Politique et banquets - Politique et gastronomie
La politique, domaine de la pensée et de l'action, ne saurait se passer de nourritures terrestres.
L'idée de cet article m'est venue de mes lectures et de mon expérience d'élu : témoin, lors des sessions, de repas de groupe qui, sans être des banquets, n'avaient rien de frugal.
Je suppose que celles et ceux qui nous ont remplacés, adoptent un style de vie plus sobre.
Les premiers banquets s'appelaient repas civiques ou républicains.
Quatre jours après la prise de la Bastille, le Marquis de Villette invitait les citoyens à organiser des repas fraternels : " Pour une révolution qui n'a point d'exemple, il faut un appareil d'un genre nouveau. Je voudrais que tous les bourgeois de la bonne ville de Paris fissent dresser leur table en public et prissent leur repas devant leur maison. Le riche et le pauvre seraient unis et tous les rangs confondus."
Ce souhait fut exaucé par deux fois sur les ruines mêmes de la Bastille, en 1792 et 1794. Le citoyen qui avait participé à ces banquets, en parle en ces termes : "Très belle et édifiante réjouissance civique. Le pain, le vin et la bonne chère y furent en abondance. Ceux qui ne possédaient rien, trouvèrent leurs couverts mis. On chanta, on dansa sur l'herbe comme en un paradis terrestre."
Très vite, ces repas fraternels et républicains devinrent un moyen détourné pour l'opposition, de braver l'interdiction de réunion publique.
En 1830, la Restauration fut renversée par une campagne de banquets organisée contre la politique de Charles X.
En 1848, après une campagne de même nature, la Monarchie de Juillet subit le même sort.
Est-ce à dire que ces banquets furent la cause directe de ces bouleversements politiques ?
Ils furent en tous cas l'allumette qui mit le feu au baril de poudre tout proche.
A la fin du XIXème siècle, des banquets républicains de plusieurs milliers de convives eurent lieu pour assurer la légitimité et la popularité de la IIIème République quand celle-ci fut menacée par l'affaire Dreyfus ou la tentative de coup d'Etat de Paul Déroulède. 30 000 citoyens sur 40 000 répondirent à l'appel et participèrent à un immense banquet.
La tradition perdure chaque année, les maires de France sont conviés à Paris par le Sénat, le sommet fut atteint en 1900 avec 22 965 couverts.
De nos jours, les repas gastronomiques prennent le relais.
Pour fêter un visiteur éminent, on lui fait connaître l'excellence de nos plats régionaux, façon d'exalter le sentiment national.
Un Président de la République, conscient de l'enjeu, demande le classement du repas gastronomique à la française dans le "patrimoine immatériel" de l'UNESCO. Il eut gain de cause en 2010.
On doit être fiers de ce classement cependant on peut s'interroger sur la nature immatérielle d'une tête de veau sauce gribiche ou d'un salmis de palombe !
je ne résiste pas au plaisir de vous présenter le menu offert par la ville de Périgueux au président Poincaré, le 14 septembre 1913, menu qui a fait l'objet de conventions entre monsieur le Maire de Périgueux Georges Saumande et le traiteur Charles Cazade demeurant place du Corderc et le tout pour 35 francs 50.
Pierre Merlhiot
PS :
Je n'aurais garde d'oublier la plantation des mais, véritable institution en Périgord, occasion de se retrouver après les joutes électorales.
Plantation d'un mai en Dordogne autrefois
Le repas de quartier plus récent traduit aussi ce désir de vaincre l'isolement autour d'une bonne table ; mais, en cette période de barrières sanitaires, quand retrouverons-nous les agapes d'antan ?
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