Terre de l'homme

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Interview d'Emmanuel Houdré, président de l'Aéroclub de Belvès

Emmanuel Houdré

 

Emmanuel Houdré

 

Qui est Emmanuel Houdré.

 

 

Ce solide quadragénaire, ô combien sympathique, est devenu, depuis ce printemps, le président de l'Aéroclub de Belvès qui, en lisière de Bessède, est, depuis bien des décennies, le repère des passionnés de l'aéronautique de loisir mais, comme il le dit fort justement, pas seulement. Après une excellente carrière militaire, cet officier supérieur de l'Armée de l'Air a planté sa tente dans la vallée de la Cuze en aval de Sarlat et, désormais, poursuit un second cursus.

 

Il a fait l'honneur à "Terre de l'homme" de répondre à huit questions concernant le passage de flamme que son ami Daniel Blanchez lui a remis en avril. Nous le rencontrerons toujours avec plaisir. Il sait combien sa mission est précieuse dans ce Périgord, pour l'heure, à l'abri de violents chocs de cultures. 

 

 

Huit questions posées à Emmanuel Houdré, président de l'Aéroclub belvésois

 

 

  1. Vous voilà à la tête de l'AC de Belvès, depuis ce printemps. Cet A.C, dont les racines sont maintenant séculaires, comptabilise bien des grands moments de l'aéronautique, ici en lisière de Bessède, dont un fut tragique pour Alain Valleron,  son président, qui, à bord d'un avion Cessna,  s'est écrasé près de l'aérodrome, le 23 juillet 2018. Fort heureusement, l'historicité de l'A.C, riche en péripéties,  est une longue succession d'évolutions aériennes dans le ciel saint-parducien. Votre prise de présidence, pour les amis de l'A.C, laisse présager une parfaite symbiose des  forces vives qui animent ce lieu. Dites-nous quelles sont vos ambitions et espérances pour l'avenir de l'A.C. belvésois.

 

Merci de rappeler ici la mémoire d’Alain Valleron. C’est lui qui m’avait accueilli au Club en 2017 lorsque je me suis présenté comme instructeur de vol, ayant pris à peine ma retraite d’Officier d’active de l’Armée de l’Air après 27 ans de service où j’ai été pilote de chasse sur Mirage 2000D, instructeur sur Alpha Jet, Hawk, Tucano.

Mon ambition est de redonner une impulsion au Club pour que celui-ci continue à être une pépinière de pilotes, qu’ils soient de loisir ou bien professionnels, militaires ou civils. En lien avec les collèges de Belvès et St Cyprien et toujours dans la même optique, nous avons monté un atelier BIA (Brevet d’Initiation Aéronautique) pour les élèves de troisième. L’espoir est que les élèves puissent concrétiser leur savoir théorique en s’initiant au pilotage au sein du Club. Le rafraîchissement des locaux, l’installation de nouveaux systèmes modernes sur les avions, sont également des facteurs incitatifs pour enjoindre nos visiteurs à se sentir bien au Club, y rester et débuter leur progression en vol !

 

  1. Les catastrophes immanentes au réchauffement de la planète, à l'effet de serre, aux bruits pénibles, parfois effrayants au bord des aéroports importants, ont, d'une certaine manière, émoussé la séduction  qui, aux grandes heures de l'avancée de l'aéronautique, gagnait le  grand public. L'aviation, avec  ses nuisances, donne à certains esprits critiques, une ouverture pour avancer à l'envi l'empreinte carbone et l'effet de serre. Il paraît hautement probable que l'aviation de loisir fasse de bien moindres ravages sur nos réserves que certaines manifestations sportives… dont le Tour de France cycliste. Pouvez-vous soutenir, combien il faut relativiser et combien la sécurité aérienne est, aujourd'hui, entre de bonnes mains.

 

Il faut effectivement remettre les choses dans leur contexte : sur la sécurité, rapportée au nombre de mouvements et de personnes transportées, l’aviation reste la moins dangereuse. Ensuite, concernant la pollution, les ferrys de croisières et de transport de marchandises sont les principaux pollueurs, l’aviation arrive bien loin derrière. Si l’on veut attaquer l’aviation de loisir, à ce moment-là, il faut attaquer les motos, enduros, voitures de rallye. Il faut arrêter l’aviation – « bashing » qui est un phénomène de mode – politique – sans fondement réel.

Concernant la sécurité, tout est mis en œuvre pour l’assurer, y compris dans notre aéroclub, où dès la formation initiale, les principes élémentaires de sécurité des vols sont enseignés. Malheureusement, le risque « 0 » n’existe pas : hormis rester allongé sur son lit, chaque moyen usant de cinématique engendre un risque potentiel, l’aviation n’y échappe pas, et chaque accident d’avion fait plus la une des journaux qu’un cycliste ou un piéton renversé… toujours selon cette stratégie d’  « aviation -  bashing ».

 

  1. En été, nos concitoyens se rendent compte combien il est nécessaire d'avoir recours aux moyens aériens pour faire face aux incendies de forêt qui sont capables d'atteindre des points stratégiques et  le tissu urbain. Ce fut le cas, avant-hier, dans les Landes de Gascogne et, hier, à portée de voix de l'Acropole. Pensez-vous que l'avenir de la surveillance des zones sensibles ira, avec davantage de moyens, en s'améliorant, de manière à tutoyer le niveau 0 des risques ?

 

Il faut effectivement assurer un maillage de plus en plus serré des zones à risque, que ce soit par des moyens terrestres mais aussi de guet à vue aérien , piloté ou télé-piloté. Le niveau 0 des risques n’existe pas ; ce qui compte, c’est la précocité de la détection et la rapidité de l’intervention. D’où la nécessité d’un investissement en hommes et moyens, mais je doute que la situation économique actuelle le permette.

 

  1. Avez-vous un regard empreint de nostalgie pour la tentative de "gagner" les airs avec des engins du type Zeppelin  et pensez-vous que les avions électriques auront pignon sur rue au cours de ce siècle ?

 

Au risque de vous décevoir, je ne le pense pas. Les dirigeables sont trop tributaires des conditions météorologiques. Quant aux avions électriques, le problème n°1 en conception d’avion reste la masse embarquée : à moins de concevoir des moteurs à hydrogène réduits et sécurisés, ou des batteries au poids restreint, elles-aussi sûres, en l’état actuel, les avions « électriques » n’offrent pas une autonomie suffisante ni une capacité d’emport significative. De grands progrès restent à fournir.

 

  1. Les héros du ciel saint parducien, sans contestation, ont été les hommes de la Patrouille de France. Leurs sillonnées dans les airs vont presque jusqu'à nous faire oublier combien ces engins, pour maintenir notre quiétude, peuvent être terrifiants. Ces vols de la Patrouille de France, en laissant dans le ciel une empreinte tricolore, impressionnent, font chaud à nos esprits cocardiers et flattent notre culture. D'aucuns doutent et pensent qu'il s'agit de dépenses effrénées qui hypothèquent le budget. Pensez-vous que ces démonstrations de maîtrise aérienne soient une nécessité pour s'affirmer ?

 

La question est plutôt : quel est le prix du rêve ? On peut, effectivement, à force d’arguments budgétaires, supprimer une à une toute manifestation non bénéfique au budget de l’Etat. A ce moment-là, on supprime aussi les cérémonies et spectacles divers comme les JO, les feux d’artifices, etc.

Supprimez le rêve, vous aurez une société de névrosés…

 

  1. L'AC de Belvès, avec ses décennies d'existence, a vu passer bien des figures dans les airs. Les plus anciens se rappellent d'Henry Laforêt, alors ministre de l'air qui, en 1957, présida le meeting,  de Colette Duval qui honora  notre relief bessédois en 1958 et de bien d'autres. Beaucoup de personnages, connus ou moins connus, se sont émerveillés au Camp de César. Les forces vives de l'AC de Belvès se souviendront longtemps de l'appui aussi discret qu'efficace de Jean-François Roussely ou de l'assiduité pragmatique de Denis-Pierre Betge, soutiens de l'A.C. qui nous ont quittés, l'an dernier. Au cours de votre présidence, avez-vous l'intention, dans une mission de communication et de prestige, d'inviter des personnages fortement associés à la vie médiatique ou, plus humblement, à privilégier les acteurs de terrain de la vie aérienne ?

 

C’est effectivement un défi pour moi ; car, n’étant pas Périgourdin d’origine mais plutôt de cœur, mais aussi Sarladais de résidence et pas Belvésois, je dois compter sur mon fidèle vice-président Daniel Blanchez pour assurer ce portage. Mais vous avez raison de souligner l’intérêt d’associer des personnalités médiatiques, si tant est qu’elles acceptent d’être mises en avant alors qu’elles viennent en général en Périgord pour se ressourcer !

 

  1. Daniel Blanchez, votre prédécesseur, jouit d'une popularité incontestable et incontestée dans son bassin de vie. Il a su être un merveilleux enchanteur en emmenant des enfants défavorisés dans les airs ou de respectables séniors, proches de l'ultime échéance, surprendre du ciel les collines et les vallées. Pensez-vous que cette attention, aussi délicate que coûteuse, qui l'honore, est à promouvoir répétitivement ?

 

Un aéroclub n’est pas une école lucrative de pilotage : c’est un lieu qui permet de faire partager un rêve, une passion, et Daniel le fait encore à merveille, merci à lui !

J’espère que le club gardera ce même état d’esprit. Les vols découvertes, en langage profane, les « baptêmes de l’Air », sont un excellent moyen de faire connaissance avec la troisième dimension, et de faire naître l’amour du vol et du pilotage. Notre club, affilié à la Fédération Française d’Aéronautique (FFA), est agréé par la Direction Générale de l’Aviation Civile pour former au pilotage avion (PPL), nous pouvons également former au pilotage ULM. Que ce soit pour un vol découverte ou d’initiation au pilotage, nos portes sont grandes ouvertes. Vous aurez plus de renseignements sur notre site http://www.aeroclub-belves.fr

Même si une formation au pilotage a un coût certain, soyez assurés que ces coûts sont calculés au plus juste. Pour les jeunes de moins de 21 ans, détenteurs du BIA, la FFA octroie des bourses pour l’aide à la formation.

 

Et un aéroclub n’est pas constitué que d’un président et d’un vice-président, c’est toute une équipe soudée de bénévoles, sur lesquels nous nous appuyons pour faire tourner la boutique. Qu’ils soient ici remerciés pour leur engagement continu et discret !

 

  1. Le sud du Périgord avec deux aérodromes  complémentaires offre une double ressource aéronautique à notre vieux socle. La proximité de Sarlat favorise plutôt Domme, cependant le rayonnement de l'A.C. de Belvès, lui, est continu. Pensez-vous que l'A.C. que vous présidez, dispose d'atouts encore en jachère ?

 

Vous parlez à juste titre de double ressource : je ne vois pas la proximité de Domme comme un antagonisme ou une rivalité. A une époque où le tissu associatif a tendance à s’amoindrir, je pense qu’il faut effectivement rechercher des synergies entre nos deux terrains. Quant au Camp de César (ndlr nom du site de Belvès), il n’y a pas que l’aéroclub, vous avez également une école de drones et d’ULM (ULM24), un centre de maintenance aéronautique (Air Périgord) et enfin une école de formation au pilotage professionnel (Planes MD). Donc, là aussi, au niveau local, des synergies à promouvoir.

 

Interview accordée par Emmanuel Houdré, président de l'A.C. de Belvès à "Terre de l'homme",  réponses recueillies par Pierre Fabre

 

 

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Devant le hangar de l'Aéroclub de Belvès

Photo © A.C de Belvès



22/08/2024
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