Trois figures de fraternité en Périgord au 19ème siècle
"Mais les choses étant là, il faut bien les dire telles qu'elles sont afin qu'on sache dans l'avenir à quel degré nous étions encore dans le premier tiers du 19ème siècle " Cyprien Brard
Pierre Lachambeaudie Eugène Leroy Cyprien Brard
1806 - 1872 1836-1907 1786-1838
Qu' y- a t-il de commun entre ces trois personnes ?
D'abord leur proximité géographique : les deux premiers sont nés à Montignac. Le troisième a résidé et travaillé tout près à Saint-Lazare.
Ils ont la Vézère en commun, mais surtout ce qui les rapproche, c'est le diagnostic qu'ils font tous trois, des conditions de vie à la campagne sous la Restauration et la Monarchie de Juillet et même au-delà pour les deux premiers, conditions de vie qu'ils dénoncent et portent à la connaissance des autorités.
Pierre Lachambeaudie :
Nous avons fait sa connaissance avec son poème, "Le médecin ". Il avait la fibre sociale. (voir l'article "Honneur au corps médical" du 26 novembre)
Eugène Leroy :
Qui n'a pas lu L'ennemi de la mort ? où deux docteurs père et fils luttent contre l'insalubrité et les fièvres de la Double, soignent à leurs frais, contractent des dettes . Leur dévouement n 'est pas toujours reconnu par la population.
Cyprien Brard :
Deux historiens l'ont sorti de l'oubli en 1995 : Michel Combet et Anne Sylvie Morelli dans La Dordogne de Cyprien Brard. Ingénieur, il exploite dans le Terrassonnais, une mine de charbon, construit des fours à chaux, une briquetterie, et une grande verrerie. Il crée pour ses 200 ouvriers et mineurs, une cité ouvrière, une caisse de secours et une école mutuelle gratuite. L'influence des utopistes Charles Fourier et Saint Simon n'est pas étrangère aux préoccupations sociales de Cyprien Brard.
Remarqué par le préfet Romieu, ce dernier lui confie la mission de faire une étude statistique exhaustive portant sur les campagnes en Périgord.
Tenons-nous en au chapitre de l'hygiène et de la santé publique. L'enquête fait apparaître un état sanitaire très médiocre. Au manque d'hygiène s'ajoutent d'une façon récurrente, épidémies de variole, de choléra, de typhus. La moitié des conscrits sont réformés.
Face à ce diagnostic alarmant, c'est presque le désert médical, à côté de médecins expérimentés et dévoués, on trouve surtout nombre d'officiers de santé non formés et qui exercent sans le titre. La population ne leur fait pas confiance. Cyprien Brard écrit : " A Valojoulx, les officiers de santé sont beaucoup trop nombreux et souvent beaucoup trop près pour la sécurité des malades."
Dans Madame Bovary de Gustave Flaubert, Charles Bovary officier de santé, rend infirme un patient qu'il opère d'un pied bot.
Cyprien Brard, chef d'entreprise, soucieux d'améliorer le sort de ses semblables, ne pouvait qu'être touché par le nombre de pauvres, de malades que des pratiques communautaires d'assistance charitable ne pouvaient que partiellement soulager.
Voilà trois hommes de notre département, très proches dans l'espace et par la pensée qui, dans des registres différents, ont apporté leur grain de sable et leur grain de sel dans ce 19ème siècle qui ne fut pas tendre envers le peuple des campagnes et des usines.
Pierre Merlhiot
PS :
En l' honneur de Cyprien Brard, le village autour de la verrerie fut baptisé Brardville. En 1967, Saint-Lazare a fusionné avec Le Lardin.
Pour mémoire, le préfet Auguste Romieu (préfet de la Dordogne de 1833 à 1843) fit acheter par le département, l'abbaye de Cadouin qu'il sauva ainsi de la ruine.
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