Terre de l'homme

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Et au loin, coule la rivière Espérance… Saga de Françoise Maraval - épisode 60

 

 

Yvonne, réveillée par le remue-ménage qu’occasionne sa mère, au premier étage, décide de se lever. Il faut qu’elle arrive à la maîtriser avant que toute la maisonnée ne soit réveillée. Aujourd’hui, personne ne travaille et tout le monde a besoin de se reposer : nous sommes le 1er janvier 1944. Une fois sa mère calmée, la maîtresse de maison s’installe devant son bol de mauvais café, moitié café, moitié chicorée, sans sucre.

Quand cette guerre va-t-elle s’arrêter ?

La tradition veut que l’on exprime des vœux, en début d’année. Les vœux d’Yvonne courent dans tous les sens dans sa pauvre tête. Comme pour de nombreux Français, la fin de l’occupation allemande débute sa longue liste et elle élargit ce premier désir, au souhait de voir la paix revenir dans le monde entier. Mon Dieu ! C’est beaucoup demander ?

En deuxième intention, elle espère la fin des restrictions. Mais ces deux premiers vœux dépendent l’un de l’autre et il ne faut pas avoir fait de longues études d’Économie pour comprendre qu’il va falloir du temps pour que tous les commerces redeviennent florissants.

 

Yvonne voudrait, aussi, que, comme autrefois, toute la famille soit réunie. Aimée et Clémence ont quitté la maison, elles ne sont pas loin, c’est une chance, mais ses filles lui manquent… Maintenant, son institutrice  passe ses dimanches à « la gravette » chez le percepteur. Yvonne a beau se dire que c’est normal puisque la petite Jacqueline y réside ; mais, sa fille lui manque.

D’ailleurs, elle doit venir cet après-midi, avec le bébé et c’est une grande joie. La mère de famille a envie de pleurer mais il ne faut pas, il faut qu’elle ait l’air d’être forte. Yette a préparé, hier, deux magnifiques bûches de Noël. Elle en a mendié le beurre à la fille du collabo qui, comme elle, est une grande catholique pratiquante.

 

Clémence, elle, vient tous les jours. Savez-vous qu’elle, aussi, attend un bébé pour le mois de juin ? Nous nous réjouissons tous. Mais, elle a fort à faire depuis que sa belle-mère, Emma, a dû repartir à l’hôpital de Périgueux, toujours pour le même problème ! Avant de partir, Emma s’est arrangée avec Yette qui assurera la cuisine et le ménage. Cette fois, on lui a carrément enlevé le sein ; espérons qu’elle vivra assez longtemps pour voir sa descendance .

 

Jean descend, souvent, la nuit, du camp de maquisards de Monsec ; il ne réveille personne. Quelquefois, Yvonne l’entend et se lève. Il mange sa part réservée dans le garde-manger. S'il vient cette nuit, il y trouvera sa tranche de gâteau… Mais, la mère n’est pas tranquille. Vivement que l’on puisse se débarrasser des boches . Un débarquement des troupes alliées est attendu au printemps mais les envahisseurs allemands se sont amassés sur nos côtes, prêts à intervenir. On espère tout de même !

 

Hélène, cette chère Hélène, a quitté l’Ecole Normale de La Rochelle pour les vacances de Noël. Elle est toujours sérieuse et on sent qu’elle aime la famille. Elle voudrait parler plus souvent avec Aimée, aussi se rend-elle à la perception : son programme scolaire intéresse son aînée et elles en discutent. Elle dit être bien reçue par la famille Mazaré. Elle est en première année d’Ecole Normale et si tout va bien, elle sera institutrice dans quatre ans.

 

Raymonde, le rayon de soleil de la maison, est toujours dans le cocon familial ; pour le moment, Yvonne se la garde. On lui a donné un rôle à jouer dans la maison. La vaisselle n’a plus de secret pour elle. Au début, elle rechignait à faire son travail mais Achille a su trouver les mots qu’il fallait pour la convaincre. L’après-midi, elle est autorisée à aller chez sa marraine, Jeannette Gauville. Les grands-parents Mestre tiennent une boutique où l’on vend des fournitures scolaires, des jouets, mais aussi des chaussures. C’est Jeannette qui s’occupe du rayon « chaussures ». Mademoiselle Lescombe, commerçante au Bugue, a créé ce dépôt à Saint-Cyprien et s’y fait conduire, une fois par semaine, pour y suivre les ventes. Raymonde adore Mlle Lescombe : elle est élégante, bien maquillée et elle sent bon. La petite effrontée n'a pas hésité à lui demander la marque de son parfum et la commerçante, bien que choquée, a répondu :  « Habanita » de chez Molinard, Paris.

 

Il ne faut pas oublier la petite dernière : Jeannette. Elle a 5 ans et fréquente la section des grands  de l’école maternelle. Elle est souvent chez sa sœur Clémence, à deux pas de l’école et de sa maison. Clémence et elle sont très fusionnelles car l’aînée lui a servi de « petite mère » pendant qu’Yvonne travaille à l’entrepôt des tabacs.

 

Plus bas dans la rue, on est très inquiets chez Maraval. La nouvelle opération d’Emma, l’ablation du sein gauche, préoccupe toute la famille : le docteur Sage ne se prononce pas et le chirurgien n’a pas été très bavard. L’hôpital préfère la garder encore un peu, en attendant que les douleurs s’atténuent. Le drain vient d’être retiré et c’est un soulagement. Emma apprend consciencieusement à faire les mouvements prescrits pour désengourdir son bras et son épaule gauches : elle sait que si elle s’en sort, la guérison sera longue. Clémence se rend à Périgueux, deux fois par semaine, visiter sa belle-mère et lui apporter du linge propre et repassé mais, aussi, quelques friandises offertes par les voisins et tout cela réchauffe le cœur d’Emma.

 

Mais que se passe-t-il en ce début d’année 1944 ?

 

Le 12 janvier, a lieu une entrevue Churchill-de Gaulle à Marrakech. Le général de Gaulle demande un accroissement des envois d’armes à la Résistance.

 

En Italie, le 22 janvier, 2 divisions anglo-américaines, appuyées par des unités de commandos et par des bataillons de chars, débarquent à Anzio, au sud de Rome, à une centaine de kilomètres au-delà de la ligne de front.

Toujours en Italie, le Congrès fasciste qui se tient à Bari, réclame l’abdication du roi Victor-Emmanuel III.

En France, le mouvement de libération national, le MLN voit le jour ; il est né de l’intégration au MUR ( mouvements unis de résistance) de mouvements de résistance implantés en zone nord.

Mais, ce n’est pas suffisant ; soucieux de regrouper les différentes formations militaires de la Résistance, les FFI ( forces françaises de l’intérieur) sont créées. Les FFI rassemblent l’AS (armée secrète ) , les groupes francs et les maquis, l’ORA ( organisation de résistance de l’armée), les FTPF ( francs-tireurs et partisans français).

 

Le 3 février, Pierre Brossolette, parachuté pour une mission, est arrêté.

 

Revenons en Italie.

Le 4 février, les troupes alliées, débarquées à Anzio, doivent faire face à une violente offensive allemande. L’opération échoue mais les Alliés résisteront difficilement aux attaques successives au cours de ce mois. Ils réussiront à se maintenir grâce à leur supériorité aérienne.

À Cassino, les combats de rue opposent les soldats allemands aux soldats américains, le 6 février. Le 15, l’aviation et l’artillerie alliées bombardent le monastère du Monte Cassino, transformé en forteresse.

 

En France, pour la première fois, le 13 février, des armes sont parachutées aux maquisards du plateau des Glières, commandés par le lieutenant Morel, dit Tom.

 

Le 16, la RAF largue en une demi-heure, 2500 tonnes de bombes sur Berlin. C’est la plus violente attaque aérienne jamais lancée contre la capitale allemande.

Le gouvernement de Londres informe par communiqué que les Allemands ont tué 180 000 juifs dans les Pays-Bas occupés.

 

Dans l’Océan Pacifique, la guerre fait rage entre Américains et Japonais.

 

Sur le Front de l’Est, une commission soviétique chargée d’enquêter sur les atrocités commises par les Allemands, pendant l’occupation de Kiev, révèle que 195 000 personnes ont été torturées à mort ou gazées. Les Soviétiques coupent de nombreuses lignes de chemin de fer et notamment celle de Tallin, dernière voie de retraite pour les Allemands.

Le 4 mars, Joukov lance une grande offensive et, dès le 6, la ligne de chemin de fer Lvov-Odessa est coupée au nord du Dniestr.

 

Le 1er mars, un communiqué du Caire révélait que l’Égypte, l’Arabie Saoudite, la Syrie et le Liban ont protesté auprès des émissaires américains contre la création d’un foyer national juif en Palestine. Le 4, le gouvernement iranien fait savoir au vice-président américain, Henri Wallace, qu’une résolution favorable à la création d’une Palestine juive équivaudrait à une déclaration de guerre au monde arabe.

 

Le 12 mars en Belgique, les hommes des classes 1922, 1923, 1924, sont réquisitionnés pour le travail obligatoire en Allemagne.

 

À Saint-Cyprien, Emma Maraval est de retour à la maison, après une longue convalescence à Périgueux. La cicatrisation de son sein gauche est en bonne voie mais il faut être prudent. La convalescente est heureuse de revoir les siens et elle attend avec impatience l’éclosion du ventre de sa belle-fille. Tout le quartier lui témoigne son affection.

 

 

Le 15 mars, le Comité national de la Résistance publie « un programme » de réformes à mettre en place à la Libération. Est notamment évoquée, outre la question des futures institutions politiques, la nécessité de nationalisations et d’un « plan complet de Sécurité Sociale. »

 

On continue à se battre au Monte Cassino.

La Birmanie et l’Est des Indes britanniques sont envahis par les Japonais.

 

En Hongrie, craignant que le gouvernement Kallay ne se rapproche des Alliés, Hitler fait envahir le pays et les juifs hongrois sont déportés.

 

En France, Pierre Brossolette, arrêté en février et torturé, se donne la mort en se jetant du haut de l’immeuble de la Gestapo, avenue Foch à Paris, pour assurer ses amis de son silence.

Le 26 mars, aidés par la Franc-Garde, fer de lance de la Milice, 12 000 soldats allemands donnent l’assaut au plateau des Glières ( Haute-Savoie ) où sont réfugiés 450 maquisards.

 

Pendant ce mois de mars 1944, des grèves massives paralysent les villes industrielles du nord de l’Italie ainsi que certaines du Pays-de-Galles.

 

Début avril, on assiste aux premières déportations de juifs d’Athènes vers le camp d’Auschwitz en Pologne.

 

Le 4 avril, les communistes François Billoux et Fernand Grenier deviennent membres du CFLN. Une ordonnance du nouveau comité fait du général de Gaulle, le chef des armées.

 

Sur le Front de l’Est, les troupes soviétiques progressent toujours ; elles coupent de leurs arrières, 100 000 soldats de l’armée de Von Kleist.

Le 20 avril, les forces aéronavales soviétiques coulent 18 navires allemands au large de Sébastopol, empêchant ainsi l’évacuation des troupes assiégées.

 

En Italie, le roi Victor-Emmanuel III annonce sa décision de se retirer des affaires publiques. Il nomme son fils Humbert, intendant général du royaume, cette nomination devant prendre effet après la libération de Rome.

 

En Grèce, au nouveau gouvernement Venizélos, succède, de l’exil, à celui de Georges Papandréou.

 

En Grande-Bretagne, afin d’éviter toute fuite concernant le futur débarquement, le gouvernement interdit aux diplomates de quitter le pays.

 

Le 21 avril, une ordonnance du CFLN, prise à Alger, accorde le droit de vote aux femmes.

 

Le 11 mai, c’est le début de l’offensive finale des Alliés entre le Monte Cassino et la Mer Tyrrhénienne. Le dispositif allemand est enfoncé sur 10 km ; Von Mackensen ordonne la retraite. Le 18, la ville de Cassino évacuée par les Allemands est alors occupée par la VIIIe armée britannique, alors que les ruines du monastère sont aux mains du 12e régiment polonais. Sur la côte tyrrhénienne, les troupes américaines s’emparent de Formia ; les Allemands doivent battre en retraite.

 

Le 20 mai, 6 000 avions alliés bombardent les routes, ponts, gares et aérodromes situés sur une bande de 250 kilomètres entre la Belgique et la Bretagne ; c’est la première phase du plan destiné à isoler la zone du débarquement. Le 1er juin, la BBC diffuse le premier vers du poème de Verlaine « Chanson d’automne », avertissant ainsi la Résistance intérieure française de l’imminence du débarquement.

 

Le 2 juin, Hitler autorise le maréchal Kesslring à évacuer Rome que les Alliés envahiront le 4.

 

Le 5 juin, la BBC émet le second vers de « Chanson d’automne » de Verlaine, avertissant la Résistance française que le débarquement est pour le lendemain .

 

Le 6 juin, par un appel radiodiffusé, le maréchal Pétain demande aux Français d’obéir au gouvernement de Vichy et d’accepter les « dispositions spéciales » que les Allemands pourraient être obligés à prendre dans les zones de combats.

 

Depuis Londres, le général de Gaulle lance, lui aussi, un appel à la mobilisation : « Pour tous les fils de France, le devoir simple et sacré est de combattre l’ennemi par tous les moyens dont ils disposent . »

 

Le 6 juin, c’est le début de l’« opération Overlord ».

 

 

A 0h 15, les premiers parachutistes américains sont largués sur la presqu’île du Cotentin et à Saint-Martin de Varreville. À 5h30, les bombardements aériens et navals commencent ; à 6h30, les premières unités de la 1e division d’infanterie américaine débarquent sur la plage d’Omaha où elles se heurtent à une violente résistance et subissent de lourdes pertes. Une heure plus tard, les troupes britanniques et canadiennes débarquent sur les plages d’Arromanches et de Courseulles, pendant que les commandos français attaquent Ouistreham.

A 15h seulement, Adolf Hitler lance une contre-offensive. À la fin de la journée, les objectifs visés ne sont pas entièrement atteints : des brèches subsistent entre les différentes têtes de pont. Depuis l’aube, plus de 100 000 hommes ont débarqué sur les plages de Normandie.

 

Le 7 juin, à Tulle, les FTP doivent se retirer face à l’arrivée des SS d’une colonne de la division Das Reich qui, aidés par les miliciens, laissera 99 otages pendus dans la ville. Quelque 150 autres seront envoyés dans des camps d’extermination.

 

Sur la côte normande, la liaison est établie entre les trois têtes de pont britanniques. Des unités de la division de Northumbria s’emparent de Bayeux.

 

Alors que les troupes anglo-canadiennes progressent difficilement vers Caen, les Américains avancent dans le Cotentin, prennent Sainte-Mère-l’Église et se dirigent vers Cherbourg.

 

Le 10 juin, à Oradour-sur-Glane (Haute-Vienne), accusant les villageois d’avoir caché des maquisards qui les avaient attaqués, les SS de la division Das Reich abattent ou brûlent vifs 642 habitants. Le village est rasé.

 

Les unités américaines des plages de l’Utah et d’Omaha arrivent à se rejoindre. Les différentes têtes de pont sont désormais reliées en un front presque ininterrompu.

 

Le 12 juin, les Américains libèrent Carentan ; le même jour, Churchill se rend sur le front de Normandie. Montgomery affirme que « la bataille des plages est gagnée. »

 

Les Allemands lancent les premiers V1 sur le petit village de Swanscombe dans la vallée de la Tamise.

 

Le 14 juin, le général de Gaulle débarque en Normandie sur la plage de Courseulles. Il se rend ensuite à Bayeux où l’accueil est chaleureux.

 

C’est le commencement de la reconquête du territoire. Merci à tous ces hommes venus d’Outre-Atlantique, à tous ces hommes de l’Empire britannique, à tous ces Français de la France combattante, qui sont venus nous libérer au risque de leur vie.

 

 

 

 

 

 

 

                                                   

 

 

Arbre 1

 

arbre 2

 

 

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01/04/2023
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