Terre de l'homme

Terre de l'homme

De belles gens. Suite n° 15. Saga de Françoise Maraval

 

 

 

 

De belles gens

 

Chapitre XV

 

Patience et longueur de temps

 

                                

 

On ne se remet jamais de la mort d’un enfant. Oui, André était resté un enfant pour ses père et mère, pour son grand frère et sa grande sœur. Il aurait eu 20 ans le 19 mai 1915. Le plus dévasté par ce drame, était son père Jean Maraval. Il disait qu’il fallait tourner la page et penser aux vivants, mais lui-même n’y parvenait pas. Il avait repris son travail, le lendemain de la mauvaise nouvelle et il a senti que son équipe de cantonniers comprenait sa douleur et partageait sa souffrance. En peu de temps, il s’était légèrement voûté et c’est sa voix qui surprenait tout le monde. Elle était large, grave et tonitruante et maintenant sa tessiture allait vers les aigus : comme si ses cordes vocales  s’étaient rétrécies et crispées. De temps en temps, un petit miaulement  remontait de son torse  montrant que son asthme était toujours là. De tous côtés, Jean Maraval était bien entouré.

 

Emma avait écrit une lettre bouleversante à Arthur sur la mort de son frère et sur les répercussions dans la famille. M. le maire venait rendre visite, comme il le faisait régulièrement dans les familles endeuillées. André a une sépulture provisoire, bien identifiée en attendant la mise en place de cimetières militaires dont le lieu sera indiqué, la guerre finie. La famille aura, aussi, la possibilité de récupérer le corps : Jean Maraval avait du temps devant lui pour prendre sa décision.

 

 

Peu de temps après l’annonce du décès d’André, le facteur a déposé une lettre adressée à Monsieur Jean Maraval. Bouleversé, il en a fait la lecture à la famille.

 

                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                

 

                                                           Monsieur Maraval,

 

 

Vous ne me connaissez pas, mais moi j’ai beaucoup entendu parler de vous et de votre famille. Mon nom est Ernest Magot, j’étais un compagnon de régiment de votre défunt fils André. Nous étions ensemble au 123ème RI de La Rochelle et plus tard au 418ème RI. Tout de suite, nous nous sommes bien entendus. Je lui parlais de ma famille et de ma vie avant la guerre : il a fait de même. Il me parlait tellement bien de sa famille que je vous connais tous et que je vous aime autant qu’il vous aimait.  

 D’abord vous M. Maraval, le père choyé mais attentif au confort de sa famille, la douce mère Maria, la noble Alice, Arthur, le modèle de la famille, avec son épouse Emma et le petit Jean et

enfin le jeune Fonfon. Il me parlait aussi des frères d’Emma, Marcel le maréchal-ferrant et Henri, le Parisien. Il me parlait de son village, de son apprentissage de serrurier, de son implication dans les jeux de rampeau, de la pêche à Roclong. Ah ! de la pêche…

 

J’avais prévu de lui présenter ma sœur Lucie. André était impatient de la rencontrer. Je trouve qu’ils auraient fait un beau couple. Jusqu’au bout, nous nous sommes accrochés à nos familles, il a été avec vous jusqu’à son dernier souffle. Ensemble, à la bataille d’Ypres, nous avons affronté les gaz toxiques et les yeux et la gorge brûlés, il ne restait plus qu’à nous tirer dessus. Nous sommes tombés ensemble. J’ai appris son décès à l’hôpital anglais d’Hoogstaede. Notre amitié a été de courte durée mais, pour moi, elle va durer éternellement. J’imagine que l’épreuve doit être très douloureuse pour vous tous mais sachez que votre fils vous aimait tous énormément.

 

Je rentre au pays, à Meschers-sur-Gironde, rejoindre ma famille de pêcheurs. Je remercie le Sous-Lieutenant Mercier d’avoir tenu la plume car, malheureusement, je n’ai plus de bras droit. Il a été emporté par un obus pendant cette fameuse bataille. Heureusement pour moi, la vue est revenue.

 

                                                           Bien à vous

 

                                                           Ernest Magot  le 20 mai 1915

 

 

Sans titre 1

 

                                                                                                                                              

La lecture a été laborieuse, Jean Maraval avait besoin de reprendre sa respiration tant il était envahi par l’émotion. La lettre a été lue et relue plusieurs fois et plus que de raison. Tout le monde pleurait en silence.

 

De son côté, Marcel avait rencontré des responsables de la Croix-Rouge, pendant ses divers déplacements, afin d’engager des recherches concernant son frère Henri. Les Autorités militaires avaient dû  signaler sa disparition à Bordeaux, à l’ancien domicile d’Aline, la mère d’Henri.

 

Au pied de Montmartre, Yvonne a trouvé du travail chez M. Dubernard, greffier, et voisin le plus proche des Lamaurelle. Elle y avait quelques heures de ménage par semaine. Ses petits revenus lui permettaient de piocher un peu moins dans ses économies.

 

Achille et Henri L. donnaient de leurs nouvelles, régulièrement, et pour le moment, ils allaient bien.

                                                                                                                                                        

Le 26 avril 1915, Achille est passé au 105e régiment d’infanterie :

                                                                                                                                                        

            - Je suis dans le secteur d’Erches. Nous montons la garde devant l’ennemi, on se résigne à être enterrés ; nous ne circulons que dans les boyaux. Nous sommes isolés du reste du monde.

Périodiquement par bataillon, nous avons droit à quelques jours de repos dans des villages où il ne reste plus que quelques  habitants. Le service du guetteur est pénible : surveiller l’ennemi sans trêve,  jour et nuit, en risquant la balle du tireur adverse ou l’éclat d’obus qui ne pardonne pas.

 

 

Sans titre 2

 

 

 Le guetteur

 

   

 

                                                                                                                                                       

Les mines-torpilles allemandes lancées par les mortiers de tranchées, les shrapnels – obus remplis de balles ou de fragments de métaux- frappent partout : dans les tranchées, au travail, au repos dans de mauvais abris. Aucun moment de détente, aucune sécurité nulle part. Nous supportons vaillamment la fatigue et le danger.

 

 

 

Sans titre 3

 

 

 

Avant de décrire sa vie sur le front, Achille a hésité. Il ne voulait pas effrayer sa famille mais le besoin de témoigner était plus fort.

 

Depuis quelques mois, Fonfon, lui aussi, du haut de ses treize ans, lisait les journaux, le soir, en revenant de chez Dazinière, le réparateur et marchand de cycles.. Il s’était acheté un cahier d’écolier et il y notait ce qui lui paraissait important et faisait du découpage d’articles.

 

- 15 avril 1915 : dans la région du lac Van, région que les Russes viennent d’évacuer, les Turcs ravagent 80 villages et massacrent 24 000 Arméniens.

 

- 6 mai 1915 : début de l’offensive française en Artois dans la région d’Arras. Entre Notre-Dame de Lorette et Neuville-St-Waast, le 33ème corps d’Armée commandé par le général Pétain réussit une percée, de 6 km, sur le front allemand.

 

- 7 mai 1915 : un sous-marin allemand torpille le transatlantique britannique « Lusitania ». Parmi les 1200 disparus, 118 sont citoyens américains. Le Président Wilson, président des Etats-Unis d’Amérique, insiste pour que Berlin reconnaisse avoir violé le Droit International et réclame des dédommagements. L’Allemagne oppose un refus, le 29.

 

- 16 mai 1915 : en Artois, les Français et les Anglo-Canadiens déclenchent une offensive autour de Neuville : 300 000 obus sont tirés en 24 heures,  par les Alliés.

 

- 17 mai 1915 : en Belgique, les Allemands sont contraints de repasser le canal de l’Yser.

 

-  23 mai 1915 : l’Italie, neutre jusqu’à ce jour, déclare la guerre à l’Autriche-Hongrie.

                                              

- 24 mai 1915 : les Alliés envoient une note de protestation au gouvernement ottoman, à propos des massacres des Arméniens.

Les Ottomans déportent de prétendus révolutionnaires arméniens de la région de Van, au sud de Mossoul. 

- 25 mai 1915 : Georges Clémenceau salue dans le quotidien « l’Homme enchaîné », l’entrée en guerre de l’Italie.

                                                                                                                                                         109

- 26 mai 1915 : côté Ottoman : arrestations et massacres à coups de hache de tous les Arméniens valides du district de Sivas. Les femmes molestées par la police et par les Kurdes, se réfugient en convoi vers le sud. Les districts de Bitlis, Erzeroum et Trébizonde sont vidés de toute la population arménienne qui est tuée ou déportée.

 

- 17 juin 1915 : le Ministre de la Guerre, Alexandre Millerand, annonce qu’en raison du nombre élevé de blessures à la tête dont souffrent les soldats, un casque en métal leur sera désormais fourni.

Parallèlement,  Apollinaire fait publier sur le front, une plaquette de vers intitulée « Case d’Armons ».

 

-  25 juin 1915 : le ministre des Finances, Alexandre Ribot, lance un appel aux particuliers pour qu’ils « fournissent leur appoint à l’œuvre d’héroïsme » en confiant à l’État, or et capitaux.

Résultat : 222 millions en or ont été versés par des particuliers à la Banque de France.

                                                                                                                                                        

- 1er juillet 1915 : vote à la chambre d’une loi autorisant les femmes mariées à exercer la puissance paternelle. Promulgation de cette loi, le 4.

« Fonfon a pensé que sa belle-sœur Emma n’avait pas attendu cette autorisation. Pour qui prend-on les femmes ? »

 

- 14 juillet 1915 : transfert des cendres de Rouget de Lisle aux Invalides, après une cérémonie officielle sous l’Arc de Triomphe de l’Étoile.

 

- 18 juillet 1915 : les premiers permissionnaires arrivent à Paris, à la suite de la décision gouvernementale qui accorde, par roulement, des permissions de six jours à tous les combattants.

 

Les familles sont folles de joie. Enfin, nous allons les revoir…

 

- 19 août 1915 : le chef religieux des Arméniens de Bulgarie déclare que  835 600 Arméniens ont été tués ou déportés depuis le début des déportations.

 

Route du Bugue, il y a du nouveau. Jeantou junior a la jambe gauche dans le plâtre. En jouant à Robin des Bois, avec les copains, à la « combe de Guirou », le jeune Maraval, installé dans un arbre, sur une branche élevée, a surestimé ses performances sportives. Il s’est jeté dans le vide et s’est mal réceptionné. Le cri qu’il a poussé a  ameuté Jojo Castagnier travaillant dans son pré voisin. Le brave homme a emmené le petit Maraval sur sa charrette, route du Bugue, puis chez le Docteur Costes avec Emma à ses côtés.

Jeantou est resté à l’hôpital de Sarlat, quelques jours ; et, de retour, les vacances ont pris une autre tournure. En l’absence d’Emma, il a été surveillé par marraine qui a offert des jeux de société, des cahiers de dessin et des crayons de couleurs, des planches à découper. Maria est venue de temps en temps et puis il a fallu lui faire confiance. Au bout de trois semaines, il a eu des béquilles pour se déplacer chez pépé Jean et, ensuite, route de Sinzelle chez Angélique. Il y a fait parler les deux perroquets « Athos et Portos » :

 

            - Mais qui c’est !

            - C’est Jeantou !

 

Il a confié à marraine qu’il voulait être enfant de chœur. Sachant qu’elle allait à la messe, tous les dimanches, il pensait qu’elle pouvait intercéder en sa faveur auprès de M. le curé. Mais quand il a eu compris qu’il fallait passer par la case « catéchisme », il a dit qu’il allait revoir sa copie.

Pendant toute la période de convalescence, il a mangé beaucoup de pâtisseries, dégusté des « lait de poule » pour fortifier ses os et, ainsi, il a pris quelques kilos. Sa silhouette changeait, petit à petit.

 

                                                                                                                                                        

Quarante jours avec un plâtre, c’est long quand on a 7 ans...Pour la rentrée scolaire, il avait abandonné les béquilles, il était en forme.

 

Emma a reçu de la mairie, un avis concernant le soldat de 2ème classe Henri Destal, suite à la demande de renseignements déposée par Marcel, auprès de la Croix Rouge.

C’est bien ce que nous avions compris, Henri a disparu le 22 août 1914, vraisemblablement à la Bataille de Charleroi. Mais où est-il ? Tout le monde l’espère vivant. Prisonnier en Allemagne ? Pourquoi n’écrit-il pas ? Est-il aveugle ? Les commentaires fusent comme jamais ils n’ont fusé.

Maintenant, il faut demander à la Croix-Rouge d’engager des recherches dans les camps de prisonniers allemands. Marcel va faire le nécessaire.

Aline se meurt dans le haut de la ville. Si avant de mourir, elle savait que son fils est vivant, elle partirait plus sereinement.

 

 

 

Sans titre 4

 

 

                                                                                            

Depuis peu de temps, l’avenue de la gare est l’objet de toutes les attentions : les premiers permissionnaires arrivent enfin. Cette avenue est bordée de jardins et les jardiniers, bien qu’affairés, surveillent la voie, pour ne pas manquer de saluer, d’ovationner les hommes du pays qui  défendent la patrie. C’est ainsi qu’Henri Lamaurelle est arrivé début octobre. Les pères de familles nombreuses sont prioritaires et Henri, avec trois enfants, est bien placé. Angèle est descendue de                                                                                                                                               

Montmartre, pour  le rejoindre avec les petites Henriette et Jeanne, pendant que le reste de la famille attend patiemment.

                                                                                                                                                        

Yvonne a préparé un bon repas pour remettre sur pied, le héros du jour. Six jours à Saint-Cyprien, c’est formidable !

 

Une étrange lettre arrive chez Maraval, adressée à « Emma et Marcel Destal ». Emma n’en croit pas ses yeux : c’est l’écriture d’Henri. Elle voudrait crier, pleurer de joie, elle ne peut pas.

 

 

                                               Bien chère Emma, bien cher Marcel,

 

Vous devez être étonnés d’avoir enfin de mes nouvelles. Voilà !!! 

                                                                                                                                                        

 Le 22 août 1914, j’ai participé à la bataille de Charleroi avec mon bataillon, comme prévu ; j’ai été terrassé par un obus et j’ai perdu connaissance. Je me suis retrouvé à l’hôpital militaire d’Aix-la- Chapelle où je suis toujours. J’ai l’épaule gauche sens dessus dessous. L’obus a mis en bouillie, os, muscles, nerfs, tendons, ligaments et une première opération a permis de rafistoler tout cela. Je dois être opéré une deuxième fois ; et, cela, je le dois à un jeune chirurgien allemand avec qui j’ai pu sympathiser : il parle français car sa mère est française. Il va essayer de remettre en bon ordre, ce qui reste de ma clavicule, de mon humérus, de mon omoplate et de l’acromion. Mon épaule va être réduite mais elle devrait fonctionner. J’ai reçu plusieurs éclats d’obus dont un dans le voisinage de l’œil gauche ; ils me les ont retirés et de cet œil, je ne vois que des ombres. Ici, il y a tellement d’éclopés, de grands blessés que je n’ai pas le droit de me plaindre.

 

Vous devez vous demander pourquoi je n’écrivais pas puisque j’ai un bras droit. Je suis ressorti de la bataille, physiquement diminué mais psychiquement traumatisé. Je me souvenais de notre nom, de vos prénoms, je nous revoyais enfants quand nous étions à « la gravette », mais impossible de savoir où se trouve « la gravette ». Dans quel village ? Le jeune chirurgien m’a apporté une carte des Charentes- sa mère est originaire de Saintes- que j’ai épluchée mais aucune ville, aucun village ne me parlait. Pourquoi chercher dans les Charentes ? Ma caserne de recrutement étant La Rochelle, je pouvais être  du coin ?

 

   Puis, Pichelieu vient d’ arriver à l’hôpital. Il m’a reconnu… Il était avec moi au 123ème RI de La Rochelle ; nous avions bien sympathisé. Il m’a dit :

- Toi, Destal, tu es de la Dordogne, de Saint-Cyprien, tu nous en as tellement parlé. Tes dessins des bords de la rivière, tes peupliers au fusain.

 

« Que la lumière soit et la lumière fut ».

 Enfin, je sais où vous êtes. Emma, donne-moi des nouvelles de la famille, des Maraval : je veux tout savoir.. Comment vont maman, les grands-parents François et Marie, Arthur et le petit Jean, Marcel, mon cher Marcel, tout le monde, tout le monde. Et toi, ma chère sœur, comment vas-tu ?

 

                                               Avec toute mon affection

 

                                               Henri Destal             le 28 septembre à Aix-la-Chapelle

 

ps : je suis à l’hôpital pour un bon mois encore et peut-être plus. Après, ils vont m’affecter dans un camp de prisonniers.

 

 

                                                                                                                                                         

Emma a pris le temps de relire deux fois la lettre, puis l’ayant mise dans son sac à main, elle est montée à l’entrepôt des tabacs. Sa mère a accueilli la nouvelle avec une douce émotion. Son visage fatigué s’est animé d’un tendre sourire, elle a fermé les yeux comme pour s’imprégner de la réalité. Maintenant,  elle pouvait mourir en paix…

A « la gravette », François et Marie Borde ont pleuré de joie.                                                        

Il fallait qu’Emma annonce l’arrivée de cette lettre partout, chez ses beaux-parents, chez les voisins. Elle savait que la nouvelle allait vite faire le tour du village. Maître Podevin, le premier employeur d’Henri, est venu en personne pour en savoir un peu plus. Emma s’est senti revivre. Il fallait vite écrire à Marcel et à Arthur et répondre à Henri. Quel bonheur ! Merci mon Dieu.

 

A partir de ce jour, Aline a refusé de s’alimenter. Elle est décédée le 27 octobre 1915 et enterrée, deux jours plus tard, en grande pompe. Le hasard des permissions avait fait qu’Arthur était au pays. Les parents de la défunte, François et Marie, bien que très affaiblis, avaient voulu être présents. Le jeune Jeantou, encadré par ses père et mère, ouvre de grands yeux. Il est à l’école de la vie et dans le monde des adultes, c’est pas marrant. Le garde-champêtre, le papa de Nini, porte une livrée et un bicorne et joue son rôle avec beaucoup de dignité.

  1. Rougier, aidé par un homme en noir, a mis le cercueil de la petite mémé dans une voiture tirée par des chevaux : c’est un corbillard. Emma a préparé Jeantou et n’a pas voulu que son fils soit confronté à un premier enterrement, sans lui avoir donné un minimum d’informations. Ce corbillard est décoré de tentures noires et argent, rehaussé de plumets. Les chevaux, étrillés, sont caparaçonnés, eux aussi en noir et argent. Après la cérémonie religieuse, un long cortège noir suit M. le curé, les enfants-de-chœur, le corbillard, la famille et les amis et se dirige vers le cimetière. Le cercueil de mémé est installé dans un tombeau, le tombeau des Borde, et tous les gens défilent devant la famille pour leur présenter les condoléances habituelles.

 

Comme il est convenu, ceux qui le veulent, peuvent se retrouver au bistrot de la place du clocher où une copieuse collation leur sera servie. Des hommes ont pris de l’avance en matière de consommation car beaucoup ne veulent pas rentrer dans l’église et il faut bien occuper le temps...

La journée a été éprouvante ; et, fatigué, chacun rentre chez soi.

 

Oui ! Arthur est au pays. Emma avait revu son homme chéri et ils s’étaient retrouvés, plusieurs fois, à Limoges, pendant les jours de repos d’Arthur. Emma avait choisi un hôtel familial confortable et les ébats amoureux d’autrefois étaient revenus naturellement. Jeantou se demandait pourquoi il était écarté de ces rencontres. On prétextait la trop grande fatigue du soldat.

 

Dans sa lettre de la fin octobre, Achille annonce qu’il est passé dans les Troupes coloniales, au 2ème RIC. Il est basé dans l’Oise. Au fur et à mesure des pertes en hommes, les régiments sont réorganisés.

Le 25 octobre 1915, le 2ème RIC est passé en revue à Bailleul-le-Sec par le Roi d’Angleterre, le Président de la République et le Généralissime. Ce régiment a reçu en renfort 14 000 hommes et, par la suite, il est cité à l’ordre de l’Armée par le général, commandant de la IVe Armée. 

 

 

 

Sans titre 5

 

 

 

  le généralissime Joffre

 

  le général Fernand de Langle de Cary

  commandant la IVe Armée, de face.

           

                                                                                                                                                        

Une autre lettre arrive à la mi-novembre : elle annonce une permission. Achille sera à Saint-Cyprien, aux alentours du 18 novembre. Anastasie demande à sa fille Angèle de lui réserver un lit d’appoint chez elle, pendant le séjour d’Achille. Elle veut ainsi laisser aux jeunes mariés, l’entière disposition du petit appartement qu’elle occupe, en temps normal, avec sa bru ; elle s’y rendra seulement entretenir le feu, le fils doit y trouver confort et chaleur.

 

Elles s’étaient rendues à la gare, plusieurs fois, depuis quelques jours, des soldats étaient descendus du train mais Achille n’y était pas. Il est arrivé un soir, tard. Il faisait pitié à voir tant il était amaigri : on peut dire qu’il était décharné. Ses yeux exorbités, dévoilaient une grande fatigue et ses pommettes saillantes faisaient penser à de la malnutrition. A 23 ans, il avait l’air d’en avoir 40. Après avoir embrassé tout le monde, il a souhaité aller dormir.

Il n’a pas pu faire honneur au déjeuner du lendemain car il était encore prisonnier des bras de Morphée. C’est le soir que le repas préparé par les femmes, a été dégusté. M. Dubernard avait fait cadeau d’une bouteille de Bordeaux. Ils ont parlé longtemps, tard dans la nuit.

La pendule a réveillé les amoureux par une triomphale série de dix coups, ils se sont enfin retrouvés et l’instant tant attendu est arrivé. Achille a honoré son épouse, plusieurs fois dans la matinée ; et, les petits moineaux virevoltant près du fenestrou et cognant aux carreaux, ont été témoins de leurs ébats. Les six jours de permission sont trop vite passés mais le réconfort apporté a été immense et la promesse d’une vie remplie d’amour et de respect, a été confirmée.

 

                        Que l’amour, le véritable amour,

                        nous habite toujours.

                                                                                                                                                        

                        Que les baisers, les caresses,

                        soient l’aube de promesses.

 

                        Que de purs sentiments,

                        éclairent les amants.

 

                        Que les engagements,

                        résonnent à chaque instant.

 

                        L’amour aplanit les difficultés de la vie.

                         Le chemin serpente doucement à l’infini.

 

                        Que l’amour, le véritable amour,

                        nous accompagne toujours.

                        (vers libres).

 

Cependant,  Anastasie a voulu donner un conseil à son fils.

            - Attention Achille ! Une passion brûlante peut tuer l’amour. Pour entretenir sa flamme, il faut patience, attention et délicatesse.

 

L’année 1915 touche à sa fin. Les chefs de gouvernement vont-ils se rendre compte de leur incommensurable bêtise ? Oui ? Non ? Mais comment vont-ils faire : leurs yeux ne voient plus, leurs oreilles n’entendent plus. Il faut arrêter ce carnage. Le sang n’a que trop coulé.

 

 

 

9

 

 

 

 

___________________________

 

 

La généalogie de la rédactrice

 

Arbre n° 2

 

Arbre n° 1

 

 

 

 

Demain : Regard sur une image qui a 60 ans. Il faudra, ou il faudrait, reconnaître les cinq personnages... et le lieu.

Pour laisser à toutes et à tous, le temps de réagir, il vous sera demandé de répondre 36 heures après. 

 

La première bonne réponse totale sera une promenade pédestre sur les sentes de la Bessède... lol !

 

 

 

 

 



18/02/2022
12 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 199 autres membres