Terre de l'homme

Terre de l'homme

Science sans conscience n'est que ruine de l'âme

                                

 

 

Les billets de Jacques Lannaud, médecin honoraire, sur ce blog, recueillent tous une adhésion positive du lectorat.

 

Son cursus, brillant au demeurant, l'a amené à rencontrer bien des situations et l'a conduit dans cette Afrique en souffrance, là où le moindre problème prend des proportions que n'imaginent pas ses confrères européens. Ses pertinents regards sur la société en général, sur l'actualité, sur l'éthique, sur la guerre et sur la Résistance  font de lui la fine plume scientifique, humaine et historique de "Terre de l'homme".

 

Jacques Lannaud

 

 

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L’histoire n’a pas oublié et le corps médical, a fortiori, les comportements et les pratiques des médecins nazis, coupables d’actes inqualifiables au titre d’expériences humaines. De nos jours, ce sont des plaies mal refermées, des cicatrices douloureuses et violations successives du Serment d’Hippocrate et du Code de Déontologie médical qui en régit l’exercice .

Il n’est pas dans mon intention de vous faire un exposé sur le serment d’Hippocrate ni sur le Code ; mais, rappelons qu’il s’impose à tout médecin inscrit au tableau de l’ordre et qu’il comporte cinq titres :

  • Devoirs généraux des médecins
  • Devoirs envers les patients
  • Rapports des médecins entre eux et avec les membres des autres professions de santé
  • Exercice de la profession.

Le titre I comporte pas moins de 30 articles, inscrits au CSP (code de santé publique).

 Revenons à ce procès historique du tribunal de Nuremberg en 1947, qui condamna 7 d’entre eux à mort, 9 à la prison à vie, d’autres ayant été acquittés faute de preuves. Fautes graves, atteintes à l’intégrité du corps humain de personnes qui ont servi de cobayes pour des expériences hors du commun.

C’est l’histoire, par exemple, d’un des plus célèbres criminels des camps de concentration, celui d’Auschwitz, qui tira son épingle du jeu grâce à des complicités dont celle du Vatican et échappa, ainsi, aux Fourches Caudines du tribunal et aux griffes de toutes les polices d’Europe lancées à ses trousses.  C’est de Joseph Mengele dont il s’agit, surnommé l’Ange de la Mort. Il s’est livré à des expériences effroyables  sur des enfants juifs et tsiganes qu’il triait lui-même à la descente du train, étant « spécialisé » dans l’eugénisme, dans l’espoir de fournir la plus grande quantité d’enfants mâles au IIIième Reich.

Au nez des Alliés, il se réfugia en Amérique latine où il entama un périple de fugitif entre Argentine, Paraguay et Brésil, poursuivi par des agents soit d’organismes chargés de le retrouver, soit par des agents secrets de services de renseignements, notamment israéliens. On le localisa à plusieurs reprises puis il disparut et on le retrouva ; mais, il échappait de nouveau, renseigné par d’anciens amis nazis  bien placés. Il vécut un certain temps dans une communauté d’ascendance allemande où il se livra, encore, à des expériences sur des femmes enceintes auxquelles il faisait avaler des potions inconnues et qui entraînèrent l’explosion d’un chiffre de naissances gémellaires inexpliquées dans une proportion sans pareille, des enfants blonds aux yeux bleus. Mengele ne sera jamais arrêté même en Allemagne où il séjourna à une ou deux occasions ; et, bien que renseignés, les services habilités ne l’inquiétèrent pas. Il mourra dans des conditions mal élucidées (empoisonnement ?) sur une plage au Brésil.

Son périple a  fait l’objet d’un livre « Le mystère Mengele : sur les traces de l’Ange de la Mort » par Jorge Camorasa publié en 2017.

Je citerai, aussi, le témoignage d’une femme médecin, retenue au camp de Ravensbrück ayant eu l’occasion d’assister à des expériences sur des prisonnières polonaises. Voici quelques propos tenus par l’un de ces médecins expérimentateurs :

 « ..l’accusation prétend que notre « travail » n’a pas de valeur. Or, des médecins importants comme le médecin de sa Majesté le roi d’Angleterre, pensent que même si nous avons fait ces expériences criminelles, notre travail aura au moins le mérite de bénéficier au reste du monde. Je suis un spécialiste des infections gangréneuses, on doit me donner la chance de redresser les interprétations erronées…de façon que, après ma mort, ceux qui en liront le compte-rendu puissent se former un jugement sur cette question.. » Pour se justifier un peu plus, il ajouta : « les expériences animales n’ont pas de sens et ne peuvent être reproduites chez l’homme. Dans certaines démocraties, on se livrait, aussi, à des expériences condamnables . » Etrange raisonnement après s’être livré à des expériences inédites en violation de tout respect de l’éthique médicale : l’idéologie nazie avait, dans leurs esprits, remplacé toute morale, toute vertu au sens latin du terme. ..Science sans….

Ce que je viens de décrire n’est qu’un épisode de cette guerre dans laquelle l’idéologie nazie a entraîné tout un peuple. Des documents retraçant les séances mémorables du procès de Nuremberg ont refait surface récemment, notamment l’un d’eux oublié totalement, ayant le titre « Croix gammée contre Caducée » dans lequel on peut lire ; «  le nazisme a imposé la terreur à toute la société et à celle d’une grande partie de l’élite intellectuelle et scientifique allemande qui adhéra consciemment à l’idéologie nazie. »

Toutefois, le procès déboucha sur la nécessité d’établir des règles précises dans le cadre de l’expérimentation humaine, connues sous le nom de Code de Nuremberg. C’est à partir de là que s’est construite l’éthique médicale contemporaine.

Au vu des événements récents survenus à Washington, ressemblant à un véritable pronunciamento, il y a intérêt, je crois, à rester vigilant car la démocratie, même dans un grand pays, demeure fragile.

 

Jacques Lannaud



24/01/2021
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