Les plus beaux villages de France : Saint Cirq Lapopie et tous les autres
Saint Cirq Lapopie
Il y a quelques jours, toute la presse, à l'occasion du voyage présidentiel, a attiré l'attention de ses lecteurs sur le village de Saint Cirq Lapopie.
Abondance de biens ne nuit pas. Aux 6 villages du Lot, viennent s'ajouter les 10 de notre département dont 7 uniquement en Sarladais : la présidence avait l'embarras du choix.
Etre classé plus beau village de France se mérite. Le jury doit tenir compte de 30 critères référentiels à l'évaluation des villages candidats : importance du patrimoine protégé, qualité architecturale et efforts de mise en valeur.
Cependant, s'en tenir à l'aspect esthétique serait réduire un village à une carte postale et le priver de la vie que l'histoire, les grands événements, les anecdotes, les hommes ont forgée pendant des siècles. Je cite dans le désordre : le pape Clément V, Jean Tarde, Jacques de Maleville, Joséphine Baker, Paul Crampel, Jacques Rispal, François Augiéras, Henri Miller.... et les autres. Dieu reconnaîtra les siens.
Saint Cirq Lapopie ne fait pas exception. Comment se fait-il que ce petit village et sa ville voisine Cahors soient devenus l'espace de quelques mois, sur le plan politique et culturel, le centre du monde (Cahors Mundi) attirant des milliers d'inconnus, des hommes politiques illustres, des artistes et intellectuels de premier plan. Cette histoire est pour beaucoup, tombée dans l'oubli : cela fait plus de 70 ans.
Au lendemain de la seconde guerre mondiale, se crée, aux Etats-Unis, un mouvement pour un gouvernement mondial (1945-1946). Les tragédies d'Hiroshima et de Nagasaki sont encore dans les esprits. Aux yeux de beaucoup, la paix passe par l'abandon du danger du nationalisme.
Garry Davis Sarrazac
En 1947, ce mouvement pacifiste se trouve un héros, Garry Davis, ancien pilote de chasse qui abandonne la nationalité américaine.
En France, ses idées font mouche : la même année, en 1947, un ancien chef de maquis, Robert Soulage, dit "Sarrazac", fonde le" front humain des citoyens du monde".
Les utopistes à table : à gauche Sarrazac, l'abbé Pierre (debout), à sa droite, tête penchée, Garry Davis
Dès lors, ces deux chefs de file du mouvement pour la paix, ne vont plus se quitter. Ils reçoivent la visite et le concours de grands intellectuels : Albert Camus, André Gide, Jean-Paul Sartre, l'abbé Pierre ...
En 1948, coup de théâtre, ils interrompent l'assemblée générale des Nations Unies pour exiger la démocratisation et la supernationalité de l'ONU.
Garry Davis à l'ONU
Ces idées trouvent un écho très favorable à Cahors qui, en 1949, après référendum, se déclare " Première ville des citoyens du monde".
Dès lors, les choses vont s'accélérer : Cahors, petite ville de province, devient le lieu de rassemblement des adeptes du mouvement pour la paix. dans le Lot, 239 communes sur 330 rejoignent le mouvement.
Les 24 et 25 juin 1950, Cahors célèbre en grande pompe, le 1er anniversaire de son choix et devient le lieu de rassemblement de pacifistes venus du monde entier : le prix Nobel de la paix, André Breton, pape du surréalisme et le célèbre acteur et réalisateur américain Orson Welles.
C'est une foule en liesse qui assiste à la pose de la 1ère borne de la route mondiale n°1 dont le 1er tronçon va de Cahors à Saint Cirq Lapopie où se rend un long et bruyant cortège de voitures.
Cet événement où une petite ville et un petit village de province deviennent le centre du monde, où le local devient l'international, peut prêter à sourire mais c'est méconnaître les espoirs mis dans la fraternité humaine pour le maintien de la paix.
Ironie de l'histoire : ce même jour, 25 juin 1950, la guerre de Corée éclate. Dès lors, cette utopie s'essouffle mais ses idées restent pertinentes. Une association de Cahors entretient le souvenir de cette belle aventure.
André Breton eut pour Saint Cirq Lapopie, le coup de foudre : "J'ai cessé de me désirer ailleurs". Il achète la maison auberge des mariniers, a des démêlés avec le député du coin et, au cours du procès qui se tient à Cahors, pour la 2ème fois, et pour des raisons différentes, journalistes, hommes politiques, hommes de lettres, membres du barreau de Paris affluent dans cette ville.
Tout est prêt pour l'affrontement entre le grand poète parisien, au caractère incommode, qui tient ferme les rênes du mouvement surréaliste et qui souhaite changer la vie et l'élu conservateur, bien au chaud jusque-là dans sa circonscription de province. Mais, ceci est une autre histoire dont, si vous le voulez bien, nous aurons l'occasion de parler.
Cahors, le pont Valentré
PS : J'ai eu, pendant mes mandats, l'occasion de rencontrer Patrice Béguain, directeur régional des affaires culturelles en Midi-Pyrénées. Il est l'auteur d'un livre remarquable "Ecrivains et artistes en Quercy" (Editions du Rouergue 1999). Il s'est retiré dans le village des Arques où a séjourné et travaillé le célèbre sculpteur Zadkine.
Pierre Merlhiot
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