Terre de l'homme

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D'un château l'autre

 

 

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                                                               Château de Commarque 

 

D'un château l'autre : C'est le titre d'un roman de Louis Ferdinand Céline (1957) qui évoque son séjour forcé dans le château de Sigmaringen, où, sur injonction des Allemands, le gouvernement de Vichy et des collaborateurs de haut vol s'étaient réfugiés devant l'avancée de l'armée de Leclerc. Il se réfugiera plus tard au Danemark avant de se rendre à la justice française.

 

Mais mon propos, ici, n'est pas de parler de l'agonie peu glorieuse de la France de Pétain mais de vous faire partager le plaisir que j'ai eu à découvrir quelques-uns de ces mille et un châteaux pour lesquels j'ai une tendresse particulière.

Tous n'ont pas la superbe, le port altier des châteaux emblématiques des bords de Dordogne mais ils méritent notre attention.

 

Nos châteaux forts ne furent pas toujours dans l'état où nous les trouvons. Dans le Haut Moyen-Age, c'était souvent une simple motte castrale : tertre volumineux et circulaire entouré de palissades en bois.

Puis, le combat éternel entre les armes et la cuirasse vit le remplacement à partir du XIIème siècle, de cette motte par un fort en pierres pour aboutir à la fin du XVIème siècle, au château tel qu'on les connaît et dont celui de Bonaguil qui atteint la perfection en 1510.

 

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                                                          Château de Bonaguil 

 

Intact, il ne fut jamais attaqué et pour cause : un seigneur capricieux l'avait fait construire en dehors de toute position stratégique, ne défendant ni une ville, ni une vallée, ni une route commerciale et devint une demeure d'agrément.

Ce château, de tout temps inutile sur le plan défensif, me fait penser à cette forteresse du roman Le désert des Tartares de Dino Buzatti (1940) où les sentinelles, du haut des tours de guet, attendent interminablement un ennemi qui ne viendra pas.

Dès la Renaissance, le sort des châteaux forts était scellé, obsolètes devant les progrès de l'artillerie. Inconfortables, ils furent, soit transformés en demeures d'agrément ou abandonnés au profit des châteaux Renaissance des bords de Loire. Mais, pour un château intact, combien de châteaux en ruines réduits à l'état de carrières de pierres.

Le XIXème siècle et son engouement pour le Moyen-Age donnera le signal du sauvetage et de la restauration. Pensons en particulier à l'action de Prosper Mérimée.

En Dordogne, des particuliers passionnés d'histoire se sont engagés dans des opérations de sauvetage et de restauration.

C'est le cas du château de l'Herm en forêt Barade, splendide château gothique construit au XVIème siècle, en piteux état, un siècle après sa construction et démantelé au début du XIXème siècle. Un couple passa trente ans à fouiller et à restaurer. Mis en vente en 2012, il vient de trouver preneur auprès d'un couple qui s'apprête à lui consacrer de nombreuses années.

 

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                                                           Château de l'Herm

 

 

Ces deux coups de coeur ne sauraient faire oublier le sauvetage du château de Bridoire, propriété de l'empereur d'opérette et du tyran Bokassa qui laissa les lieux à l'abandon, peu après son achat en 1978. Tagué, squatté, dégradé, pillé, le château fut sauvé par l'association de sauvegarde après 25 ans de batailles juridiques. En 2011, les nouveaux propriétaires, avec le bénévolat de la population, ont restauré ce château, désormais ouvert au public.

 

 

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                                                           Château de Bridoire

 

Mais, le sauvetage le plus spectaculaire est sans doute celui du château de Commarque. En 1968, Hubert de Commarque rachète ce château qui, pour partie, appartenait à ses ancêtres qui ne purent le récupérer à leur retour des croisades. Simple tour de bois au XIIème siècle, le lieu devient une véritable agglomération. Le site abandonné définitivement au XVIIème siècle, tombe en ruines. Après une succession de campagnes de consolidation  et de restauration commencées en 1994, il est ouvert au public en l'an 2000. Ces travaux furent précédés par une réflexion menée par l'association "Rencontres de Commarque" avec à sa tête, deux grands historiens, André Chastel et Charles Higounet. En 1993, l'association "Des rencontres d'archéologie et d'histoire en Périgord" prend le relais et tient, chaque année, un colloque suur la thématique du château du Moyen-Age à nos jours.

Ces travaux d'historiens pour essentiels qu'ils soient, n'occultent pas la part des mythes, du rêve, de l'imagination, de la séduction et de la crainte qu'inspirent ces châteaux, à la fois symboles de sécurité et de domination.

C'est au château de  Puymartin, le fantôme de la  Dame blanche qui erre chaque soir vers minuit, le guide vous dira qu'il s'agit d'une châtelaine enfermée pendant 16 ans par son époux.

 

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                                                              Château de Puymartin

 

 

Ce sont entre 1605 et 1649, cinq assassinats perpétrés au château de l'Herm pour des questions d'héritage.

Plus près de nous, ce sont en 1941, les trois meurtres du château d'Escoire, meurtres jamais élucidés mais qui font, cette semaine, l'objet d'un colloque en présence de la fille de l'homme qui fut suspecté. On voit bien que le château de Barbe-Bleue n'est jamais très loin et fait encore peur aux enfants. Après ça , allez donc démêler le vrai de la fiction.

 

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                                                             Château de Pierrefonds

 

 

S'il est un seigneur qui fit de son château, le fruit de ses fantasmes et de sa folie, c'est bien le roi Louis II de Bavière qui, après avoir visité le château de Pierrefonds, fit bâtir le château de Neuschwanstein, véritable délire dans la montagne au milieu d'une forêt, près d'un lac où il se noya. Walt Disney s'en inspirera dans ses films "La belle au bois dormant" et "Cendrillon". A Disneyland, sa copie fait la joie des enfants.

 

 

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                                                             Château de Neuschwanstein

 

Il est un château dont je ne me lasse pas, c'est celui de Commarque. Familier des lieux, je l'ai connu avant et après restauration. S'il a perdu un peu en mystère, il a gagné en lisibilité mais il garde encore tout son charme et son romantisme, protégé à mi-pente par une fûtaie de charmes et, en contrebas, par la vallée de la Grande Beune marécageuse et mangée par les joncs. 

Ma mémoire me fait défaut, mais c'était bien avant la restauration quand le site était envahi par la végétation : le préfet m'avait demandé de venir avec lui sur les lieux. Il accompagnait la vice-présidente d'une fondation américaine qui voulait s'assurer du bien-fondé de l'aide demandée.

J'offris à la future mécène, une églantine qui poussait sur notre chemin, assortissant ce geste d'un vers de Shakespeare :

J'irai sans me piquer te cueillir une rose au milieu des orties.

Le préfet doit encore se demander ce qui m'avait pris, ce jour-là. Savait-il que dans le langage des fleurs, l'églantine est la fleur des poètes.

 

 

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PS : A l'intention de notre poète Gérard Hicès, voici un petit poème de circonstance, de Gérard de Nerval.

Puis un château de briques à coins de pierre,

Aux vitraux teints de rougeâtres couleurs,

............

Puis une dame à sa haute fenêtre,

Blonde aux yeux noirs, en ses habits anciens,

Que, dans une autre existence peut-être,

J'ai déjà vue... et dont je me souviens !

 

 

Pierre  Merlhiot 



27/09/2021
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