Terre de l'homme

Terre de l'homme

Rocs-rocs

 

Catherine Merlhiot

Catherine Merlhiot,

coordonnatrice

de "Terre de l'homme".

 

Le 28 mai, on aurait pu penser, par erreur d'interprétation, que les billets de Jacques Lannaud se terminaient avec la fin de son excursion lacustre. Catherine Merlhiot, sa filleule,  précise que ce dernier continue de nous convier à la découverte des fascinantes églises-rocs des montagnes éthiopiennes. Vous pouvez vous référer à ses précédents articles en cliquant sur les liens suivants : L'amba et le monastère de Dabra Damo, Les premiers explorateurs : la découverte des églises rocs.

 

Les billets, toujours captivants, du premier contributaire de ce blog, continueront, heureusement, de nous émerveiller.

 

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                   Animaux, tête d'homme, corps de chameau - église-caverne mariale de Qorqor

 

 

Jacques Lannaud continue de nous convier à la découverte des fascinantes églises-rocs des montagnes éthiopiennes. Vous pouvez vous référer à ses précédents articles en cliquant sur les liens suivants : L'amba et le monastère de Dabra Damo, Les premiers explorateurs : la découverte des églises rocs.

 

 

Jusqu’à maintenant, j’ai essayé de vous faire partager mon intérêt de la découverte, au cours de la seconde partie du XXiè siècle, de ces surprenants « monuments » que sont ces sanctuaires  au creux des montagnes éthiopiennes, à la suite d’un voyage dans la région au cours des années 1948-49 .

Si, aujourd’hui, des tour-operators déversent, chaque fois, de très nombreux touristes qui n’ont plus qu’à se laisser guider, arpenter les lieux en ne laissant pas trop de traces, souhaitons-le, de leur passage intempestif, à l’époque, il fallait montrer « patte blanche » pour se faire admettre, dans une contrée éloignée de la capitale, entamer de véritables palabres, chercher, parfois accompagné, le bon chemin, souvent pierreux, se faufilant à travers les rochers avec des portions d’équilibrisme et filer le bakchich à tel ou tel  pour lever des interdits. Pas de guides, quelques renseignements glanés auprès de nos conférenciers, un point c’est tout.

Que certains hommes aient consacré leur génie, leur talent, dans une recherche de la perfection esthétique et atteindre des sommets qui nous interrogent sur notre propre sort, les exemples sont nombreux et les grands musées ne désemplissent pas, révélant cette quête de la perfection et de la beauté qui font vibrer notre sensibilité et nos émotions.

Mais, ici, difficile de faire référence à une civilisation ou à une culture ancienne, à des grottes ornées comme en Europe , aux ruines d’anciens édifices comme en Mésopotamie ou de pyramides, de châteaux, de remparts… mais des influences, certes, byzantines et chrétiennes,  arabes, et des conflits pour la conquête de territoires peu étendus mais importants géographiquement, permettant d’étendre  et de contrôler des terres bien arrosées.  Malgré cela, la population a su s’organiser et défendre son patrimoine, son identité et sa langue, l’amarha seule langue écrite, d’origine sémitique.

On peut, dès lors, se demander  comment ces populations montagnardes, pauvres, misérables, dans le dénuement, ont pu sceller leurs espoirs d’une vie meilleure dans des structures cachées, quasi-imprenables où seul « leur Dieu », peut-être, pouvait discerner la quête de leurs âmes regardant vers les cimes.

Il fallait avoir une volonté sans faille pour creuser le plateau de l’Amba, creuser L’Enda Abuna Yem’ata de Guh dans sa tour rupestre, des sortes de citadelles du vertige, nom dont on a qualifié, chez nous, les châteaux cathares.

 

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                                                     La province montagneuse de Gar'alta

 

C’est pourquoi j’ai peine de vous laisser sur cet aperçu sans vous parler des aiguilles rocheuses de la province de Gar’alta dont on dit que chacune protège un sanctuaire dont l’église-caverne de Qorqor. Région comparable à l’Arizona où ont été tournés de nombreux Westerns.

 

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                                        L'église mariale de Qorqor: nef centrale

 

 

On vous abandonne à l’admiration de ce paysage montagneux que vous mitraillez de nombreux clics photographiques et, qu’est-ce qui vous ferait soupçonner que l’homme y a creusé dans le rocher des sortes de temples enfouis ? L’entrée, il faut la deviner dans le creux de quelque anfractuosité de ce rocher érodé par les vents et la pluie : il vous offre, dans ses entrailles,  une architecture qui ne ressemble à aucune autre, des fresques que l’on ne trouve nulle part ailleurs, des salles, des arcs, des coupoles, des frises qui courent sur de faux piliers, sur de fausses poutres sculptées dans le roc, des peintures bien nettes, simples, des animaux … une culture gravée dans la pierre, gestes, mimiques, attitudes..retraçant des croyances, d’hommes incarnant la foi, des silhouettes moins familières que les nôtres mais conservées au fil du temps. 

 

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                                    Deux gazelles s'affrontant - église-caverne mariale de Qorqor

 

 

Impossible, aussi, de passer à côté de Bêta Giyorgis « la maison de ST-Georges » où le roi Lalibala fit construire une église en l’honneur du saint chevalier, patron -protecteur des guerriers et de ne pas y jeter un coup d’œil : les moines montrent dans le fond du fossé, les empreintes laissées par les sabots du cheval blanc du Roi qui en contrôlait l’édification. 

 

 

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                                 L’église du Sauveur dans la bouche de sa caverne

 

 

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                                               Saint-Michel de Dabra Salam

 

 

Saint-Michel de Dabra Salam, garnie de corniches de pierres plates contre les eaux de ruissellement et son mur intérieur « à têtes de singes » que les Arabes eux-mêmes admiraient.

 

 

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                                                                  Dabra Seyon: coupoles

 

De Lalibala, la Nouvelle Jérusalem, qui se situe dans la montagne à 2600m, nous découvrons une douzaine d’églises-rocs qui se blotissent dans la pierre se détachant sur l’argent des bosquets d’oliviers. Francisco Alvarez, chapelain, premier visiteur européen, en 1521-1525 , déclarait que ces sanctuaires n’avaient pas leur pareil au monde.

 Des monolithes d’un seul et même bloc enracinés dans la roche, des blocs quadrangulaires entourés d’un fossé préalablement creusé , des tailleurs de pierre ayant donné forme à l’église à coups de pics, traçant piliers, pilastres, arcs et solives sur la roche.

On procédait à l’inverse de chez nous : on descendait du haut vers le bas sur un échafaudage et à chaque niveau, les sculpteurs prenaient le relais des terrassiers ; du toit, on passait à l’intérieur ( par les fenêtres supérieures ) et, au fur et à mesure, on taillait voûtes, plafonds, consoles, chapiteaux, tout cela dans une obscurité de plus en plus dense : ni torches ni flambeaux pour s’éclairer mais des miroirs en bronze poli réfléchissant le soleil ou des lampes à alcool sans fumée. Autre curiosité et non des moindres, à Lalibala, un seul chantier comprenait l’emboitage de structures connexes de sorte que on quitte la cour plate d’un monolithe et on se retrouve sur le toit d’un autre et, de plus, tout a été pensé pour l’évacuation des pluies diluviennes.

Pour parvenir à la réalisation de tels projets , comme pour nos églises ou nos cathédrales, il a fallu de vrais « architectes » afin de concevoir l’ensemble et de vrais responsables de métiers chargés de la construction.

Mais, restons-en là. Nos fameux châteaux, nos églises romanes, nos cathédrales gothiques font l’admiration du monde entier,  les sept merveilles du monde, les temples, les pyramides d’Egypte, du Mexique, aussi ..mais, le creusement préalable d’un fossé en plein roc, le façonnement d’un sanctuaire, des sculptures gravées dans  le roc , on n’en trouve pas ailleurs.

 Dans nos célèbres musées, pas de sculpture, pas de peinture, provenant de ces secrets et mystérieux mono-blocs rocheux. Il est heureux qu’il en soit ainsi : à Athènes, vous ne verrez pas les fameuses frises du Parthénon car elles sont la propriété du British Museum, n’est-ce pas là un vol intellectuel ? Ici, on hésite car il est quasiment impossible de détacher un gros morceau de frise, de sculpture… ils sont enfouis dans la paroi de la montagne  à l’abri et elle nous les restitue, aujourd’hui, tels quels dans leur spécificité architecturale et leur beauté originale.

En tentant de vous emmener très loin de notre Périgord natal, je souhaitais vous faire voyager dans un pays resté, longtemps, enfermé sur son grand plateau à 2400m et que j’ai connu alors qu’il s’ouvrait, à peine, au monde. Images d’un grand voyage pour l’époque, découverte d’un peuple fier, indépendant, avec une histoire qui remonte très loin dans le temps. Cet article clôt « mon histoire » et ma vision des Eglises-Rocs, partie intégrante du peuple éthiopien et de la civilisation en général.

  

Jacques Lannaud

 

 

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Demain.

 

Petit coup d'œil patrimonial sur le grand livre de l'oubli. La radiale Magnac-sur-Touvre / Marmande traversait l'ouest du Périgord.

 

Articles dont la publication est imminente.

 

Qu'est-ce-qu'un village de cœur, P-B. F ?

Naissance et création du "Petit Robert", par Jean-Matthieu Clôt.

Ce 10 juin, il y aura tout juste 20 ans qu'une inédite animation valorisa l'ancien village abbatial de Fongauffier et la Nauze. Contribution partagée par Andrée Westeel et Catherine Merlhiot. 

Chez nos voisins du Haut-Agenais. Villeneuve cette belle bastide qui n'a pas su, ou pu, garder sa gare, P-B. F .



06/06/2021
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