Terre de l'homme

Terre de l'homme

L'eau cette richesse fascinante.

Quand Pierre Merlhiot lança, il y a 3 mois, "Terre de l'homme", il imagina un bassin de vie, virtuel,  tracé autour de deux écoulements naturels, l'un historique, la Dordogne, l'autre préhistorique, la Vézère. Des confins du bas Limousin, de La Feuillade, à la lisière du Quercy, à Cazoules, il voulait atteindre Limeuil qui acte cette symbiose. 

Ne cherchez pas le pivot. Il n'existe pas. Ce n'est ni la vieille cité renaissance immortalisée par La Boétie, ni l'imposante forteresse beynacoise, ni le village de Cro-Magnon. "Terre de l'Homme" est un arbre intemporel qui tire sa sève d'un terroir qui nous réunit tous.

 

 

Dans nos archives : le plus grand siphon du monde débute ici, à la source du Coly, en Dordogne

 

C'est à la source du Coly à La Cassagne en Dordogne, que débute un siphon qui a la réputation d'être le plus long d'Europe. Quand de violents orages s'abattent sur la région, des colonnes d'eau surgissent, par intermittence, au milieu du bassin. © Crédit photo : Archives Sud Ouest / Eric Despujols

 

 

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Nicolas Hulot a plongé ici pour " Ushuaïa ", en 1994. Les téléspectateurs avaient pu le voir s’enfoncer dans la source, avant de faire demi-tour un peu plus vite que prévu.

 

Photo Franceinfo

 

La Doux de Coly est bien connue des spéléo-plongeurs par son siphon qui est, avec 5 880 m de longueur, totalement noyé, le plus long d'Europe et le cinquième du monde

 

 

La loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, a introduit dans le code de l'environnement, une définition des cours d'eau... Ainsi, un ruisseau dont l'écoulement est intermittent, peut être qualifié de cours d'eau.

 

Les critères pris en compte sont une source, un lit et un écoulement... qui peut ne pas être permanent. Si l'on trouve sans problème, la source de la Seine ou celle de la Meuse, on a plus de mal à fixer celle de la Loire qui sourd quelque part sur le Mont Gerbier de Jonc -et est revendiquée par plusieurs riverains-, ou celle du Rhône qui naît de la fonte d'un glacier alpin du Mont saint Gothard.

Beaucoup de nos petites rivières n'ont pas de sources franches ou ce sont plutôt des suintements qui concourent à leur génèse. La Lémance naît dans les prés de Prats-du-Périgord, la Couze est, au moins, bicéphale dans ses reliefs forestiers de Bessède. Le Dropt, lui, a perdu la sienne avec le séisme d'Arête en 1967. Il hésite à naître sous Capdrot. Grâce aux superbes images de Bruno Marty, nous avons suivi en 2018, cette naissance difficile.  

 

CLIQUEZ SUR LES IMAGES

 

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Non, le Branchat n'est pas, ou depuis des lustres n'est plus, un cours d'eau. Mes amies de toujours, Lydie et Françoise, vont, peut-être, être déçues, que ce filet d'eau cher à leur enfance monplaisano-sagelacoise, n'ait plus, eu égard au législateur, rang de cours d'eau. Ce constat chagrinera, aussi, Bruno qui aime bien le voir revivre. Il n'atteint la Nauze, au mieux, que quelques décades, par an. Le Branchat est donc devenu une rigole. Cela n'a rien de péjoratif. Grâce au génie de Riquet, une fort belle rigole se glisse dans la Montagne Noire, c'est la Rigole de Saint Ferréol.   

Photo © Pierre Fabre

 

 

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Oui, le Valech, il relie Saint Laurent-la-Vallée à Siorac-en-Périgord, malgré ses longues intermittences, est bien un cours d'eau, au regard de la  loi n° 2016-1087 du 8 août 2016. À sec, juste avant Noël, il s'est rétabli lors de cette dernière période de fêtes d'hiver. Ce cours d'eau karstique souffre de plus en plus à la belle saison.

Photo © Pierre Fabre

 

 

 

Ici, à Limeuil, se rejoignent la Vézère et la Dordogne.

 

Là, les termes spatiaux permettent d'ouvrir, non une polémique mais une dissertation géographique. Il n'y a pas de doute pour Christian Signol, notre Dordogne, voie des gabarriers, est une rivière. Il en a fait "La Rivière Espérance".  Jean Bonnefon et Patrick Salinié,  dans une poésie folle à l'envi, ont imaginé un fleuve qui étend sa puissance, loin, bien loin, très loin de son creuset naturel.

Sortons de la poésie et  considérons Aimé Perpillou. Il fut, à ma connaissance, le premier géographe qui promut notre Dordogne au rang de fleuve.

 

Aimé Perpillou*, géographe français, né le 24 janvier 1902 à Glanges (Haute-Vienne) et mort à Paris le 12 février 1976, soutint, il y a plus de 60 ans, la thèse que notre Dordogne ne peut pas être une rivière. C'est un fleuve, au même titre que la Garonne. Si, par raisonnement, on veut considérer la Dordogne au rang de rivière, il faudrait, d'une même logique, "déclasser" la Garonne en rivière. De loin, nous entendrions les grincements de dents des Bordelais.

 * Élève de l'école normale supérieure (promotion 1923), il obtient l'agrégation d'histoire-géographie en 1927. Après avoir soutenu une thèse de géographie physique sur le Limousin, en 1940, il entreprend une carrière universitaire et devient professeur à la Sorbonne. Il fut aussi Secrétaire général de la Société de géographie en 1947 et Président en 1975.

 

Il est le gendre du géographe Albert Demangeon (1872-1940).

 

Aimé Perpillou - Wikipedia

 

Notre Dordogne, pour certains, est et restera une rivière. Pour d'autres, elle est bel et bien fleuve.  N'ayons pas la prétention d'imposer un point de vue. Fleuve ou rivière, notre Dordogne demeure unique.

 

 

Fichier:Limeuil-Confluent de la Vézère et de la Dordogne-196510.jpg

 

Ici, au piédroit de ce mamelon  eumacois de Fourque, les vivifiantes ondes auvergnates et limousines concrétisent leur union.

Image Wikipédia, opérateur Daniel Villafruela

 

 

L'Irtych, il est estimé à 4 248 Km, cours d'eau sibérien,  traverse d'abord la Chine, où il est nommé Ertix, puis le Kazakhstan, où il porte le nom de Ertis. Quatre fois plus long que notre Loire, il n'a pas rang de fleuve puisqu'il se déverse dans l'Ob en Russie. Il est légèrement plus long que le Missouri qui dépasse les 4 370 km et qui aurait pu être le fleuve qui prit le nom de Mississippi. Ce dernier bien que plus court de 590 km à la confluence, fut retenu fleuve car ses sources ont été découvertes plus tôt.

 

Les géographes ont dénommé les fleuves dont le cours ne les classait pas dans les grands fleuves, les fleuves côtiers. L'Aa et la Somme, en Picardie, l'Orne en Normandie, la Sèvre-Niortaise au sud de Nantes, la Charente, l'Adour, tributaires de l'Atlantique, l'Aude, l'Hérault, l'Argent, le Var, l'humble Paillon et la Roya, adjacents de la Grande Bleue, sont ainsi dénommés. D'aucuns se plaisent à citer la Veules, qui, dans le pays de Caux, s'étire sur 1.194 m, comme étant le plus petit fleuve de France. Ce superbe et bucolique joyau aquatique, permanent, étymologiquement, viendrait du latin veulis, ou du vieil anglais wella (puits), ou encore du vieux norrois vella signifiant cours d’eau ou source.

 

Quand l'exception confirme la règle.

 

Si les géographes ont, en principe, retenu le cours le plus long pour identifier celui qui s'impose par rapport à ses adjacents, ce principe, parfois, admet des exceptions. Celles-ci confirment la règle.  L'Oise aurait pu être appelée le Gland. La rivière qui la rejoint à Hirson, s'étire sur une quinzaine de kilomètres de plus que sa "souveraine". Le Coly à sa jonction avec la Chironde, est bien modeste par rapport à la vallée de celle-ci. Notre belle Dordogne, en filant de sa naissance auvergnate vers sa jonction à Bort-les-Orgues, prive le Chavanon, lui-même issu de la Ramade, d'être le porteur de l'hydronyme qui s'est imposé. Celui-ci a été retenu parce que le débit de la Dordogne est supérieur à celui du Chavanon. Ce dernier compte néanmoins une quinzaine de kilomètres de plus.  Le tout échoue de quelques hectomètres pour atteindre le demi-millier de kilomètres à la Pointe de Grave. La Marne, la plus longue rivière de l'hexagone, dépasse d'une quinzaine de kilomètres, le creuset de la Ramade, du Chavanon et de la Dordogne.

Toujours pour une quinzaine de kilomètres, l'hydronyme de la Seine s'est imposé. Il relègue l'Yonne plus puissante mais plus courte au rang d'affluent.

 

Stéphane Bern et Nagui avaient beau jeu, ce mardi 9 juin, pour semer le doute. Parmi les questions, les plus audacieuses, relevons : "La Seine coule-t-elle sous le Pont Mirabeau ?" comme l'immortalise la poésie de Guillaume Apollinaire .

 

 

Pierre Fabre



12/01/2021
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