Raymond "ten te fièr".
SAINT CYPRIEN
Adiou Raymond. Non, que tout le monde se rassure, ce blog, ouvert à toutes les sensibilités républicaines et tolérantes, n'a nullement l'intention de s'immiscer dans le domaine sensible et intime de la spiritualité. Adresser un petit adiou à un homme qui, sa vie durant, s'est consacré à la vie locale, n'est tout simplement qu'un point de civilité à son égard, dans un bassin de vie où il a su entretenir d'excellentes relations avec toutes et tous.
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Raymond, un homme du terroir.
Dans le bassin de vie que Raymond a arpenté, pendant un gros demi-siècle, tout le monde s'accorde à dire qu'il est un personnage "biface". Cet homme d'église, intervenant naturellement dans un domaine qui est le sien -et sur lequel, ce papier n'a nullement le désir de disserter- est, par ailleurs, citoyen de terrain. Il s'intéresse à bien des thèmes de la vie locale courante.
Un lieu de rencontre plutôt insolite.
Je pense avoir connu et rencontré, pour la première fois, Raymond, à Montignac, en 1973, quand un collectif scénique décida de faire revivre l'odyssée romanesque de Jacquou le Croquant. Pour ce faire, il fallut plusieurs épisodes dont un fut mis en scène à Fanlac, avec une prise d'assaut de l'église. Ce mouvement frondeur ne choqua nullement le clergé de ce diocèse de Périgueux-Sarlat qui, 68 ans après la Séparation de l'Église et de l'État, ne manifesta aucun courroux ni hostilité à cette "prise" factice et hétérodoxe de cette Église Saint Jean de Fanlac. Un autre temps fort et agité fut l'incendie du Château de l'Herm, incendie théâtral facilité par l'hospitalité des maîtres contemporains des lieux. Jacquou, dans le roman d'Eugène Le Roy, fut jugé pour cet acte dont il fut le promoteur.
Ce jugement reconstitué à Montignac fut, en 1973, l'occasion de faire revivre cette issue enflammée.
Le public, plusieurs centaines de personnes, assistait debout à ce moment crucial.
J'étais dans le public avec mon frère et, hasard de la promiscuité, Raymond était à côté de lui. Il y avait, deux rangs derrière nous, deux personnages fort remarqués tant par leur discrétion que par la sympathie qu'ils obtenaient des citoyens présents à cette soirée. C'était Lucien Dutard, le député d'alors et son suppléant Louis Delmon, alors conseiller municipal de Trélissac, il se préparait à entrer en mouvement pour le conseil général et la mairie de Sarlat où il a ceint l'écharpe tricolore 4 ans plus tard.
Raymond dit à mon frère "Tiens voilà Dutard et Delmon". Mon frère lui fit remarquer qu'il ne connaissait pas le second. Étonné, Raymond lui dit "Tu ne connais pas Delmon ; viens que je te présente".
Pour ma part, je fus plus que stupéfait et supris de ce mouvement de cordialité qui dépassait -et de loin- les stéréotypes et, qui, l'espace d'un moment, brisa les "interdits" conventionnels.
Lors de la proclamation du résultat de l'audience du tribunal, pris dans le tumulte effervescent du public où d'aucuns se livraient à une carmagnole endiablée, un passionné, à l'intention de Nansac, le sinistre comte anti-héros de Jacquou, lança un "fumier".
Amusé, Raymond rectifia avec une saillie d'humour dont il avait la maîtrise; "Non, tu ne devrais pas dire "fumier" mais plutôt "engrais".
C'est ainsi que l'agnostique que je suis, découvrit, il y a bientôt 50 ans, un prêtre qui osait défier quelques règles.
Aujourd'hui, Raymond, après tant de décennies au service de la cause qui est la sienne, voit venir le moment où il va lui falloir se résoudre à prendre un peu de repos.
Qu'il me soit permis de lui dire avec amitié "Ten te fièr"* Raymond.
* "Ten te fièr", en occitan, veut dire "Garde-toi en bonne santé".
P-B F.
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