Aïe, aïe, aïe, ces chênes que l'on abat !
Oh ! quel farouche bruit font dans le crépuscule, les chênes qu’on abat pour le bûcher d’Hercule. Bien au-delà de cette allégorie poétique de Victor Hugo, au pied de la sépulture de Théophile Gautier, ne sommes-nous pas tous bouleversés quand ces statues vivantes s'effondrent.
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La commune de Monplaisant avait, jusqu'à ces derniers mois, la plus belle allée de chênes de son bassin de vie. Celle-ci que les promeneurs empruntaient en la croyant gardienne du temps, s'est effondrée au bruit des tronçonneuses emportant avec son charme unique les souvenirs de bien des générations.
C'est le printemps. Dans quelques jours, les feuillages vont reprendre la place qu'ils ont cédée, à la fin de l'automne.
Quand on emprunte la route de Raunel, voie communale monplaisanaise, en filant vers le bourg de Monplaisant juste après le franchissement du Raunel, au niveau du Pont de Bosredon, un magnifique chemin vert adroitement conservé par l'appareil municipal monplaisanais s'ouvre à une promenade bucolique à l'abri de la circulation automobile.
Quand il a fallu trouver un odonyme pour chaque chemin, les élus monplaisanais ont retenu " Chemin des Morilles ". Cette formule champêtre avait toutes les probabilités d'être appréciée par tous. Cette promenade épouse le sillon du Raunel sur un bon kilomètre et permet d'admirer ses berges où les prairies trouvent dans cette vallée, l'humidité nécessaire à cette vie de pâtures.
À quelques hectomètres de l'entrée, les promeneurs accusent un premier choc. Les chênes riverains de cette allée sylvestre ont été abattus et, pour les promenades lors des mois ensoleillés, ne pourront donc plus jouer le rôle de générateurs d'ombre et, par ailleurs, leur disparition constituera un vide préjudiciable à l'environnement et à la pérennité du Raunel.
L'image, toujours affligeante, des gisants au pied du chemin.
Un témoin de la garde du chemin. Oui, j'ai été un des passeurs de mémoire de cette garde sylvestre.
"Terre de l'homme" n'est pas géomètre et n'a, bien entendu, aucune qualité pour dire, encore moins de pouvoir affirmer, si la coupe a bien mutilé, sans concertation, le patrimoine communautaire. Ce qui est certain, c'est que ce vénérable chemin a perdu pour bien des décennies, l'image reposante et équilibrée que la Nature lui a donnée... avec l'appui de nos anciens.
À portée de voix du chemin
Qui suis-je ? Si j'étais horriblement prétentieuse, je dirais que je suis une toute petite fée de la Nature. Pour me situer au niveau des pâquerettes qui honorent et fourmillent dans mes environs, je dirais, le plus humblement possible, que je ne suis parmi mes cousines qu'une bien timide marqueuse de ce décor que la Nature, au gré de ses plus subtils plissements, a bien voulu placer là, dans ce discret sillon d'un vaillant ruisseau naturel qui, comme moi, se révèle être une transpiration collinaire de ses bosquets et pâtures. Le vent de la mer et les pluies sont nos passeurs de vie bienfaiteurs de cette Bessède souffrante d'où nous surgissons.
Discrète mais bien vivante, je vais filer vers Le Raunel, mon maître.
Pour me voir sourdre, il faut m'approcher de très près. De vaillantes Monplaisanaises venaient du bourg, il est situé à 1 300 m, avec des cruchons, chercher mon eau pure pour leur cuisine. Une autre, disparue au cours de ce siècle, résidente des hauteurs de Branchat, toujours en respectant l'éco-système, avait estimé judicieux de faire une cressonnière dans son écoulement. Elles furent, peut-être sans le savoir, de solides écologistes monplaisanaises.
Ma mission de " sourcinette " est terminée. Ici, après un cours d'environ 25 m, je me confie au Raunel, mon seigneur et maître, il me reçoit à droite de l'image ci-dessus. Cette paisible passation d'ondes va ainsi se poursuivre, à la Tute où le Raunel fera allégeance à la Nauze. Au Chai de Siorac, dans les heures qui suivent, à Siorac, ce sera la rencontre fluviale. Enfin, dans 2 ou 3 jours, ce sera la grande aventure entre le Bec d'Ambès et Saint Palais-sur-Mer où nous serons happé(e)s par le lointain Gulf Stream.
Au delà du cercle polaire, nos ondes, mêlées à bien d'autres, vont repartir dans les courants du Labrador et du Groenland. Ainsi, le circuit inter-continental affirmera sa vitalité renaissante en rejoignant à nouveau les eaux antillaises.
Texte et photos © Pierre Fabre
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