Pourquoi je proscris Monsieur.
La plaque du pôle intermodal parfaite dans sa composition. Photo Pierre Fabre
Tout le monde, ou à peu près, sait qu'il est d'un grotesque achevé de dire Monsieur, Madame ou, a fortiori, Mademoiselle, en parlant de soi-même.
Il paraît plus délicat, dans certains cas, de trouver l'échappatoire pour parler de certaines personnes. Le corps enseignant, au passé, a largement usé de cette convenance et celle-ci a encore de beaux jours devant elle. Le principal du collège, a priori, ne dira jamais aux élèves Raymond Normand sera votre nouveau professeur d'histoire, il dira M. Raymond Normand.
Si je prends la liberté de dire, "je vais aller rencontrer X. T…", une délicieuse enseignante honoraire, pour certaines personnes, je vais passer pour un rustre paysan du Danube, profil qui, certes, me convient parfaitement mais pas pour cette formulation, eu égard aux règles de civilité qui, grandement, prévalent encore. Les oreilles d'aucuns préfèreraient entendre, "je vais aller rencontrer Madame X. T…"
Pourquoi X.T… n'est pas une figure caractéristique de rusticité. Tout simplement, parce qu'on ne peut employer Madame que pour s'adresser à une personne, quel que soit son âge. Si je dis que j'ai croisé dans un escalier, Isabelle Aubret, il ne viendra quasiment à personne de penser qu'en n'assortissant pas son patronyme de l'adjonction d'une "insolite" Madame, je lui manque de respect.
Madame, Monsieur ou, a fortiori, Mademoiselle, formules d'appel, ne peuvent être adjointes au prénom et au nom que pour s'adresser à une personne. Dire M. X. Untel est, d'une part, ringard et obsolète et, par ailleurs, une manipulation linguistique aléatoire. En s'adressant à Jean-Claude Dubois, si un interlocuteur lui dit "Monsieur Dubois, pourriez-vous me préciser la date de votre permanence", la formule est parfaitement correcte. En questionnant sa secrétaire, on doit -ou on devrait- dire "j'aimerais savoir quand Jean-Claude Dubois reçoit ses mandants".
Pour beaucoup, l'emploi renforcé du monsieur, madame ou mademoiselle est -ou était- une marque de respect. Les bourgeois se plaisaient d'appeler leurs serviteurs de la manière la plus directe, Hubert, il faut atteler pour aller chercher Madame à la gare, mais il était hors de question de concevoir la réciprocité, Madame votre mère a-t-elle fait savoir si elle vient dimanche. Personne ne sera choqué si je dis que j'aimerais bien voir Élisabeth Borne mais je ne suis pas du tout certain, qu'interpellant le secrétariat du chef d'établissement d'un grand lycée, en sollicitant une audience pour rencontrer Solange X…, la proviseure, que cette forme ne soit pas estimée brusque et expéditive.
Élisabeth Borne, à mon sens, est aussi respectable que Marie-José Pérec, Line Renaud, ou la proviseure d'un lycée... fut-il prestigieux.
On notera que, dans un élan de modernité et de simplicité, une circulaire du Premier ministre préconisa le 21 février 2012, "la suppression de la case 'mademoiselle' de tous les formulaires administratifs", ce afin de ne plus imposer aux femmes la précision de leur statut marital.
Et les titres plus ou moins élitistes, doctoraux, emphatiques, "ronflants" ou honorifiques.
Il est d'usage de dire maître à une jeune avocate tout comme de dire docteur au médecin. Ce n'est nullement une obligation mais une forme de civilité largement admise. Si elle se présente à des inconnus d'un conseil de famille, Régine Lunac, notaire à Villeneuve, sonnera cependant bien mieux que Maître Régine Lunac. A contrario, le médecin qui entend rompre la solennité pour se présenter, dira tout simplement Rémy Duval, médecin généraliste, le bâtonnier qui affirmera sa modestie dira Fabien Lecuyer, bâtonnier de la Cour d'Appel d'A…
Une dame ne perd rien de sa personnalité, ni de son élégance, ni de sa féminité si, pour se présenter, elle s'annonce Florence Bayle. Admettez que c'est plus dans le vent que Mme Florence Bayle.
Le chemin de l'affranchissement de l'obséquiosité paraît, tout à la fois, long et rapide.
Pensons à nos ancêtres pour lesquels la rencontre et surtout le dialogue avec les personnes de l'élite, jadis, on disait ceux qui marchaient en haut du pavé, paraît aujourd'hui largement remanié.
Si au secrétariat de la sous-préfecture, j'entendais un solliciteur demander une audience avec Madame la sous-préfète, spontanément, je penserais que celui-ci s'accroche à des convenances qui tendent à disparaître.
Les concepteurs des plaques ci-dessous ont privilégié.
La sobriété, pour cette plaque, fut la règle.
Pas de fausse note, M. [hélas] prévaut pour tout le monde...
... Monsieur, là, revient à chaque pas. On notera qu'aucune civilité ne précède le nom de celui qui passe pour être le plus prestigieux d'entre eux.
Quelle forme préférez-vous pour ces plaques souvenir... pour moi, c'est tout vu.
Là aussi, la civilité de Monsieur et Madame renforce les patronymes des personnages qui, eux, n'avaient probablement pas souhaité ce soulignement. La Maison des Enfants d'Izieu aurait, à mon sens, mérité plus de sobriété.
Terminons avec une plaque bien composée.
La plaque des Coquelicots, selon moi, est parfaitement élaborée et c'est heureux pour un havre d'accueil hautement respectable et respecté dans son bassin de vie.
Photo © Sonia Roquejoffre.
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Pour terminer, ne parlez jamais de nos défunts en ajoutant M. ou Mme. Si l'on voulait, ou tenait, adjoindre quelque chose, nous ajouterions feu. Nos disparus, pas plus que Lucie Aubrac, Marcel Pagnol, Raymond Poulidor ou Joséphine Baker, n'ont besoin d'une épithète pour rester dans nos souvenirs.
Pierre Fabre
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