Nous avons tous comme un spleen au cœur - écrit en souvenir de Pierre
La nuit étoilée - Vincent Van Gogh 1889
Le poète vit les métamorphoses de la nature ; ses sens éveillent en lui des sentiments et ses poèmes traduisent ses émotions qui nous sont propres et que nous ressentons au plus profond de nous-mêmes. Au printemps, la végétation, les arbres reprennent vie, pommiers, cerisiers, poiriers, abricotiers, pêchers revêtent leur parure printanière, plaisir des yeux, beautés de nos jardins et vergers. Et, lorsque octobre vient, voilà que la nature change de palette, que les feuilles se colorent de jaune, d’orange, que les forêts se parent de robes aux couleurs de l'automne, tandis que, généreuse, elle nous offre ses fruits de saison.
Le cri - Edvard Munch 1893
Que de sentiments, de nostalgie, de regrets, de solitude, de désolation, de spleen envahissent, alors, le cœur et l’esprit du poète :
Quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle
Sur l’esprit gémissant en proie aux longs ennuis,
Et que de l’horizon embrassant tout le cercle
Il nous verse un jour noir plus triste que les nuits...
Quand la pluie étalant ses immenses traînées
D’une vaste prison imite les barreaux....
Et de longs corbillards sans tambours ni musique,
Défilent lentement dans mon âme ; l’Espoir,
Vaincu, pleure, et l’Angoisse atroce, despotique,
Sur mon crâne incliné plante son drapeau noir.
Charles Baudelaire- Spleen.
Certes, nos amies les bêtes semblent bien comprendre ces changements : elles nous en avertissent lorsque les petits matins fraîchissent dans les vallons, que l’azur du ciel pâlit, que les feuilles commencent à tournoyer, arrachées par le souffle de l’automne et que le spleen, le blues se glisse, imperceptiblement en nous, comme un semblant d’hibernation à l’approche de l’hiver.
Nos oiseaux ont senti, prématurément, l’appel instinctif du départ et nous quittent. La nature s’immobilise comme se préparant aux frimas, le silence s’installe, peu à peu, dans nos cours et jardins. Dans les bois, l’alouette, le coucou ne se font plus entendre, les gazouillements et pépiements se sont tus comme le chant du rossignol ou du merle, et le départ de nos petits oiseaux et autres migrateurs dépeuple le marais de Moëze-Oléron où le vent d’automne plie les roselières délaissées : plus de cris furtifs, plus de héron cendré, plus de cygnes fiers et majestueux ; dans les chenaux, l'eau fraîchit et frissonne, les feuilles recouvrent, lentement, les chemins et les sous-bois.
Après l’agitation de l’été, va-t-on dire comme l'ami Baudelaire :
Adieu, vive clarté de nos étés trop courts ! ,
s’enfermer entre les murs de la maison, méditer et dire avec Maurice Carême :
Le brouillard a tout mis
Dans son sac de coton
Le brouillard a tout pris
Autour de ma maison
Plus de fleur au jardin,
Plus d’arbre dans l’allée ;
La serre du voisin semble s’être envolée.
Et je ne sais vraiment où peut s’être posé
Le moineau que j’entends si tristement crier.
L'Estaque - André Derain 1906
Oui, le blues peut nous gagner, une sorte de mélancolie, de « dépression saisonnière » bien connue et passagère. N’abandonnons pas nos activités habituelles, nos marches, randonnées en forêt, vélo en intérieur, selon le temps. Les jours diminuent mais, rien à voir avec ce que vivent nos amis nordiques confrontés à la diminution inexorable de la lumière et à l’obscurité pendant le long hiver qui fera suite, avec un froid polaire et un disque solaire tronqué qui ne fait qu’apparaître sur l’horizon. Ils ont trouvé la solution et si leurs activités ne suffisent pas, ils complètent ce manque de lumière par des séances bénéfiques de luminothérapie quotidiennes ou séquentielles, en évitant toute prise médicamenteuse.
Mais, aujourd’hui, d’autres possibilités nous sont offertes en nous évitant de rester cloués sur un siège devant un écran d’ordinateur ou de télé. Quand je vois les jeunes pianoter à toute vitesse sur le clavier de leurs smartphones et correspondre, ainsi, entre eux tout en marchant, courant, s’activant dans la maison... avec des correspondants y compris étrangers, je me dis que l’on peut prolonger des conversations déjà entamées, les reprendre dans la journée comme si les distances étaient abolies. Le « twitt » (twitter = gazouillis) est un exemple de ces nouvelles relations sociales qui permettent des échanges quasi-instantanés et qu’utilisent, de plus en plus, nos dirigeants.
Ces évolutions font partie, aujourd’hui, du quotidien. La mémoire serait-elle remplacée par celle de ce petit bijou électronique qui permet, instantanément, de pratiquer une opération de calcul mental sans effort, de faire appel à l’histoire, à la géographie, à l’astronomie...à une encyclopédie qui nécessiterait chez nous une série de livres rangés sur des étagères ?
Nos neurones semblent à la peine et la réponse arrive avant d’avoir eu le temps de fouiller dans notre propre mémoire. Quelle révolution !
Pour autant, les poètes, les auteurs, les érudits, les savants, les mathématiciens.......ont aussi recours à ces nouvelles pratiques ; mais, l’esprit, la capacité de l’intelligence, de déduction, de synthèse, de bon sens révèlent toute l’ampleur du cerveau humain, capable encore d’inventions inimaginables, il y a peu.
Alors, chassons le spleen.
La poésie, la littérature parlent à nos cœurs, à nos âmes, enrichissent notre esprit, notre culture, nos modes de pensée, notre connaissance de l’homme et nous en avons grand besoin car il y a beaucoup de progrès à faire pour se perfectionner quand on voit qu’on en est, encore, au temps des dictateurs.
Jacques Lannaud
Demain. La reine Jeanne, une forte et belle figure de style, dans les terres du sud. |
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