Terre de l'homme

Au second plan, le mécanicien monsieur Louis Serveau (1877-1963) choisi pour conduire le train du Président de la République Paul Deschanel, le 23 mai 1920, train dont ce dernier tomba accidentellement.

Le thème du train, récurrent dans Terres de Nauze, l'est tout autant dans Terre de l'Homme. Pierre Fabre et Jacques Lannaud l'ont abordé récemment. Je souhaiterais me joindre à eux et, ainsi, prendre le train en marche.

Enfants, nous l'avons connu miniature. Grandes personnes, nous en avons fait un mythe et nous nous battons pour son maintien. Le 24 août 1837, le premier train exclusivement voyageurs, reliait Paris à Saint Germain en Laye : 18 km en 25 mn.

En 2007, notre TGV classique atteignait 574, 8 km/heure. Un train japonais, sur coussin d'air, a dépassé, lors d'un essai, les 600 km/ heure.

Mais, pour fabuleux que soient ces records, ce qui compte pour moi, ce n'est pas la course effrénée à la vitesse mais les voyages et leurs aventures. Le roman, le cinéma se sont depuis longtemps emparés de cette chose mythique. Il est des voyages prestigieux : ceux de l'Orient Express, ceux de Blaise Cendrars qui se rendait fréquemment de Moscou en Mandchourie, ce qu'il raconte dans "La prose du transsibérien".

Il en est de plus modestes mais qui ont aussi leurs attraits : j'ai fait, il y a longtemps et à plusieurs reprises, le trajet Périgueux Les Eyzies, égrainant les gares de Niversac, des Versannes, de la Gélie, de Mauzens Miremont avec un seul incident notable : les braises de la loco à vapeur qui mettaient régulièrement le feu aux bordures du ballast. Il n'y a plus de loco à vapeur, les gares de Mauzens et de La Gélie ont été supprimées, cette dernière il y a très longtemps, et qui reste perdue, esseulée au milieu de la forêt Barade.

A l'occasion des fêtes du bicentenaire de la révolution, la loco à vapeur basée au Buisson fit, à trois reprises, le trajet Périgueux Les Eyzies, accompagnée par précaution......par une voiture de pompiers. Je garde un souvenir ému de ce train qui prenait son temps à travers champs et bois.

J'ai connu un autre voyage beaucoup plus long et laborieux : Périgueux Palerme en 1963 pour un séjour au club Méd : véritable parcours du combattant. Périgueux - Lyon : un parcours de lenteur et d'ennui, mais l'Italie allait nous réserver d'autres surprises. Dès le premier arrêt, notre train fut pris d'assaut par une meute de jeunes italiens fondant leur audace sur la réputation sulfureuse, qu'à tort, ils attribuaient au club Méd. Dès lors, le train spécial s'arrêta hors les gares.

Epuisé après 60 heures de train, habillé comme un provinvial emprunté, costume, cravate et valises en carton à la main, je dus, avec les autres, passer entre deux rangées de GO bronzés, au son d'un orchestre de cuivre.

Je songeais à repartir, mon épouse m'en dissuada. Bien m'en prit. Après avoir escaladé l'Etna, visité Taormine et Syracuse, la villa où Visconti tourna Le Guépard, s'être promenés avec circonspection dans Palerme la mafieuse, nous aurions volontiers prolongé notre séjour. Quand je vous disais que le train : TER ou Transsibérien, c'est toujours une aventure !

En 1918, Bérard créa une chanson : "Le train fatal". C'était l'époque des chansons réalistes disant la noirceur de la vie inspirée par le quotidien des quartiers populaires.

Fréhel, Damia....les chantaient avec une telle émotion et une telle conviction que le public avait souvent la larme à l'oeil. Voici le texte du Train fatal où le mécanicien et son chauffeur s'entretuent, laissant le train foncer vers son destin :

Roule, roule, train du désir

Dans la plaine jolie,

Vers un bel avenir,

D'amour et de folie.

Roule, roule, train du malheur,

Dans la plaine assombrie

Roule à toute vapeur

D'un élan de folie.

Pourquoi ces pleurs, ces cris, pourquoi ces orphelins ?

Pour un simple, un tout petit rien : 

l'infidélité d'une femme. "

Ne riez pas, ce n'est pas un pastiche.

Pierre Merlhiot