Illustration du mitage de la Bessède après des coupes rases

   photo contributeur

La coupe rase : 

une aberration écologique qui menace nos forêts

Impossible de vivre en Pays de Bessède, second massif forestier de Dordogne (3) : 7566 hectares (1), sans s’intéresser à la vie de nos forêts, d’une façon générale.

Cela ne vous a pas échappé qu’une mobilisation générale pour sauver nos futaies traditionnelles est en train de se mettre en place. Début mars, la Sepanso (2) s’est offert, lors de son assemblée générale, une réserve de 28 hectares de forêt dans le secteur de Lalinde. De plus en plus, des associations de protection de la nature, des groupements forestiers citoyens écologiques comme « Lu Picatau » créé en 2020 en Dordogne, font de même ; c’est le cas dans le nord du département mais aussi dans des régions comme le Limousin ou le Morvan. Que faire ensuite de ces parcelles de forêt classées zone nationale d’intérêt écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF) ? La réponse est simple : rien. C’est même tout l’intérêt de la démarche : laisser faire la nature en intervenant le moins possible et la laisser, tranquillement, redevenir une forêt ancienne, dont les biotopes uniques sont en train de devenir rares en France. De plus en plus de personnes ont pris conscience qu’il n’était pas inutile de sanctuariser, autant que faire se peut, notre Forêt. Comment se nomme le mal contre lequel il faut la protéger ?

LA COUPE RASE

La coupe rase est une coupe à blanc. Tous les arbres sont coupés en une seule fois sans que de jeunes pousses soient encore installées. Ce type de coupe est apparu aux Etats-Unis, après la dernière guerre mondiale, et était réalisé par de multiples engins dont on avait l’impression qu’ils étaient sortis des derniers films de science- fiction et qui, en fait, n’étaient autre que des engins de guerre qui avaient été industriellement modifiés pour des fins…. peut-on dire, plus pacifiques.

Avant cette coupe unique et non progressive, la futaie régulière était un peuplement d’arbres d’essences variées qui étaient récoltés par coupes progressives espacées d’une dizaine d’années , la dernière coupe permettant la récolte des derniers grands arbres arrivés à maturité. Ce type de coupe porte un nom, il s’agit de la COUPE DE REGENERATION, celle que nous avons tous connue dans nos campagnes jusqu’à présent . Les grands arbres avaient, avant leur abattage, donné naissance à des semis qui avaient pris le relais. Contrairement à la coupe rase, le sol n’y est jamais découvert, ce qui limite l’érosion. Elle a l’avantage de supprimer dans le paysage, les parcelles vides de bois, et elle protège la biodiversité, le sol n’est pas à nu, ni compacté par de lourds engins. Aujourd’hui, les espèces d’oiseaux associées aux gros bois perdent leurs habitats, par exemple les pics, les sittelles, de même que les insectes xylophages ou encore les chiroptères, le gros gibier disparaît, la microfaune est broyée. Le monde  fongique aussi, plus question d’aller chercher cèpes et girolles…. Les coupes rases stoppent net, le cycle de la vie et dégradent durablement les écosystèmes.

Une sittelle qui, bientôt, va disparaître de nos forêts comme de nombreuses

autres espèces animales et végétales (photo canopée)

Parmi nous, les plus anciens se souviennent de l’entretien qui était apporté aux forêts, les coupes de bois se faisaient en hiver et non toute l’année, on récoltait la bruyère comme litière pour le bétail, je ne parle pas de la cueillette des champignons… Le comice agricole de Belvès biannuel avait pour thème unique la forêt, chère à Régis Roussely qui, lors de cette manifestation, faisait de la vulgarisation auprès de la population.

C’est après la tempête de 1999 qu’il a commencé à y avoir une industrialisation de la forêt avec une surmécanisation, dégradation des sols, monoculture résineuse, destruction des savoir-faire, perte de sens du métier de bûcheron ; sous prétexte de lutte contre le réchauffement climatique et de production d’énergie verte, des industriels ont choisi de mettre au carré la forêt, de la rendre plus productive et rentable. On a planté une seule essence, des résineux bien alignés sous perfusion d’engrais chimiques, avec le souci de les « moissonner » comme des champs de blé avant même qu’ils aient fini leur croissance. Le tout avec des abatteuses-ébrancheuses qui prennent l’arbre, le sectionnent, le couchent, l’ébranchent, l’écorcent, le découpent en billons de longueur programmable. Ces machines actuelles sont à la pointe de la technologie avec des GPS intégrés, des ordinateurs , des bras articulés téléguidés par des joysticks. Pendant que le pilote de l’engin est dans sa cabine, il est suivi par son patron par satellite.
Savez-vous que vous financez avec vos impôts, l’hégémonisme des machines par le biais du plan de relance post COVID. 200 millions d' euros ont été consacrés à ces investissements. Chaque machine mettant fin à l’activité de plusieurs dizaines de bûcherons.

Comment inventer une autre voie que celle de l’industrialisation, pour éviter ces forêts moissonnées comme des champs de blé. Remplacer ces machines qui arrachent, coupent et débitent un arbre en moins d’une minute. Ces hectares entiers dévastés (vous en voyez peut-être depuis votre fenêtre) ces surfaces scalpées de toute végétation, creusées par des ornières béantes à même l’humus ?

Certains pays d’Europe comme la Suisse, la Slovénie, ont interdit cette sylviculture industrielle, d’autres sont en période de réflexion et s’apprêtent à légiférer mais c’est encore le méli-mélo. Chez nous, il semble que la pratique soit certifiée durable et que le changement climatique soit un bon alibi pour poursuivre. Lorsqu’on va chercher le calme en forêt, il faudra compter avec le bourdonnement des abatteuses.

Soucieux de permettre à tous les acteurs et amoureux de la forêt, de présenter leurs points de vue et d’échanger autour des spécificités de la forêt périgourdine, des enjeux économiques et écologiques, des différents usages de cet espace à partager, le Département  a organisé des Assises de la forêt au théâtre de l’Odyssée à Périgueux, jeudi 2 février. Le Pays de Belvès était représenté de façon bicéphale à ces assises : d’une part par un industriel de la filière bois, d’autre part par un ancien universitaire spécialiste de la biodiversité. Celui-ci a retenu de nombreux aspects positifs dans la démarche du département.

Voici un débat ouvert qui ne peut laisser indifférent, beaucoup d’entre vous ont peut-être leur avis à donner, tous sont recevables.

Le contributeur

1. 418 000 hectares de bois recouvrent la surface du département de la Dordogne.. C'est simple, avec plus de 418 000 hectares de bois en Dordogne, la forêt recouvre 45% de la superficie du département. Cette forêt est à 92% privée.

2. SEPANSO : Société pour l’Etude la Protection et l’Aménagement de la Nature dans le Sud Ouest. Il y a une section par département, la section Dordogne présidée par un ancien magistrat, M Charollois, a décidé de se dessaisir de biens immobiliers pour acquérir cette forêt.

3. La Dordogne, avec 418 000 ha de forêt, est le troisième département le plus boisé de France.

Références : des liens à consulter : https//www.canopee-asso-org : coupes-rases

https//reporterre.net :la-coupe-rase-une-aberration

Un livre Main basse sur nos forêts par Gaspard d’Allens, journaliste pour le site Reporterre

Une abatteuse coupe, billonne et empile 250 à 300 mètres-cubes par jour, ces machines ne sont pas adaptées à la diversité d’essences.

Coupe vue aérienne photo site Canopée

Photos prises dans la Bessède, le contributeur

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