Terre de l'homme

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La rose de l'Alhambra - chapitre 5 - Par Françoise Maraval

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Le régime politique espagnol,

 

 

Pendant leurs courts séjours en France, en 1878, Juan et Miguel de Almanzar avaient subi les assauts d’Arthur Garrigue, fervent républicain, voulant mettre en avant les dualités de régimes politiques des deux familles.

Comme c’est souvent le cas, les discussions s’enflamment à la fin de bons repas bien arrosés et il suffit d’une allusion pour que l’étincelle jaillissante embrase les propos.

 

En France, en 1878, le régime républicain est consolidé, bien que longtemps contesté. Il fait désormais l’objet d’un véritable consensus dans l’opinion publique, en raison du double échec subi à droite et à gauche par les adversaires de la République. Le système mis en place par la constitution de 1875 est celui qui perdurera le plus longtemps dans l’histoire de la République française : la loi est désormais considérée comme l’autorité suprême, insusceptible d’être remise en cause par aucun autre pouvoir. Le Parlement bicamériste était donc l’élément essentiel de la IIIe République.

 

En Espagne, il faudra attendre 1873 pour voir l’avènement de la première République qui, d’ailleurs, ne durera qu’un an de 1873 à 1874. L’explication la plus classique tend à mettre en avant un peuple en armes immature et des gouvernements trop laxistes cherchant, sans succès, à maintenir l’ordre.

Pourtant, l’histoire révolutionnaire espagnole est très dense dès le début du XIXe siècle. Elle est marquée par de nombreuses révolutions. Celles de :

1810-1812,

1820-1823,

1840-1843,

1854-1855,

1868-1873.

 

9 juin 1815 - L'Acte final du Congrès de Vienne - Herodote.net

 

Image Hérodote.net

 

Le soulèvement libéral espagnol de 1820 est le premier défi important à l’ordre du traité de Vienne et de la Sainte-Alliance mis en place en 1814-1815.

 

En Espagne, le 1er janvier 1820, débute une rébellion dirigée par des officiers de l’armée, dans le port de Cadix, qui refusent de partir pour les Amériques, pour écraser les gouvernements séparatistes qui sont en cours de formation. L’un des principaux chefs de l’insurrection est Rafaël del Riego. Il porte son bataillon jusqu’à Arcos de la Frontera, où il fait prisonnier le commandant en chef du corps expéditionnaire pour les Amériques, le général comte de Calderón. Une marche commence vers les grandes villes espagnoles de l’Andalousie, avec l’intention de les soulever. La tentative échoue devant l’indifférence générale de la population. L’échec du pronunciamiento (putsch) en Andalousie est suivi de deux tentatives militaires, cette fois en Galice, dans la Corogne, suivie de Ferrol et Vigo.

Il s’agit pour ceux qui se soulèvent de rétablir la constitution libérale de Cadix conçue en 1812, pendant l’occupation napoléonienne, une assemblée de députés élus à la fois par l’Espagne et par les territoires américains, constituant ainsi un gouvernement parallèle à la monarchie bonapartiste. Elle est l’œuvre de la résistance espagnole contre l’occupant.

La constitution de 1812 était à la fois, une affirmation forte des droits coutumiers, historiques et « des pueblos » et une proposition libérale tout à fait avancée, parce qu’elle affirmait que la souveraineté résidait dans la nation, mais aussi parce que les ministres sont responsables devant le Parlement, les Cortes. Elle garantissait la liberté de la presse, protégeait les citoyens contre les arrestations arbitraires. La législation de Cadix qui complète la Constitution était aussi de facture libérale, notamment vis-à-vis du pouvoir religieux.

L’évènement culminant a été le 7 mars 1820, quand une foule entoure le Palais royal de Madrid où siège le roi, Ferdinand VII. Le roi est contraint de signer un décret par lequel il déclare accepter de prêter serment à la Constitution de 1812 qui avait été prise en son nom, alors que Bonaparte l’avait obligé à abdiquer.

Le 10 mars, une proclamation royale est faite, Manifesto del rey a la nación española. Mais, du 9 au 14 octobre 1822, au congrès de Vérone, les puissances de la Sainte-Alliance autorisent la France de Louis XVIII à mener une expédition en Espagne, afin de rétablir la monarchie absolue. Entre-temps, le gouvernement libéral qui s’est formé, fait prisonnier Ferdinand VII et l’emmène dans la ville-forteresse de Cadix, centre de l’insurrection libérale. Les députés libéraux des Cortes Generales, avec le plein soutien de Riego, se réunissent pour voter la destitution du prisonnier Ferdinand VII d’Espagne. Les Français rejoignent Cadix dont ils commencent le siège, soutenus par une flotte de 67 navires. La ville est contrainte à capituler.

 

À son retour en 1814, Ferdinand VII avait refusé de reconnaître la Constitution de Cadix et de convoquer les Cortes. De plus, il se rapprochera de l’Église en lui attribuant des terres et, enfin, il mènera une politique de répression contre les libéraux. Ferdinand VII mourra en 1833 et ayant aboli la loi salique, désigne sa fille Isabelle II, âgée de 3 ans, pour lui succéder, au détriment de son frère Charles : alors, commence la première guerre carliste.

 

Mais, revenons à la première République (1873-1874). Son échec s’expliquerait par l’impréparation du pays qui a opté pour une République proclamée par défaut, à la suite de l’abdication d’Amédée Ier, le 11 février 1873.

Rappelons les faits. En septembre 1868, une révolution s’était produite au même moment, aux deux pôles de l’empire espagnol. En métropole, une coalition d’opposants détrône Isabelle II qui s’exile à Paris. À Cuba, l’une des colonies les plus riches du monde et toujours esclavagiste, des indépendantistes se soulèvent. Mais, les nouveaux gouvernants ne parviennent pas à imposer leur réforme à Cuba, notamment l’abolition de l’esclavage. Les partisans du « Statu Quo » colonial constituent un lobby contre-révolutionnaire puissant, aussi bien à La Havane qu’à Madrid.

 

Au même moment, la politisation des milieux populaires s’intensifie en Espagne : la presse républicaine se fortifie, tandis que la branche espagnole de l’Internationale ouvrière est fondée et se met à croître à grande vitesse. La conscription inégalitaire qui assure le recrutement de centaines d’hommes pauvres, envoyés sur le front cubain, suscite l’indignation et la mobilisation. Deux mouvements insurrectionnels encadrés par les républicains se succèdent, d’abord en 1869 puis en 1872. Au même moment, les contre-révolutionnaires carlistes se soulèvent dans le nord et l’est du pays.

 

Face à cette escalade de conflits, Amédée I, le roi choisi par l’Assemblée de Cortes en 1870, abdique le 11 février 1873. Le jour même, la République est proclamée. Elle veut être une République libérale et réformatrice, ayant pour chef, PI y Margall, le républicain fédéraliste et le socialiste mutualiste convaincu. Francisco Pi y Margall devient Président, le 11 juin 1873.

 

À cette constitution de la République, « par le haut », s’oppose le projet des bases républicaines, mobilisées dans leurs milices, leurs clubs, et leurs sections ouvrières. En juillet 1873, ces dernières se constituent en cantons, c’est-à-dire en Républiques autonomes destinées à se fédérer les unes aux autres pour constituer la Fédération espagnole « par le bas ». Mais, alors que Pi y Margall refuse de lancer l’armée pour les réprimer, il est renversé au profit de Nicolás Salmerón qui envoie la troupe et lie le sort de la République aux officiers monarchistes de l’armée régulière. Puis, Emilio Castelar, à la tête des partisans d’une République dite « individualiste », remplace Salmerón à la présidence de la République et s’avère plus déterminé encore à réprimer le cantonalisme : il fait fermer les Cortes.

 

Mais, un canton persistera plus longtemps ; celui de Carthagène, un port militaire du sud-est de l’Espagne, où des dizaines de cantonalistes s’étaient réfugiés, venant de Valence, Alicante, Murcia et de toute l’Andalousie. Profitant alors des ressources défensives de la place et de la mutinerie des meilleurs navires de guerre de la flotte espagnole, les cantonalistes ont pu résister au siège de Carthagène pendant six mois. À partir de décembre 1873, l’armée bombarde la ville pendant 43 jours, provoquant l’explosion du parc d’artillerie et du dépôt de poudre, tuant des centaines de civils. Les insurgés finiront par se rendre et partiront se réfugier à Oran, en janvier 1874.

 

La première République se terminera par le coup d’état de Manuel Pavia qui commence, alors, une nouvelle période de troubles avant la restauration bourbonienne. Le futur roi se présente aux Espagnols, comme un prince catholique, constitutionnaliste, libéral et désireux de servir la patrie. Alphonse XII devient roi d’Espagne en 1874, à l’âge de 17 ans. Il est le fils d’Isabelle II et du roi consort François d’Assise de Bourbon, sa mère ayant renoncé à ses droits dynastiques en faveur de son fils.

 

Quand la jeune Isabelle Garrigue arrive en Espagne, en 1878, la monarchie est donc rétablie et une nouvelle constitution, approuvée en 1876, est appliquée.

 

 

Françoise Maraval

 

 

                                                       

 

 



19/11/2023
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