Ma cabane au fond du bois
J'ai dit, avec beaucoup d'autres, tout le bien que je pensais de l'article d'Huguette et de ses deux protégées : Deux feuillardières à Saint-Léon-sur-Vézère, en Périgord noir.
Un mot m'est venu immédiatement à l'esprit, mot qui n'était pas dans le texte :
la cabane, construction éphémère, bâtie avec soin mais rapidement abandonnée. Celle à laquelle je pense, me servait de repère quand la nuit tombait et m'empêchait de m'égarer.
Je ne vais plus aux champignons, quand je vais dans les bois, je m'en tiens aux lisières mais je sais que pas très loin de là, cette vieille cabane, à la fois étrange et familière, affaissée avec le temps, désertée par les feuillardier.e.s parti.e.s construire ailleurs, n'en finit pas de résister au temps.
Je me suis toujours demandé pourquoi cette cabane vétuste, bientôt réduite à un tas informe de lattes et de copeaux, exerçait sur moi une telle séduction. Sans doute parce qu'elle avait connu une vie intense et discrète avec les feuillardiers qui travaillaient en harmonie avec la nature et se faisaient une compagne de leur solitude.
Les enfants ne s'y trompent pas qui, génération après génération, rêvent de bâtir une cabane avec des matériaux de fortune et, à peu de frais, trouvent un dépaysement à deux pas de chez eux.
D'autres font de même, qui ont gardé leur coeur d'enfant : Henri David Thoreau (1817-1862), philosophe américain, naturaliste et poète, est de ceux-là. Il acheta un terrain en plein bois, bâtit une cabane en pin et y séjourna pendant 2 ans. Il marquait par là une attitude critique par rapport à la société de consommation et à la production industrielle, un jardin pourvoyait à une partie de ses besoins. Aujourd'hui, de nombreux écologistes se réclament de lui.
Son livre majeur :"Walden ou la vie dans les bois" 1854, n'a pas pris une ride :
"Je trouve salubre d'être seul la plus grande partie du temps. J'aime à être seul....J'avais dans ma façon de vivre au moins cet avantage sur les gens obligés de chercher leur amusement au dehors, dans la société et le théâtre, que ma vie elle-même était devenue mon amusement et jamais ne cessa d'être nouvelle."
A dire vrai, il ne menait pas une vie d'ermite et recevait souvent ses amis. Sa cabane, dont il décrit la construction dans les moindres détails, était plus pour lui une métaphore qu'une réalité.
Cabane du maquis de Durestal Intérieur d'une cabane de feuillardier
Cette façon de prendre la cabane dans un sens métaphorique, on la retrouve dans un essai de Marielle Macé (Nos cabanes - 2019), cabanes qui ne sont ni des lieux de repli, de précarité, où l'on tourne le dos au monde mais des lieux où l'on veut habiter le monde authentiquement.
Qu'y a-t-il de commun entre une cabane de feuillardier, une cabane d'enfant et celle d'Henri Thoreau ?
Elles témoignent toutes, paradoxalement, de notre désir d'aventure, d'être ailleurs et, en même temps, de notre besoin de sécurité.
J'ai le souvenir d'une chanson de Line Renaud "Ma cabane au Canada" : la voix est belle mais le texte est d'un sentimentalisme un peu mièvre.
A tout prendre, si j'avais à choisir, je choisirais celle dont je vous ai parlé, maintenant réduite à sa plus simple expression mais qui témoigne d'un temps où les bois s'animaient à l'approche de l'hiver.
Avec Estelle et Judith, les cabanes ont de beaux jours devant elles.
Pierre Merlhiot
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Demain : Quand le dicton faillit !
Après-demain : Nature. Avis de recherche. Une plante à retrouver.
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