Terre de l'homme

Terre de l'homme

Avec les noms de chemins, de routes ou autres, retrouvons notre histoire.

Clariane Witzes

 

Clarianne WITZES

Photo © Pierre-Bernard Fabre

 

 

Clarianne Witzes, la charmante manager du Centre d'Interprétation de la laine, par un geste réfléchi d'humilité, de courtoisie et de bon sens, a émis l'idée que la R.D. 710, pour laquelle, il y a quelques années, on cherchait un odonyme, prenne le nom de Route des moulins plutôt que Route de la Filature. Dans un premier axe de réflexion, la valorisation de la filature monplaisanaise, fierté locale, partagée avec les communes adjacentes, avait été l'idée mise en avant par les édiles monplaisanais suivant le maire, Jean-Bernard Lalue. Ils pensaient, certes à bon escient, donner du relief à la filature locale, une des rares survivantes de l'industrie lainière. 

Clarianne défendit alors qu'il lui semblait, pour l'intérêt général, plus judicieux de faire avancer l'idée de Route des moulins, en hommage au passé ouvrier et artisanal du chapelet de moulins qui, jadis, utilisaient l'énergie hydraulique de la Nauze.

Pas à pas, l'idée avança et, maintenant, les premiers jalons visuels sont en place. Notons que l'ensemble des communes de Siorac-en-Périgord à Mazeyrolles, a voté l'odonyme de "Route des Moulins" avec, cependant, une réserve pour Belvès. 

 

 

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L'odonyme "Route des moulins" se trouve dans divers bassins de vie. Celui du corridor Nauze-Ménaurie a, au moins, le mérite d'être un vecteur assembleur.

Photo © Pierre-Bernard Fabre

 

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Depuis plusieurs années, les édiles ont en chantier l'adressage.

 

Qu'est-ce au juste que l'adressage.

Il s'agit, comme son nom l'indique, du procédé par lequel est définie l'adresse d'une donnée sur un support.

 

Quel est le but de l'adressage sur les voies publiques.

Il faut bien reconnaître et admettre que les habitants se connaissent de moins en moins. Cela tient à la mobilité des résidents, à l'émergence de nouveaux logements dans le mitage, auxquels il faut ajouter le phénomène, de plus en plus d'actualité, de foyers recomposés. En ville, passe encore, un ménage qui habite le 16 rue des Cordeliers à Nice ou à Dieppe, est facilement localisable sur le terrain ; il n'en est pas de même pour une Reine Dubois, habitant plateau de la Chênaie à Tournefort-en-Vivarais.

Les services de secours, les gendarmes et autres ont besoin, parfois en urgence la nuit, de trouver les personnes en difficulté. Les prestataires de service, les livreurs et les auxiliaires de vie ont les mêmes problèmes quand ils doivent intervenir chez des particuliers dont le nom est, parfois, inconnu des voisins ou dont le patronyme sur la boîte aux lettres est effacé ou illisible.

 

La numérotation dite américaine.

Pour numéroter les immeubles sur la voie publique, surtout en zone rurale, le plan de numérotation nord-américain paraît le plus indiqué. Il évite de bisser les numéros. Lorsque la voie est longue, on peut substituer les décamètres aux mètres.

 

 

Plan de numérotation nord-américain

Description

Le plan de numérotage nord-américain est un système intégré de numérotation téléphonique, commun à 20 pays en Amérique du Nord. AT&T a développé ce plan de numérotation en 1947 pour simplifier et faciliter les communications locales et longue-distance. Sa mise en œuvre a débuté en 1951. Wikipédia

 

 

 

 

L'avis des citoyens

Rien n'interdit aux édiles de consulter les citoyens pour nommer les voies publiques : soit par un entretien personnalisé quand il y a très peu, voire pas, de riverains concernés, soit par une consultation citoyenne ouverte et générale. Le risque dans ce cas est de n'avoir pratiquement personne pour participer. Les citoyens sont beaucoup plus réactifs, une fois que la décision est prise, pour la trouver inadéquate et contestable. Une réunion publique précédant la validation définitive semble néanmoins être un minimum.

 

La situation idéale serait que les édiles travaillent en écoute citoyenne avant de retenir un schéma et, surtout être en capacité, avant  de le valider, de pouvoir apporter d'ultimes ajustements après avoir fait le tour des remarques citoyennes.

 

Ce qu'il serait souhaitable de faire et ce qu'il vaudrait mieux éviter.

 

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Le Bloy, colline monplaisanaise, donne une touche très locale.

Photo © Pierre-Bernard Fabre

 

L'adressage, pour être une réussite locale, mérite un soin particulier dans la recherche et l'originalité. Il n'est pas toujours aussi évident, original, reconnu, admis et pertinent de créer un odonyme inédit et imparable comme celui de la Promenade des Anglais, à Nice, ou du Quai des Chartrons* à Bordeaux.

Les résidents locaux, soit parce qu'ils ont du recul dans la connaissance du terrain, les facteurs et les notaires en connaissent davantage que le dentiste ou l'horloger,  soit parce qu'ils sont érudits de l'histoire locale et peuvent être d'excellents guides pour l'adressage. Ce qu'il faudrait favoriser, c'est l'originalité. Rappeler à Besse, aux confins du Quercy et du Périgord, qu'il y avait là un relais télégraphique ou à Cladech qu'il y avait des mines, paraît judicieux. Indiquer l'hydronyme d'un ru, permet de le sauvegarder dans notre matrice.

 

Combien de Belvésois, de Buguois ou de Cypriotes connaissent les hydronymes, de la Grille, de la Douch ou du Mounant, ces ruisseaux qui s'invitent dans leur cité. Nombre de Sarladais ignorent le nom de leur rivière, la Cuze, et, aussi, bien des Villefranchois méconnaissent la confluence du Tourtillou et du Ruisseau de l'Abime qui se concrétise au pied de leur bastide.

 

Les villes, souvent, ont parfaitement travaillé le sujet en mixant le mémoriel, Cours de la Somme, de l'Yser, de la Marne, etc à Bordeaux, des Arts, avec le quartier des musiciens à Nice, ou le rappel de la Résistance et des figures historiques, un peu partout. Pour le tissu rural, une fois le chantier de l'adressage achevé, on appréciera la justesse des émergences et l'originalité des odonymes, la restauration de noms vacillant dans l'oubli, les particularités locales qu'il paraît bon de préserver.

 

Ce qu'il faudrait éviter.

Nommer une route ou un chemin, route de Paris ou de Périgueux, serait, plutôt, inadéquat car cet odonyme peut exister dans bien des entités et peut susciter des confusions. Il faudrait éviter que l'odonyme soit répétitif dans le même secteur. Un chemin de la forêt, aussi bucolique et sympathique qu'il soit, n'a pas la même précision que chemin du Naud de la Peyre.

Aujourd'hui, les élus pensent souvent qu'il vaut mieux rester dans la neutralité pour les personnages qui ont joué un rôle civique, culturel, sportif ou autre, surtout s'ils n'ont pas de lien manifeste avec leur entité. Ainsi, les conseils municipaux de Monplaisant et Sagelat ont rejeté, à l'unanimité, la possibilité de nommer la R.D. 710, Jean Ferrat. Symboliquement, pour le devoir de mémoire, elle aurait pu converger avec la promenade Joséphine Baker.

 

 

Gaston Poupinel

Il apparaît discutable de nommer, sous le coup de l'émotion, des rues avec un nom de personne. Citons néanmoins un exemple hautement judicieux et admis par tous. Belvès a nommé Arnaud Beltrame, un officier d'exception de la gendarmerie nationale, victime de son volontariat et de son civisme, pour la voie publique qui atteint la gendarmerie.  Certaines personnes scientifiques n'ont point d'odonyme. Ne cherchez pas le nom de Gaston Poupinel**, a priori, aucune ville n'a songé à pérenniser son nom par une modeste rue. Certains présidents de la République sont rappelés x et x fois.

 

En 1885, le Docteur Gaston Poupinel invente le premier stérilisateur à air chaud appelé étuve. A priori, en dehors de Saint-Arnoult-en-Yvelines, sa ville natale, aucune commune ne pérennise le nom de ce chirurgien.  Exception qui confirme la règle, seule la ville française de Béziers, en son temps, a jugé pertinent de donner le nom d'une rue à Edward Jenner.

 

 

Pour favoriser la symbiose et éviter les méprises, un travail intercommunal peut éviter des perversités.

L'ex R.N. 10, sur la R.D. de la Garonne, s'appelle successivement Carnot et Jaurès à Cenon puis Thiers à Bordeaux. Un odonyme commun aurait parfaitement pu réunir tout le monde. Celui de Jean Jaurès, a priori, aurait rassemblé le plus d'adhésions.

Il faut bien admettre qu'affecter un nom de victime de la Gestapo ou d'un soldat mort captif ou en déportation, peut sembler naturel et légitime si ces derniers ne figurent sur aucun autre monument. 

 

Saluons la qualité des noms choisis par les anciens.

 

Quand on flâne dans un village, on reconnaît la finesse des édiles qui ont retenu d'excellents noms pour leur cité. À Belvès, de belles originalités : parmi elles, le passage Circée***, les rues du Bout du Monde, des Filhols, de l'Oiseau qui chante, de la Peyrière. À Siorac, la rue de la Cacarotière, probablement introuvable ailleurs, ou rue de Pech-Bracou ou des Huguenots. Villefranche-du-Prg arbore ses Cayres et une rue Sully, etc.

Il faut aller à Siorac pour trouver une toute petite rue, plutôt une impasse, qui "sauve" l'hydronyme de la Nauze.

Attardons-nous sur une note assembleuse monplaisano-sagelacoise qu'il convient de rappeler. L'allée Joséphine Baker obtint un satisfecit de l'ANACR pour la symbiose parfaite des édiles honorant une figure d'exception.

 

Notons que l'avenue Eugène Le Roy de Belvès est partagée en continuité avec Monplaisant. 

 

 

Oui, nos chemins ont une histoire, sachons la préserver.

 

Spontanément, viennent à l'esprit les Chemins de Saint Jacques. Ces chemins, depuis le Moyen-Àge, interpellent l'Occident. Aujourd'hui, ils sont, bien sûr, empruntés par des pèlerins mais aussi par d'autres qui associent l'histoire à la volonté tenace de l'accomplissement d'un exploit sportif ou, tout simplement, d'un désir sociétal de rencontre.

 

Un chemin des dunes à Capbreton, aujourd'hui devenu un chemin de loisir, est un musée naturel dont l'intérêt, plus que jamais, paraît évident. Tout aussi capitaux, d'autres chemins de dunes. On trouve des chemins de dune un peu partout : Quiberon, Vaux-sur-Mer, Capbreton, Cap-Ferret, Cap d'Agde, Westhoek, dans les Flandres chères à Maxence van der Meersch, et même à Agadir.

 

À Sainte Croix-du-Verdon, dans les Alpes-de-Haute-Provence, relief cher à Giono, un chemin muletier de 1 500 mètres découvre le lac de Sainte Croix dans le parc naturel du Verdon et donne des points de vue sur les montagnes et les champs de lavande.

 

Le Cami Salié, (en béarnais Lo Camin Salièr prononcé : [lu kaˈmi saˈljɛɾ], litt. " chemin du sel ") est l'antique voie salière et grande voie commerciale traversant le piémont pyrénéen d’est en ouest, parallèlement à la vallée du gave de Pau, un peu plus au Nord.

 

Le chemin Henri IV, long d'environ 35 kilomètres, véritable voie verte, qu'il est possible d'arpenter à pied, à cheval ou à bicyclette, interdit à tout véhicule à moteur,  chemin protohistorique de randonnée, trace son itinéraire du château de Franqueville à Bizanos, près de Pau (Pyrénées-Atlantiques) au lac de Lourdes (Hautes-Pyrénées) en passant par les coteaux. Il donne un alternat aux pistes forestières, chemins de terre et petites départementales. Il offre aux randonneurs et adeptes du VTT, une vue imprenable sur la chaîne des Pyrénées, le piémont et les plaines.

 

Changeons de latitude et filons vers les chemins du Mont noir, modeste émergence flamande, lieu de repli plusieurs fois cité dans l'œuvre de Van der Meersch. Ils ont toujours fasciné le romancier roubaisien. Ce mamelon, heureusement préservé, de Saint Jans-Cappel  (Zwarteberg en flamand) culmine à 152 m d'altitude, dans les monts des Flandres, à quelques centaines de mètres de la frontière.

De nos jours c'est un lieu de pèlerinage littéraire avec la villa de Marguerite Yourcenar  et le sentier de Jacinthes chemin qui lui  rend hommage au travers de bornes de découverte qui jalonnent le parcours, illustrant avec des aquarelles les paysages et les traditions des Flandres et les richesses naturelles du mont Noir.

 

Plus proche de nous, on trouve au Buisson le "Chemin de la mer" dont la finalité n'était pas identique à celle du Cami Salié béarnais qui, lui, partait de Salies-du-Béarn.

 

On trouve bien des chemins qui, historiquement, sont les legs de nos ancêtres. Certains ont perdu leur fonctionnalité paysanne. Ils étaient souvent associés au charroi du bois. Ainsi le vénérable chemin de La Renardie à Fongauffier se perd sous la végétation. Le chemin meunier qui reliait Urval à Fongauffier par la Croix de Coly, depuis un siècle, n'est plus dévolu aux évolutions muletières vers le moulin.

 

Les G.R, eux, ont tiré le signal de réactivité pour inciter à ne point saccager ce patrimoine.

 

Quand on regarde les documents cadastraux et les minutes notariales, on se surprend de découvertes en découvertes. Les chemins, jadis, étaient désignés par leur desserte ainsi le chemin rural qui, de Belvès à Fongauffier, passait par la colline de Bel Air, était appelé chemin de Carvès. Les révisions cadastrales, souvent, hélas, ont fait litière de ces précisions.

 

 

 

Le magnifique chemin rural de la Rampe de Souleillal.

Photo © Pierre-Bernard Fabre

 

 

Le cadastre sioracois est fort évocateur de ces repères ancestraux. Retenons le chemin rural de Souleillal à Belvès, de la Faurie d'Urval à Siorac, d'Urval à Rispe, de Monpazier à Barthalem et, plus énigmatique, de Roland à Souleillal.

 

 

 Situé au nord du centre historique de la capitale néo-aquitaine, le quartier des Chartrons est un mélange de bourgeoisie et d’esprit bohème.

Le quartier des Chartrons était autrefois le haut lieu des négociants de vin étrangers. Un peu à l'écart du centre de l'époque, des Anglais, Hollandais, Irlandais etc. s'étaient installés dans cette zone pour développer leurs activités. Dès cette époque, on appelle les habitants, les Chartrons, car un couvent de moines du nom de Chartreux est situé à proximité. Pour replonger dans cette période, rendez-vous rue Boirie au musée du vin et du négoce

 

** Gaston Poupinel était un chirurgien français. Elève de Louis Pasteur, il introduisit en 1885 en France, le premier appareil de stérilisation à la chaleur sèche qui commença à être utilisé dans de nombreux hôpitaux. Wikipédia 

 

***  Circé, ou Circée, est une magicienne qui joue un rôle dans l'Odyssée, ainsi que dans les légendes des Argonautes.

Elle est la fille d'Hélios et de Perseis, fille d'Océan ou, selon certains auteurs, d'Hécate.

Elle est la sœur d'Aeétès, le roi de Colchide, gardien de la toison d'or, et de Pasiphaé, la femme de Minos.

Elle habite l'île d'Aea, île que les auteurs placent diversement.

Dans la légende odysséenne, cette île est située en Italie ; sans doute la presqu'île appelée aujourd'hui Monte-Circeo, près de Gaète et de Terracine, qui domine la côte basse des Marais Pontins.

Diable, il a fallu, en son temps, trouver un érudit hélenniste pour placer ce nom, totalement inconnu par une écrasante majorité de citoyens, et lui affecter le nom d'une impasse que bien peu savent placer.

 



23/10/2021
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