Terre de l'homme

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La République en danger

 

cicéron

 

 

 

                                  Cicéron (Marcus Tullius Cicero)

                                           106 av JC -43 av JC

 

 

 Préambule

 La période précédant le consulat de Cicéron, en l’an 63 av. J. C., avait connu des troubles importants notamment avec les multiples conflits survenus avec les Cimbres et les Teutons qui voulaient anéantir les légions romaines, s’emparer de la Gaule Cisalpine et de la Province romaine et, ainsi, passer en Italie et prendre Rome. Mais, le Consul Marius dépêché par le Sénat et secondé par son lieutenant Sylla y mirent bon ordre et remportèrent plusieurs succès sur ces tribus nordiques et germaniques dont l’importante victoire d’Aix près de la montagne Sainte Victoire. Sylla prit les choses en main remportant de nombreuses victoires en Orient où la situation s’était dégradée et compte tenu de cela, il finit par s’imposer politiquement, devenant Consul dans les années 90.

Rome avait réduit l’empire carthaginois, auparavant, grâce à Scipion Emilien en 146 av. J. C. : « Delenda est Cartago. » il faut détruire Carthage, s’était exclamé Caton l’Ancien. Ce fut fait.

Salluste, l’historien latin, nous dit qu’au climat de paix et de justice qui régnait, alors, va succéder un esprit de convoitise. La soldatesque qu’avait ramenée Sylla, était une bande de pilleurs, de tueurs, de destructeurs, de violeurs…qui s’étaient enrichis et, de retour, ils se livrèrent à des exactions multiples, des spoliations de maisons, de terrains, « ni mesure, ni modération, commettant des assassinats… »

Finalement, Sylla, une fois décédé, la population était meurtrie, le climat détérioré, les mécontents nombreux et des politiciens véreux, à l’affût, ne tarderaient pas à fomenter des troubles.

Après avoir conquis la charge prestigieuse de Consul, Cicéron va se retrouver confronté à Catilina, un apprenti dictateur.

               QUOUSQUE TANDEM ABUTERE , CATILINA, PATIENTIA NOSTRA ?

  Apostrophe célèbre du grand orateur, philosophe et homme politique, devant le Sénat romain (discours prononcé le 8/11/63 av. J.C.), mettant en garde les sénateurs contre le fauteur de troubles, soutenu par un groupe de comploteurs et certains hommes politiques dont César, peut-être, qui espéraient tirer parti des désordres.

« Jusqu’à quand, Catilina, abuseras-tu de notre patience ? Combien de temps, encore, vas-tu te jouer de nous ? Jusqu’où ton audace effrénée te poussera-t-elle … ? »

 Le Sénat était réuni dans le temple de Jupiter Stator sur la Via Sacra, et l’orateur voulait mettre en garde les sénateurs et justifier les mesures de sécurité qu’il avait prises car le péril menaçait la République elle-même.

République oligarchique, certes, dont la devise est tout aussi célèbre, à savoir S.P.Q.R. : Senatus populusque Romanus signifiant « Le Sénat et le Peuple Romain. » soulignant, ainsi, l’indissolubilité de l’unité du peuple romain et du Sénat, lequel est le parlement où se discutent lois et décrets et où l’on décide des pouvoirs à attribuer aux Consuls, sachant que, dans la circonstance, les pleins pouvoirs avaient été accordés à Cicéron. République qui a débuté en 509 av.J.C. à la suite de la chute du roi Tarquin le Superbe, d’origine étrusque et qui prendra fin entre 44 et 27 av. J. C. avec l’avènement d’Octave, fils adoptif de César, proclamé Imperator sous le nom de César-Auguste.

Cet épisode de la vie politique tumultueuse romaine où les ambitieux ont fleuri, se disputant le pouvoir, Marius, Pompée, Sylla et César qui va se mettre sur les rangs, met en lumière la fragilité d’un régime qui sera sauvé in extremis grâce à l’énergie du grand républicain qu’est Cicéron qui s’oppose à la prise de pouvoir par un autocrate sanguinaire, sorti de la classe noble romaine, soutenu par ses amis, un groupe d’individus déçus, ambitieux, démagogues et dangereux qui voient, dans le pouvoir, l’opportunité de se refaire une santé et vont aller jusqu’à mettre au point une tentative d’assassinat du Premier Consul.

 

 

cicéron dénonce Catilina

 

 

                                                             Cicéron dénonce Catilina

                                     fresque peinte entre 1882 et 1888 par Cesare Maccari.

                                              Elle est située au palais Madame de Rome

 

    Le portrait que fait du comploteur Catilina, l’historien Salluste, est peu flatteur : « Issu d’une famille noble, d’une grande capacité intellectuelle, d’un physique imposant, son âme est mauvaise et dépravée. Adolescent, son plaisir était dans la guerre civile, participant à des meurtres, pillages et se jetant dans les discordes politiques… Envieux du bien d’autrui, prodigue du sien pour satisfaire ses désirs ardents, assez éloquent mais peu sage, il voulait toujours plus dans l’inaccessible, l’immodéré et l’incroyable. »

 D’une famille aristocrate, il se targuait d’ancêtres ayant fondé la Cité, d’un autre ayant combattu héroïquement au cours de la guerre contre Hannibal et sortait de cette classe de jeunes privilégiés, sans scrupules, visant les plus hautes fonctions politiques officielles. Il était ruiné, aux abois, entaché de crimes crapuleux tels l’assassinat de sa première femme, de son fils et de sa compromission avec une prêtresse vierge. A deux reprises, il échoua aux élections consulaires annuelles, notamment en 63, les riches électeurs s’étant ralliés à Cicéron qui leur paraissait un parti plus sûr.

Cicéron, né à Arpinum, petite ville à 100 km de Rome, d’une famille équestre (equites), groupe de citoyens pouvant être mobilisés pour servir dans la cavalerie, n’avait aucune référence politique ou guerrière, au contraire de son compatriote d’Arpinum, le consul Marius, auréolé de ses victoires militaires sur les Cimbres et les Teutons.

Cicéron est un homme de lettres, un philosophe, homme politique, avocat, grand orateur dont la puissance du verbe s’est exercée dans les tribunaux romains. Cet « homme nouveau » comme le qualifieront ses adversaires afin de souligner qu’il ne sortait pas du sérail, entreprend ce discours devant les sénateurs, Catilina étant présent, rappelant l’indignité de celui qui siégeait parmi eux, exposant avec précision la teneur du complot, la maison dans laquelle s’étaient réunis les comploteurs et les plans mis au point pour s’emparer du pouvoir. Ce fut un grand moment où un homme seul face à l’adversité, sut par son talent renverser l’ordre des choses. Et le lieu n’est pas celui de la prestigieuse Curie romaine où siègent, normalement, les sénateurs, mais un endroit modeste, de forme rectangulaire et non circulaire sur la Via Sacra menant au Forum, autrement dit le temple de Jupiter, aujourd’hui disparu. La salle mal éclairée par des torches ou des lampes à huile, n’avait presque pas de fenêtres et les sénateurs étaient soit debout ou assis sur des bancs peu confortables mais l’Histoire n’a pas besoin d’un décorum fastueux car elle se suffit à elle-même.

 

destruction de Carthage

 

 

                                                             destruction de Carthage

 

L’idée saugrenue était venue à l’esprit de ces fantoches d’impliquer dans leur complot, une délégation de Gaulois Allobroges venus à Rome se plaindre des vexations des gouverneurs romains provinciaux. Sans doute, leur avaient-ils fait briller les avantages d’un ralliement à leur cause ; mais, les Gaulois avisés en informèrent le Consul, lui communiquant le nom des comploteurs, les lieux, le détail des opérations et les lettres particulièrement accablantes que leur avaient envoyées ces fauteurs de troubles.

Sitôt la séance terminée, Catilina, sentant le danger, se faufila discrètement et, dans la nuit, quitta Rome précipitamment, allant rejoindre à l’extérieur l’armée des séditieux.

Entre-temps et pour ne pas en perdre, Cicéron fit arrêter tous les comploteurs restés dans Rome et, plus tard, les fit exécuter. On le lui reprochera, estimant qu’il aurait dû leur intenter un procès alors que, triomphant, il avait annoncé leur mort à une foule enthousiaste, d’un simple euphémisme resté célèbre : vixere, « ils ont vécu ».

Puis, les légions romaines vainquirent cette armée de mécontents et, au cours de la bataille, Catilina trouva la mort.

Cicéron avait sauvé la République pour quelque temps encore, car celle-ci allait tomber dans les bras du proconsul Jules César en 52 av. J. C., franchissant le Rubicon, à la tête de ses légions, en lançant son fameux « Alea jacta est. », légions acclamées par le peuple après leur triomphe sur la résistance gauloise et l’armée de Vercingétorix au siège d’Alésia.

    

 

Jacques Lannaud

 

 

 

          

       



24/10/2021
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