cuisinier dans un hôtel qui... venait d'être réquisitionné par les Allemands.

On comprend pourquoi mon père ne ratait jamais la rediffusion de "La vache et le prisonnier".

 

retour des prisonniers
affiche

 

 

 

                                                     Retour en France des prisonniers de guerre 

 

 

Cela dit, ces deux récits traités sur un mode humoristique, sont loin de refléter la tragédie de l'époque.

Certains, souvent pour des raisons idéologiques, réduisent cette période à la faillite de notre armée, à la débacle militaire, à un exode de la population dans la plus grande confusion où se mêlent des soldats sans combativité.

Il est vrai que notre pays confronté à la dénatalité, à un vieillissement de la population, à une économie affaiblie et à la division des forces politiques gagnées en grande partie par l'esprit munichois, partait avec un lourd handicap face à l'Allemagne qui se préparait depuis longtemps à la guerre (voir article Mein Kampf).

Dès lors, l'armée française de 1939/1940 est, pour beaucoup, assimilée à la peu glorieuse " Drôle de guerre" et au naufrage de juin 1940.

Ce procès est injustifié : on retient la capitulation, on oublie les combats héroïques menés contre les ennemis en surnombre et suréquipés. Trois exemples : dans les Alpes, nous écrasons les Italiens, sur la Loire, entre Gennes et Monsoreau, 2500 soldats dont 550 cadets de l'école de cavalerie de Saumur se sacrifient devant 40 000 Allemands qui leur rendent les honneurs. On ne saurait faire l'impasse sur la victoire de de Gaulle, avec sa division cuirassée, à Moncornet. Il fut de bon ton de se gausser de cette bataille au motif que c'était l'arbre qui cachait la forêt.

Si l'on veut mesurer la violence des combats, il suffit d'opposer aux sceptiques les pertes en vies humaines : 230 000 soldats tués et 330 000 civils.

En mai/juin, la France perd 60 000 hommes, plus qu'au Chemin des Dames en 1917.

 

 

 

la 7 1
la  73

 

 

 

Mais où est donc passée la 7ème compagnie ?                        On a retrouvé la 7ème compagnie.

 

Si je manifeste quelque humeur à ce sujet, c'est qu'au cours des années 1970, le cinéma français a donné à mes yeux, une vision franchouillarde et désolante du contingent dans la trilogie de "La 7ème compagnie" de Robert Lamoureux et celle des "Bidasses" de Claude Zidi, accréditant, à son insu, l'idée que la France n'avait que ce qu'elle méritait.

 

les bidasses 1
bidasses 2

 

 

                                                                 Les bidasses en folie 

 

Le plus souvent, le vaudeville troupier est un des plus affligeants et des plus tristes qui soit. Parlant de ces films, un critique disait : "On dirait que la France fait la guerre comme la Jamaïque aux Jeux Olympiques d'hiver, pour en faire des films comiques après la défaite".

Dans "La vache et le prisonnier", le réalisateur a su concilier le comique et le respect. Ceux des deux trilogies n'y sont pas parvenus.

En 1913, on chantait, dans les cabarets, "Avec l'ami Bidasse", chanson évoquant les agréments du service militaire.

En 1917, on changeait de registre : "La chanson de Craonne", exprimait la lassitude des soldats et leur mouvement de contestation après la boucherie de l'offensive du général Nivelle. 

Adieu la vie

Adieu l'amour......

C'est à Craonne sur le plateau

Qu'on doit laisser sa peau.

Je sais que je vais à contre-courant de l'opinion commune : Ces films ont eu un immense succès et leurs réalisateurs Robert Lamoureux et Claude Zidi avaient du talent. Mais je me fais difficilement à l'image qu'ils ont donnée de ceux qu'on a appelés familièrement et successivement : pious-pious, poilus, bidasses et trouffions.

En 1996, Jacques Chirac laisse entendre que la conscription n'a plus lieu d'être.

En 2002, le service militaire est supprimé.

Le contingent ne sera plus la cible de vaudevilles où la caricature, qui abaisse et ridiculise, tient lieu d'humour.

Si mon réquisitoire est sans doute excessif à l'égard de ces deux trilogies, c'est que j'ai connu, en Algérie, des appelés d'une autre nature, plus dignes dans leur comportement.

Soixante ans après, a-t-on vu cinéastes et écrivains tourner en dérision les soldats du contingent en Algérie ?

"Avoir 20 ans dans les Aurès" de René Vautier (1972)  et "L"honneur d'un capitaine" de Pierre Schoendoerffer (1982) ont une toute autre tenue et c'est bien ainsi.

 

Pierre Merlhiot

 

 

PS : 

1973 : Mais où est donc passée la 7ème compagnie ? de Robert Lamoureux

1975 : On a retrouvé la 7ème compagnie de Robert Lamoureux

1977 : La 7ème compagnie au clair de lune de Robert Lamoureux

 

1971 : Les Bidasses en folie de Claude Zidi 

1974 : Les Bidasses s'en vont en guerre de Claude Zidi 

1979 : Les Bidasses en vadrouille de Christian Caza



16/07/2021
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