Deux feuillardières à Saint-Léon-sur-Vézère, en Périgord noir.
Aujourd'hui, le blog reste en Forêt barade, grâce à Huguette Simon-Labrousse, pour aller à la rencontre d'Estelle et de Judith qui nous donnent une belle leçon de sauvegarde et de renaissance d'une activité manuelle... on pourrait presque dire artistique.
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Le métier de feuillardier, très courant au début du 20ème siècle, était exercé exclusivement par des hommes durant les mois d’hiver.
C’était un travail d’appoint pour les agriculteurs.
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Estelle et Judith
Estelle et Judith sont, peut-être, les premières feuillardières de France.
Estelle est une de nos* anciennes élèves de l’école de Marquay et c’est avec un grand plaisir qu’elle nous a accueillis dans sa belle maison qui domine la Vézère et le pittoresque village de Saint-Léon.
Lorsqu’ Estelle a annoncé à son père Guy Phélip qu’elle voulait abandonner son métier d’assistante sociale et apprendre à faire le feuillard, celui-ci a été très surpris et ému.
Ce travail est très physique et il se demandait si elle y arriverait. Mais Estelle était très motivée et elle souhaitait travailler en contact avec la nature. Aussi, lui qui en faisait depuis très longtemps, a fabriqué pour elle un « banc » (un établi spécial) à côté du sien dans son atelier de Tamniès.
L’apprentissage est difficile car il faut répéter les mêmes gestes afin d’acquérir le tour de main nécessaire. Estelle a voulu aller trop vite au début et elle a dû arrêter deux mois à cause d’une méchante tendinite. Mais, peu à peu, grâce à la formation prodiguée par son maître feuillardier, elle est devenue experte. Guy en est très fier.
En 2019, elle a lancé son auto-entreprise « Feuillard et création bois ». L’activité dure huit mois, de septembre à avril. Actuellement, elle partage les taillis de châtaigniers avec son père. Un taillis est constitué de jeunes tiges qui régénèrent la souche. Il faut environ quatre hectares de taillis par feuillardier, de façon à exploiter un hectare par an, par roulement. On l’exploite à quatre ans d’âge, en hiver, à la descente de la sève pour que la peau de la jeune pousse ne se décolle pas et que le taillis se régénère mieux. Parfois, Estelle peut couper jusqu’à fin mars mais, cette année, elle a arrêté fin février à cause du climat printanier. Elle porte les barres d’environ 4 mètres de long dans son atelier. Le cahier des charges impose un diamètre compris entre 2 cm et 2,8 cm (en produit fini). Elle n’utilise que la base de la barre (bois de première et deuxième années) pour sa résistance et sa souplesse. Le bois doit être conservé dans le noir et au frais pour que l’écorce ne sèche pas, sinon elle deviendrait impossible à travailler. Elle coupe les tiges à quatre dimensions : 2m 20, 2m 30, 2m 50 et 2m 70 car elle réalise quatre tailles de cercles.
Avec la serpe, elle amorce la fente de la barre puis avec une partie du banc, elle écarte les côtés pour obtenir deux côtes.
Ensuite, à la force des bras, avec la plane, elle travaille la côte pour l’amincir. Pour aiguiser la plane, elle écrase sur une planchette, de la poudre de pierre de meule qu’elle mélange à de l’huile.
Elle passe la côte travaillée et assouplie dans la cintreuse dont les crans hachurent la tige de châtaignier et permet à celle-ci d’être courbée facilement.
Avec la cercleuse réglée sur la bonne circonférence, elle forme 24 cercles qu’elle relie en couronne (ou meule).
Ses outils sont :
- Une petite tronçonneuse qui a remplacé la hache,
- un banc de feuillard,
- une serpe qui appartenait au père de sa grand-mère de Tamniès,
- une plane (couteau) ancienne fabriquée par une forge de Beynac,
- une cintreuse achetée pour tirer un meilleur profit de son travail,
- une cercleuse fabriquée par son père Guy.
Le cercle de feuillard a surtout, aujourd’hui, un rôle esthétique mais il permet aussi de déceler les attaques d’insectes indésirables avant qu’ils ne s’installent dans le chêne des barriques.
Estelle s’est découvert des talents de pédagogue en formant au métier de feuillardière, sa compagne Judith qui a abandonné son activité de juriste dans la fonction publique hospitalière. Elle a débuté son apprentissage en novembre 2020 et comme conjointe collaboratrice, depuis quelques semaines, à présent que sa formation est terminée. Elle est enchantée de travailler sur place, à son rythme, dans un cadre reposant.
Elles ont un contrat avec les tonneliers Taransaud et Seguin-Moreau de Cognac qui viennent prendre leur commande à Saint-Léon-sur-Vézère. Leur feuillard habille des barriques de grands crus en Bordelais, en Bourgogne, en Alsace, en Italie.
Estelle a aussi fabriqué quelques meubles pour répondre à une commande locale.
Estelle et Judith adhèrent à l’Association des feuillardiers du Périgord qui souhaite valoriser le métier et aider des jeunes à s’installer car la demande est importante.
Pour elles, ce n’est pas comme au siècle dernier, une activité complémentaire mais un métier à part entière qui n’est pas prêt de disparaître, comme en témoignent nos deux feuillardières passionnées qui perpétuent la tradition familiale.
Nous leur souhaitons une belle réussite.
Huguette SIMON-LABROUSSE, le 25 mars 2021
* Huguette utilise le pluriel car Estelle, qui fut son élève a, aussi, été l'élève de Georges son mari.
Demain... Covid 19 oblige ! Nous ne pourrons être que six pour la balade printanière pédestre du 4 avril de "La grande boucle verte de partage des eaux". Un circuit collinaire de 12 km. Pensez à prendre rang pour être de ce "sextuor". |
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