Terre de l'homme

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De belles gens, épisode n° 55. Saga de Françoise Maraval

 

 

 

DE BELLES GENS

 

 

Épisode 55

 

 

La 2ème guerre mondiale vue de Saint-Cyprien,  1940-1941

 

 

Dès le 25 juin 1940, la ligne de démarcation coupe la France en deux grandes zones principales.

 

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En rose sur la carte, la zone occupée. Elle est placée sous l’autorité du gouverneur de Paris, un Allemand.

 

En bleu ciel sur la carte, la zone libre. Le 12 juillet, le gouvernement de Vichy s’installe en zone libre : Vichy devient en quelque sorte « la capitale » de la zone libre.

 

L’Alsace et Lorraine sont annexées à l’Allemagne.

 

Le Nord et Pas-de-Calais. Ces deux départements très industrialisés et riches en bassins miniers sont rattachés au commandement allemand de Belgique.

                                                                                             

                                                                                                                                                        

De l’embouchure de la Somme au Rhône, la zone est dénommée  « zone réservée » par les Allemands mais communément appelée « zone interdite ».

 

La zone occupée italienne s’étend du lac Léman à la Méditerranée. Elle va jusqu’à Nice compris.

 

Fonfon à Bordeaux, Henri en région parisienne, sont donc en zone occupée. Non seulement, ils ne peuvent plus venir en Périgord mais, en plus, les échanges de courrier sont également interdits entre zone occupée et zone libre.

 

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Les Allemands ont rapidement mis en place toute une série de mesures pour limiter, sur le territoire, la circulation des personnes et des marchandises, ainsi que le trafic postal entre les deux zones. Jusqu’en septembre 1940, aucun courrier ne peut circuler d’une zone à l’autre.

L’autorité d’occupation exerce une surveillance rigoureuse sur la ligne de démarcation, dont le franchissement, soumis à autorisation, ne peut s’effectuer qu’aux points de passage officiels, sur présentation d’une carte d’identité et d’un laissez-passer (l’ausweis) délivré par les Kommandanturen. Toute demande s’accompagne d’un dossier complet transmis aux autorités allemandes, comprenant photos d’identité, certificat de domiciliation, motif de la demande… Les laissez-passer ne sont accordés que dans des cas reconnus urgents (naissances, enterrements ou maladies graves de proches parents).

Par ailleurs, des mesures restrictives sont prises à l’égard des étrangers et des juifs pour lesquels la réglementation ne cesse de durcir.

 

C’est dans ces conditions qu’Emma et Arthur Maraval ont reçu, à leur grande surprise, la visite  d’Eugène Delmas en octobre 1940, Eugène, le collègue de Fonfon. Les nouvelles sont bonnes ! Eugène, le Sarladais, précédemment défenseur de la France sur la ligne Maginot, avait obtenu, en mai 1940, l’autorisation d’aller se marier à Coutras, petite ville de Gironde. Sa promise, la belle Élise, était enceinte et le soldat voulait régulariser la situation au plus vite. Le mariage a été modeste et Fonfon Maraval a été choisi pour être le témoin d’Eugène.

La mariée, elle, avait comme témoin une amie de la famille, Yvonne, une femme issue de la bourgeoisie coutrasienne, une femme qui présentait bien, une femme qui avait de la classe. Fonfon s’est retrouvé au côté de cette personne, un peu gêné,  mais sa bonhomie habituelle a plu à Yvonne qui a su apprécier l’humour de son cavalier. Que ce soit à Saint-Cyprien avec les copains ou, maintenant, aux ateliers des tramways bordelais, le Cypriote est le boute-en-train indispensable pour animer une soirée. Prêtez attention !!! vous ne trouverez aucune vulgarité chez Fonfon : tout est dans la subtilité et dans la finesse.

Yvonne a beaucoup ri… Fonfon en a été heureux car sa cavalière est en instance de divorce : son mariage avec un médecin a mal tourné et la famille de l’épousée a encouragé la séparation pour le bien-être de leur fille et petite-fille puisqu’ Yvonne a une petite Solange de cinq ans.

                                                                                                                                            

Fonfon a aussi une autre qualité ; c’est un excellent danseur et il a fait tourbillonner sa cavalière, une bonne partie de la nuit. Sentir cette jolie personne si proche de lui, a profondément troublé les sens du maître de ballet.

Eugène avait emmené les photos de son mariage et Emma et Arthur ont pu voir leur frère en compagnie d’Yvonne.

            - « En effet, elle est magnifique ! »

Fonfon n’avait pas encore osé parler de sa cavalière à la famille…

 

Le Sarladais a obtenu un laissez-passer. Quelle raison a-t-il invoquée ? on ne sait pas. En réalité, il apporte à ses Sarladais de parents, les photos de son fils né au mois de septembre.

 

Alphonse Maraval ne se trouve pas beau. Il se trouve même banal du haut de son 1m 70. Le souvenir d’Yvonne lui tourne la tête depuis le mariage d’Eugène. Il repasse en boucle cette merveilleuse journée. Pour la première fois de sa vie, Fonfon est amoureux. Sa cavalière a trouvé du travail à Bordeaux : elle est employée à la chocolaterie de la place de la Comédie, en qualité de vendeuse.

            - «  Fonfon, il te faut sauter le pas, va acheter des chocolats !» se répète-t-il, depuis quelques jours.

 

Fonfon a soigné son apparence, le costume confectionné par son neveu Jeantou, le met en valeur. Comme d’habitude, il a soigné ses cheveux, ses mains ; les mains de mécanicien, il faut s’en occuper régulièrement… Le voilà devant la chocolaterie ; il en pousse la porte. Un coup d’œil circulaire et Fonfon croise instantanément le regard d’Yvonne. Les yeux bleus de la vendeuse s’illuminent mais elle est en train de servir un client. Les autres vendeuses sont, elles aussi, occupées. Fonfon reste en retrait.

Yvonne est vêtue d’une robe noire, d’un tablier de devant blanc orné de dentelles, ses cheveux sont cachés sous un élégant bonnet également en dentelle. Elle sert les clients avec des gants blancs.

Finalement, quelle chance ! Le hasard a fait que la première vendeuse disponible soit Yvonne. Elle lui aide à choisir les chocolats, le conseille longuement et lui glisse qu’elle finira son travail à 18 heures. Fonfon a compris, il sera là !!!

L’amoureux a le temps d’aller jusqu’au foyer y déposer ses chocolats devenus encombrants et le voilà, de nouveau, proche de la chocolaterie. Yvonne le rejoint ; visiblement, elle est heureuse de le voir. Il l’entraîne déguster un chocolat chaud et l’invite à dîner dans un bistrot bien caché au cœur de la ville. Il faut qu’ils fassent attention, le divorce arrive à son terme et Yvonne a peur d’être surveillée. La soirée est magique !!!

Le mécanicien des tramways bordelais, de retour au foyer, est sur un nuage, il croit même qu’il va s’envoler… Ils vont se revoir et ils se reverront régulièrement.

C’est elle, la première, qui l’a embrassé. Quel bonheur !

Il en a oublié la famille en Périgord. Heureusement, Eugène Delmas lui propose de faire une halte à Saint-Cyprien et de donner de ses nouvelles. Fonfon prépare une lettre touchante et parle d’Yvonne ; il a hâte de la présenter à la famille.

 

La visite d’Eugène laisse Emma et Arthur rêveurs.

 

L’usine de chaux des Tuilières a d’abord tourné au ralenti, à partir de septembre 1939, faute de bras et Louis Bouteil, le propriétaire, 70 ans, avait pris ses dispositions pour la fermer définitivement,

quand la démobilisation a eu lieu. Il n’a pas trouvé de repreneur car, hélas,  le coteau s’épuise. C’est un coup dur pour le travail à Saint-Cyprien et dans tout le canton. Arthur s’est donc retrouvé sans travail ; il a 56 ans. Emma et le fils Jeantou ne trouvent pas que ce soit une catastrophe, Arthur a bien le droit de se reposer, d’autant plus que les emplois pour un homme de son âge ne doivent pas courir les rues.

                                                                                                                                                        

Arthur aura assez de travail avec le jardin à rentabiliser au maximum. D’ailleurs, les jardins, parlons-en ! Jusqu’à l’arrivée des familles espagnoles qui ont racheté la grande maison de François Roux, jusqu’alors louée en plusieurs appartements, les jardins étaient séparés par de simples piquets espacés de 2 mètres en 2 mètres ; les Espagnols ont voulu que l’on rajoute un grillage. Côté Louis Rougier, le garde-champêtre, il n’y a que les fameux piquets. Avec Louis et Célestine, pas de problème, ils sont des voisins et bien plus, des amis sûrs.

Le jardinier, pour faire plaisir à son Emma, a préservé une partie du terrain, pour en faire un jardin d’agrément, au large de la tonnelle de vigne. Le reste est planté de pommes de terre, de carottes , de poireaux, enfin rien ne manquera pour faire la soupe. Si on a de la soupe, on est sauvé !!!

Une rangée de poiriers en espaliers sépare les deux jardins.

 

Arthur s’occupera avec attention de ses chers lapins. Les lapinières sont tout au fond contre la murette de séparation et, d’ailleurs, cela dit en passant, ils sont les lapins du patriarche qui ne cessent de se reproduire. Émile Soulétis, mandaté par le propriétaire, a construit un préau  au-dessus : tout est aux quatre vents. Un espace y a été réservé pour le bois car il faut bien penser à alimenter la cheminée de la cuisine et le poêle à bois du palier du 1er étage . Les poulettes peuvent venir s’y reposer dans la journée et, à une heure fixe, le soir, elles regagnent toutes seules le petit grenier au-dessus de la forge, accessible du jardin.

Arthur part, donc, tous les matins, chercher de l’herbe pour ses amis les lapins et les soigne avec amour.

Advienne que pourra ! Mais va-t-on pouvoir se débarrasser de ces Allemands ?…

 

Dans l’atelier de couture du maître-tailleur, les journées s’écoulent avec bonheur. Jeantou est content du travail de Clémence, son ouvrière. Comme dans de nombreux ateliers de couture, on chante en travaillant. Jeantou et Clémence n’ont pas le même répertoire ; celui de Jeantou fait rire la jeune employée et celui de cette dernière enchante Jeantou. Clémence a une tessiture de soprano et vous n’entendrez pas une note de côté. Emma, elle, travaille en bas dans la cuisine et son fils ne lui confie que du tissu léger, doublure par exemple, car sa cicatrice au sein gauche se fait encore ressentir. Quand la T.S.F. diffuse des chansons, la mère monte le son pour que Jeantou et Clémence en profitent.

Emma est triste de ne plus recevoir les longues lettres de son frère Henri. Les autorités allemandes ont fixé des règles concernant le courrier et les télécommunications à l’intérieur de la zone occupée et entre les deux zones. Les correspondances habituelles, cachetées sous enveloppe, entre zone occupée et zone non-occupée sont interdites. 

 

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Une variété de cartes postales sont créées pour que l’on puisse contrôler les correspondances : cartes postales familiales et cartes postales commerciales. Pour les correspondances entre les deux zones, le timbre représentant le Maréchal Pétain y est déjà préimprimé pour éviter que des renseignements puissent se cacher sous  un timbre collé. Par contre, les cartes postales utilisées à l’intérieur d’une même zone peuvent utiliser des timbres additionnels.

Les timbres fiscaux de légalisation de signature (certificats administratifs ou médicaux) apposés au départ  de la zone non-occupée par l’Administration (mairie, commissariat de police, notaires…) sont également admis en zone occupée.

 

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Il faut biffer les mentions inutiles, compléter et utiliser les deux lignes de texte, en restant « dans les clous ».

Dans un second temps, en mai 1941, les autorités de Vichy obtiennent le remplacement des cartes familiales par des cartes à sept lignes , sans aucune mention imprimée.

Puis, à partir du 1er août 1941, les cartes postales ordinaires, sans limitation du nombre de lignes d’écritures, sont remises en service jusqu’à mars 1943, c’est-à-dire plusieurs mois après le début de

l’occupation de la zone libre par les Allemands, date à laquelle les relations postales par lettres sont rétablies normalement sur la totalité du territoire.

 

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Pour les cartes postales commerciales, la vérification de l’activité commerciale de l’expéditeur est faite par les Chambres de Commerce qui apposent leur griffe au départ. Cette pratique disparaîtra après la suppression administrative de la ligne de démarcation en mars 1943.

 

Les cartes postales ordinaires peuvent être utilisées à des fins commerciales, ce qui réduit les délais dus au transit par les Chambres de Commerce. Dans ce cas, elles sont certifiées par le commissariat de Police ou la gendarmerie du lieu.

 

 

 

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Quel bazar ! Ils ont mis en place une véritable usine à gaz. Mais, le plus triste est que nos libertés se sont envolées. Nous sommes tous prisonniers de l’occupant allemand.

 

Il faut garder l’espoir ! Oui. L’espoir.

 

 

Françoise Maraval

 

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L'auteure a fait recomposer les arbres généalogiques qui vont être mis en place dès réception.

 

 

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09/02/2023
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