Terre de l'homme

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Mais où est donc passée cette année ?

 

Dès ce soir, les écoliers vont, pour 8 semaines, abandonner le chemin de l'école pour profiter des vacances  estivales. Jadis, celles-ci, désignées grandes vacances, immuablement, commençaient le soir du 13 juillet. La rentrée était fixée au premier octobre. Depuis, les ajustements de ces vacances ont fait l'objet de multiples rectifications. 

 

 

Émouvante image de 1934 de l'École de Sagelat. L'institutrice Céline-Angélina Calès-Issandou décéda en 1938, elle naquit le 29/10/1897, elle avait 40 ans lors de son brutal et inattendu décès. Sans son départ, plus que largement prématuré, j'aurais dû tenter d'apprendre à lire, écrire et calculer dans le carré éducatif de ses derniers écoliers. 

 

En haut : Jean Ribette, a priori Jeanne Bouyssonie [Hypothèse, peu probable, Jeanne Chapouille], Marcelle Jeannot-Bossenmeyer, Roger Pramotton, Lucienne Dubois-Gorce, Jean Daubige, Jacques Ribette, Simone Relhier et Célina-Angélina Calès-Issandou.

 

Au milieu : Émilienne Pasquet-Petit, Yvette Marty, Irène Misme-Maillet, Odette Canolle, Denise Lacan-Malzac, Robert Cypière, Roger Relhier et Gabriel Brisse.

 

En bas : Yvette Demaison-Viale, Micheline Nicolas-Annet, Serge -dit Yves- Lagarde, Adrien –dit Georges- Estrade, Lucienne Brisse-Fonvielle, Lucien Estrade et Yvette Chansard-Guludec.

 

A priori, seules Marcelle Jeannot, Micheline Nicolas et Yvette Demaison sont encore de ce monde.

 

On notera que Céline-Angélina Calès-Issandou a été une enseignante pour qui la pédagogie avait un sens. Elle ouvrit peu l'itinéraire de l'école secondaire ; à l'époque, cela n'était pas encore d'actualité. Elle inculqua le savoir de base qui, aujourd'hui, fait souvent défaut. Ses élèves ont gardé d'elle, le souvenir d'une guide qui savait apprécier et jauger son petit monde et en faire des citoyens probes, lucides et responsables. 

 

 

L'obligation scolaire
Défini par la loi, l'article 6 de la loi n° 53-49 du 3 février 1953 faisait que les écoliers devaient fréquenter l'école, au minimum, depuis l'âge de 6 ans jusqu'à l'âge de 14 ans. 

 

À l'origine, l'instruction était obligatoire jusqu'à l'âge de 13 ans, puis 14 ans à partir de la loi du 9 août 1936. Depuis l'ordonnance n°59-45 du 6 janvier 1959, elle a été prolongée jusqu'à l'âge de 16 ans révolus.

 

L'obligation n'est plus dès 6 ans (article L. 131-1 du Code de l'éducation, tel qu'issu de l'article 11 de la loi n° 2019-791 du 26 juillet 2019) mais est avancée à 3 ans.

Depuis 1967, l'école est effectivement obligatoire jusqu'à 16 ans révolus.

 

Le 28 août 1989, par le décret n° 89-607, le certificat d'études primaires est précipité dans la grande poubelle de l'histoire, mettant fin à une existence de plus de cent ans.

 

 

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Là n'est pas le problème. Le cursus scolaire normal des écoliers qui n'accédaient pas à l'enseignement secondaire, portait sur 7 ans.

 

Retenons X un(e) élève né(e) le 1 octobre1947 qui entre le 1er octobre 1953 à 6 ans au cours préparatoire.

 

C.P 1953/54

CE 1  1954/55

CE 2 1955/56

CM 1 1956/57

CM 2 1957/58

FE 1  1958/59

FE 2 1959/60

 

Fin juin 1960, X passe le certificat d'études primaires élémentaires. Il ou elle a 13 ans, le 1er octobre.

 

Que fait-on de X, qui n'a jamais redoublé, l'année scolaire 1960/1961.

 

 

 

E

 

Vingt ans après, la moitié des effectifs des élèves de cette même école l'a quittée, entre 10 et 12 ans, pour rejoindre l'école secondaire. Le certificat d'études primaires élémentaires se préparait à sombrer dans les poubelles de l'histoire. Il survivra jusqu'en 1968.

 

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Égarons-nous dans divers "jugements de valeur" sur l'enseignement.

 

On a toujours eu tendance à prétendre qu'autrefois, "on" apprenait mieux  qu'aujourd'hui. C'est tout à la fois vrai et faux.

Les élèves de Céline-Angélina Issandou devaient savoir ce qu'était une commission paritaire, la différence séparant l'assemblée nationale du sénat, comment expédier un mandat (mandat-carte, mandat-lettre), ce que l'on découvrait dans le cadastre qui n'est pas seulement le plan cadastral, combien il y a de centiares dans un hectare, de kilogrammes dans un myriagramme. Ils devaient savoir chercher un numérateur ou un dénominateur commun, comment  on obtient la superficie d'un polygone. Ils connaissaient la différence du cube et de la racine cubique, ils savaient manipuler les fractions, les nombre complexes et devaient parfaitement maîtriser la règle de 3. Au certificat d'études, un écolier devait faire peu de fautes car, avec 5 fautes entières, il avait 0. Ils devaient connaître les départements, savoir que la Loire qui naît au Mont Gerbier des Joncs, avec 1 008 km, ne compte qu'un affluent majeur sur sa rive droite, ils devaient identifier nos reliefs, savoir que le lac Tchad était "notre" possession subsaharienne, que Cavelier de la Salle avait découvert les chutes de Niagara, etc, etc. Les écoliers devaient connaître les cris des animaux. On leur inculquait que Jules Ferry avait rendu l'école laïque, gratuite et obligatoire, bien entendu en faisant l'impasse sur son concept colonisateur qui faisait peu de cas de l'intelligence des colonisés… taxés presque péjorativement d'indigènes. Il était de bon ton de dire que les Romains avaient apporté un renouveau scientifique et culturel à la Gaule, sic, que les Égyptiens avaient érigé les pyramides, que Vasco de Gama était traditionnellement considéré comme le premier Européen à arriver aux Indes par voie maritime en contournant le cap de Bonne-Espérance, en 1498, 6 ans après Colomb aux Antilles. Ils savaient que Pasteur avait sauvé Joseph Meister et fait reculer la rage.

Tout cela, avec bien des raccourcis, et pas mal d'erreurs à marteler, notamment avec l'histoire largement enjolivée par Ernest Lavisse, conduisait au certificat d'études, où il n'était pas ridicule et simpliste de dire que Louis IX, qui n'était pas un chantre de la tolérance religieuse, rendait la justice sous un chêne.

 

Tout cela, pêle-mêle, conduisait au certificat d'études primaires élémentaires remis pour servir et valoir ce que de droit.

 

Aujourd'hui, combien de bacheliers l'obtiendraient ? Il y aurait certainement un nombre d'excellents étudiants dans les universités qui seraient recalés. Cela prouverait-il qu'ils ne savent rien, heureusement que nenni.

Georges, un ancien élève sagelacois des années 50, il fut principal de collège en Normandie, m'a tenu un propos, le plus sérieusement du monde. "J'étais fier d'avoir obtenu le certificat d'études, plus fier que le jour du baccalauréat, parce qu'en secondaire, j'étais largement détaché des valeurs acquises au primaire".

Einstein, lucidement, qui -dit-on- se taxait, par le jeu d'une boutade "éclairée", de grand ignorant, estimait que nous savons tous quelque chose. L'ingénieur, maître d'ouvrage d'une station de pompage, sera probablement plus à l'aise avec les hectopièzes, [L'hectopièze (hpz) est équivalent à 1 bar], qu'avec la concordance des temps qui est beaucoup plus littéraire.

 

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Je crois que le tort collectif de nos enseignants fut de vouloir, à toute force, obtenir non des têtes bien faites mais des têtes bien pleines. J'ai en souvenir le dernier examen, de l'ancienne version, d'admission en sixième. En arithmétique, le problème porta sur les intervalles. Si j'ai eu l'occasion de passer entre les mailles, c'est parce que j'avais eu l'idée de concevoir les trois cas de figure à partir de cas concrets. Des camarades bien plus brillants ont échoué sur la problématique de ces diables d'intervalles qui étaient… éliminatoires.

 

J'ai une sympathie plus que mesurée pour Rousseau* mais pour l'erreur collégiale de l'itinérance éducative, je voudrais terminer avec  « [...] Songez bien que c'est rarement à vous de lui proposer ce qu'il doit apprendre ; c'est à lui de le désirer, de le chercher, de le trouver ; à vous de le mettre à sa portée, de faire naître adroitement ce désir et de lui fournir les moyens de le satisfaire. » — Jean-Jacques RousseauÉmile ou de l'éducation, 1762, Livre 3e, p. 203.

 

* Le rédacteur du traité d'éducation "d'Émile" ou "De l’éducation"  a commis l’acte, pour nous inacceptable, d’avoir cinq enfants, de les abandonner contre l’avis de leur mère, en sachant que cela équivalait au moins pour quatre d’entre eux à une mort rapide (la mortalité des enfants abandonnés était effroyable).

 

Pierre-Bernard Fabre



07/07/2022
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