Terre de l'homme

Encore une fois, merci à Bruno de nous offrir, à la force de sa pagaie et à la mesure de son talent, des paysages dont on ne se lasse pas.

L'eau : voilà le thème récurrent de notre blog et ce n'est que justice.

Notre département s'y prêtant, nous sommes nombreux à passer ou à avoir passé une bonne partie de notre jeunesse au bord de l'eau ou sur l'eau. Bruno est de ceux-là, que ce soit sur les lagons bleus du Pacifique ou dans le cadre plus traditionnel de nos rivières et ruisseaux. Dans tous les cas, sa passion ne saurait faire l'économie d'un savant équilibre sur sa planche, équilibre dont faisaient preuve nos anciens lorsqu'ils traversaient l'eau, été comme hiver, en crue ou à l'étiage, debout à l'arrière du bateau à fond plat qu'ils poussaient à l'aide d'une grande gaffe à la fois flexible et solide.

Ces barques, nécessaires à l'époque où il n' y avait pas de pont pour passer d'une rive à l'autre, servaient à transporter de petits animaux, les productions des champs  ou à tirer le sable.

Ces bateaux de bois à fond plat sont en train de disparaître de nos rivières ; toutefois, ils subsistent encore dans les marais poitevins et vendéens et font la joie des touristes.

Paddle ou barque à l'ancienne, la position debout et le maniement de la pagaie ou de la gaffe nécessitaient un très bon équilibre, surtout en hautes eaux.

                                                                    La rivière Cam

J'ai toujours su ramer mais j'avais de la peine à manier la gaffe, ce qui me valut une petite frayeur à Cambridge où la rivière Cam, paisible, courant nul, enserre l'université. Je louai un bateau mais je poussai la gaffe avec une telle force qu'elle resta enfoncée dans la vase et que je faillis rester suspendu, le bateau se déroba sous mes pas emportant mon épouse.

Qui n'a lu "Trois hommes dans un bateau" (1889) de Jerome K. Jerome qui nous raconte l'excursion de trois novices malhabiles sur la Tamise, excursion qu'ils préparent comme une expédition au grand large. Ce fut naturellement un fiasco. Manier la perche n'est pas à la portée de tout le monde.

L'eau se prête à tous les registres.

Ecoutons Lamartine dans son poème Le lac (1820) :

Un soir, t'en souvient-il ? Nous voguions en silence

On entendait au loin sur l'onde et sous les cieux

Que le bruit des rameurs qui frappaient en cadence

Tes flots tumultueux.

Ecoutons maintenant Jean Gabin chanter dans le film "La belle équipe " (1936) :

Quand on s'promène au bord de l'eau

Comm' tout est beau

Quel renouveau.

Qu' y a-t-il de commun entre ces deux textes que tout semble séparer ? D'un côté, les flonflons d'une guinguette des bords de Marne où l'on se divertit à la bonne franquette, de l'autre un cadre grandiose propice à l'aveu des grands sentiments.

Bruno ne s' y est pas trompé, qui n'établit pas une hiérarchie entre un canal qui a fait son temps, une rivière familière et les lagons bleus de la Polynésie.

Formons un souhait, qu'il aille affronter cette marée aux eaux turbides qui, deux fois par jour, remonte la Dordogne et se heurte aux eaux descendantes et que l'on appelle mascaret et qu'il  nous en ramène un beau reportage.

Je suis sûr que Bruno, qui a la passion de l'eau, apprécierait les propos de Gaston Bachelard dans "L'eau et les rêves" (1942) :

C'est près de l'eau que j'ai le mieux compris que la rêverie est un univers en émanation, un souffle odorant qui sort des choses par l'intermédiaire d'un rêveur. Si je veux étudier la vie des images de l'eau, il me faut donc rendre leur rôle dominant à la rivière ou aux sources de mon pays.

La plus belle des demeures serait pour moi, au creux d'un vallon, au bord d'une rive, dans l'ombre courte des saules et des osières.

Pierre Merlhiot

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L'article de Jacques Lannaud, prévu pour aujourd'hui, il va nous permettre de découvrir Julien Viaud, homme de plume connu de tous, mais plus avec son pseudonyme, passera, en principe, jeudi.