Terre de l'homme

Nous ne sortirons pas indemnes de ces trois crises mais nous en serons affectés à des degrés divers : je pense en particulier au personnel soignant, aux étudiants, aux seniors et à celles et ceux dont le pouvoir d'achat sera diminué par l'inflation.

Sur le plan psychique, les effets peuvent aller du simple stress dont on se remet à des syndromes post-traumatiques qui peuvent apparaître des années après.

Un neurologue de renom, Boris Cyrulnik fonde nos espoirs sur ce qu'il appelle "la résilience", c'est-à-dire cette capacité naturelle dont nous disposons pour surmonter les chocs émotionnels.

Devons-nous en rester là et laisser faire la nature ?

Le peuple ukrainien, qui traverse une tragédie, ne se contente pas d'apporter une réponse militaire mais, chaque jour sur tous les médias, il utilise un procédé qui lui est familier : l'humour ; on ne compte plus les réseaux sociaux qui nous montrent des photos, des citations détournées ou des vidéos où le conflit tourne à la farce, l'agresseur est traité en dérision.

Cette forme de combat est loin d'être négligeable. C'est une thérapie contre le stress et un moyen de discréditer l'adversaire.

Ces internautes ont de qui tenir, rappelons-nous la carrure de comique de leur président dont on retiendra l'inénarrable sketch où il joue du piano, le pantalon baissé.

"Ces saltimbanques qui mettent la main sur l'Etat" selon un journaliste, ajoutent une arme à leur arsenal : l'humour, compagnon de route du sourire et du rire.

Ce mécanisme de défense, le corps médical l'a découvert et analysé : meilleure oxygénation, libération d'endorphines anti-douleur, stimulation de la dopamine , hormone du plaisir....Les bienfaits du rire sont tels que de nombreux hôpitaux font appel à des clowns hospitaliers, formés pour intervenir dans les services de pédiatrie pour contribuer au processus de guérison. Tout avait commencé aux USA, dans les années 1980, de façon artisanale avec des clowns de cirque et des artistes de rue.

En 1921, trois ans après la "grande guerre", Jaroslav Hasek, dans son roman Le brave soldat Chveïk, raconte les aventures d'un brave soldat de l'armée austro-hongroise dont les pérégrinations font ressortir le caractère grotesque et absurde de la guerre : il se comporte comme l'idiot du bataillon. Naïf, incompétent, il ruse pour discréditer la guerre non en l'attaquant mais en soulignant ses vertus.

Charlie Chaplin, en 1940, pour mobiliser l'opinion publique américaine et la presser à entrer en guerre contre le régime nazi, fait un film : Le dictateur dont on peut retenir une scène mémorable où Adénoïde Hynker (Hitler) joue avec un ballon représentant le globe terrestre, ballon qui éclate rendant furieux celui qui se veut maître de l'univers.

L'humour a ses limites, le brave soldat Chveïk n'a pas empêché l'Allemagne de déclencher un nouveau conflit . Le dictateur a été moins déterminant dans l'entrée en guerre des Etats-Unis que les bateaux américains coulés et la menace d'un accord Mexique - Allemagne.

Il n'en reste pas moins que l'humour reste une arme d'appoint et nous rend plus supportable la rigueur des temps.

En 1997, le cinéaste Roberto Benigni, avec son film La vie est belle, pousse à l'extrême, l'humour dans ses bienfaits et ses limites : un juif italien et son fils sont déportés dans un camp de concentration. Le père fait croire au fils que les occupations au camp sont en réalité un jeu pour son anniversaire où il pourra gagner un char d'assaut s'il accomplit des tâches difficiles.

Toutes les situations ne sont pas aussi désespérées. De la blague à l'humour noir, il y a plusieurs registres : l'humour bienveillant, l'esprit blessant , la dérision, le ridicule, le grotesque, le burlesque ..

Il y a mille façons de se moquer mais nous sommes redevables à ces mécanismes de nous aider à prendre de la distance par rapport au stress quotidien et aux traumatismes.

La plupart des journaux possèdent une rubrique où l'on traite d'une façon plaisante, un événement, une personne. Les Anglais appellent cette rubrique "Just for fun" (juste pour rigoler).

Notre blog est un média sérieux, parfois trop sérieux et nous savons gré à quelques-uns de nos amis tels Jean-Matthieu Clôt et Gérard Hices de tenir parfois des propos pleins d'humour.

Et si chacun y mettait du sien ?

Je prends le risque de donner l'exemple : un jour, je me suis trouvé dans un établissement de convalescence où l'un des infirmiers ne  cessait, pour nous faire oublier notre état, de nous raconter des blagues.

En voici une, en raccourci : Un rugbyman, plus que centenaire, sentant venir sa mort prochaine, fit venir son épouse pour lui demander de s'assurer qu'il y avait bien un stade au paradis. Dieu répondit : il y a un stade au paradis et vous jouez dimanche en championnat.

A vos plumes !

Pierre Merlhiot