Lucy AL288.1
Buster Keaton (Les trois Ages)
En 2020, à deux mois d'intervalle, deux livres paraissent : "Une farouche liberté" de Gisèle Halimi et "L'homme préhistorique est aussi une femme" de Marylène Patou-Mathis.
La première, avocate, promise au panthéon si la proposition de Benjamin Stora est retenue, se situe dans la longue lignée de femmes qui, des suffragettes à Simone Veil en passant par Simone de Beauvoir, ont ardemment plaidé, avec succès, la cause des femmes.
Les suffragettes
La seconde, directrice de recherche au CNRS, connue pour sa réhabilitation de l'homme de Néandertal, plaide la cause de la femme de la préhistoire, à la suite de Claudine Cohen "Femmes des origines" (2003) et "Femmes de la préhistoire"(2016). On ne saurait oublier Pascal Picq, maître de conférence au Collège de France : "Et l'évolution créa la femme"(2020).
Fabrication du pain à l'âge de pierre
Pour tardive qu'elle soit, cette défense n'en a que plus de vivacité. Ce qui explique le titre surprenant qui doit faire sursauter dans leur tombe, les paléontologues du 19ème siècle qui ont créé cette discipline à l'image de leur société où la femme n'avait aucune importance en dehors du foyer.
Ce comportement s'est prolongé jusque dans les années 50. A leurs yeux, l'homme, chasseur cueilleur, protège et nourrit la famille, la femme est un être subalterne voué à la procréation et aux travaux domestiques.
La dame de Brassempouy
A cet égard, les nombreuses Vénus callipyges au large bassin (Vénus de Laussel) témoignent du rôle qui leur était assigné. On pense à la Vénus hottentote exhibée au 19ème siècle dans les expositions internationales.
La Vénus de Laussel
Marylène Patou-Mathis s'inscrit en faux contre cette répartition des rôles. Elle démontre que les femmes pouvaient chasser les grands mammifères, fabriquer des outils et des parures, construire un habitat et peindre dans les grottes à l'égal des hommes.
Les véritables pionnières de l'émergence d'une anthropologie féministe furent les Américaines dans les années 70 qui affirmèrent que la femme était le pilier du clan dont elle assurait la survie.
Leur slogan : " The man, the hunter,The woman, the gatherer (L'homme, le chasseur , la femme, la rassembleuse) ".
Préhisto Parc de Tursac
Revenons un instant sur le sexisme des anthropologues et paléontologues qui créent une discipline où l'homme est omniprésent et la femme invisible.
L'homme de Cro Magnon (moderne), l'homme de Néandertal (réhabilité), l'homme de Florès (un nain), l'homme de Piltdown (le faussaire).... cette litanie n'est pas exhaustive et l'on comprend l'irritation de Marylène Patou-Mathis.
Lucy
Il fallait une exception, la voilà : c'est Lucy, découverte par Yves Coppens en Afrique de l'Est en 1974. Cette australopithèque de 3,9 millions d'années mesurait un mètre dix, pesait 30 kilos et avait une espérance de vie de trente ans. L'étude de son squelette révéla que cette arboricole connaissait la bipédie. Il n'en fallait pas plus pour en faire la représentante d'une espèce à l'origine de la lignée humaine. On en fit la grand-mère de l'humanité. Mais les scientifiques se ravisèrent ; de plus, en 2001, le professeur Brunet découvrit au Tchad, un fossile âgé de 7 millions d'années qu'il appela Toumaï (espoir de vie).
Peu importe, dans l'esprit du grand public, une étoile était née, petit bout de ciel bleu dans un univers machiste.
Ses inventeurs, pris au dépourvu, choisirent son nom dans une chanson célèbre des Beatles :"Lucy in the sky with diamonds".
Lucy, nom de code AL288.1, en langue amharique "Dinqnesh" (tu es merveilleuse).
PS : Norbert Aujoulat, spécialiste renommé de l'art rupestre, me fit la faveur de me faire, à deux reprises, visiter une grotte, découverte dans la semaine, dans la vallée de la petite Beune. Après avoir rampé quelques mètres, prenant le soin de ne pas aller plus avant pour ne pas effacer les empreintes des hommes préhistoriques, je vis sur les parois des griffures d'ours et de blaireaux et, exclusivement, des dizaines de symboles féminins.
La grotte est désormais murée, sans doute pour l'éternité, dans cette petite Beune dite d'Allas, sur ces terres que l'on dit de "l'Homme" mais dont la Femme n'est jamais absente.
Pierre Merlhiot
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Demain, dimanche, Bruno va promener son regard de photographe documentaliste sur la crue du fleuve Dordogne, avec des images époustouflantes de La Roque-Gageac. Il va, aussi, par des images ciblées, vous emmener sur la Vézère, des Eyzies à Limeuil et, sur la Nauze, du pied de Belvès à Siorac. |
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