Terre de l'homme

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Un château fort comme au temps de Philippe-Auguste : Le château de Guédelon en Puisaye

Jacques Lannaud

 

 

D'aucuns ont pensé que notre billettiste et ami Jacques Lannaud prenait une pause. Il n'en est rien. Ce médecin, passionné d'histoire et de patrimoine, aujourd'hui, nous emmène en Bourgogne où, depuis 1997, sous l'impulsion de Jacques Moulin, une audacieuse initiative de reconstitution d'un château fort est en cours. En étant plus ou moins optimiste, le chantier devrait aboutir en  2029. 

 

     

Situons la Puisaye que Jacques Lannaud nous invite à découvrir.

À 186 km de Paris, le chantier médiéval de Guédelon,  magnifique lieu de création castrale de la commune icaunaise de Treigny, se situe dans le Parc naturel de Boutissaint.

 

La Puisaye : Terre d'eau, d'argile et de forêts.

La Puisaye en Bourgogne est un écrin de nature préservé qui recèle bien des surprises. Ce territoire formé de petites routes sinueuses, de forêts, d'étangs, de chemins creux et d'espaces naturels exceptionnels, abrite de nombreux lieux de mémoire.

C’est une région aux paysages préservés, matières de fer, d’ocres et d’eau. Une histoire et un patrimoine riche, entre château en construction, spectacle historique, figure emblématique et lieux historiques, la Puisaye n'a pas fini de se révéler à vous.

      

 

  

 

 

Puisaye (région naturelle) — Wikipédia La Puisaye [pɥizɛ] est une région naturelle française située aux confins de l'Orléanais, du Nivernais et de la Bourgogne. Cette région se nomme indifféremment Puisaye ou Poyaude et ses habitants sont des Puisayens ou des Poyaudins. Wikipédia

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                                                  Le château de Guédelon

 

Le Périgord Noir se glorifie, à juste titre, de ses bâtisses de pierre, fières et majestueuses, d’un jaune ocre, patinées par le temps, qui se dressent sur ces falaises rocheuses dominant vallées et collines boisées dont les anfractuosités ou creux sont la marque de l’érosion ou du temps et, parfois, d’une très ancienne occupation préhistorique.

 Se faisant face comme se défiant à distance, impassibles, leurs hautes murailles épaisses sont entaillées de créneaux, de chemins de ronde, de tours massives et de courtines les reliant et renforçant leurs défenses, de mâchicoulis ici ou là ou sur corbeaux, orifices par lesquels on arrosait généreusement l’ennemi de projectiles divers, pierres, eau ou huile bouillante, plomb fondu et d’étroites archères par lesquelles les archers décochaient flèches et carreaux meurtriers.

Construit par des bâtisseurs de la contrée, un petit peuple artisanal, le château n’avait pas pour seul but de défendre un territoire, une châtellenie, le droit du ban : pouvoir de justice, de police du seigneur local en charge de faire régner l’ordre contre tout ennemi ou bande de brigands ; mais, aussi, de permettre à toute une société paysanne occupée aux rudes travaux de la terre, du défrichement, à la culture des champs, aux récoltes, à l’élevage des animaux domestiques, bovins, chevaux, volailles...de subvenir à l’alimentation et aux artisans, menuisiers, forgerons, maçons, charpentiers, couteliers, couvreurs, ouvriers agricoles ou autres, de construire, réparer, façonner...et d’apporter paix et sécurité à l’abri des murs solides et protecteurs du château.

Certes, l’organisation féodale était contraignante : le seigneur engrangeait taxes, impôts divers, notamment celui de moudre le grain au moulin, d’utiliser fours, pressoirs, étangs, terres...et, à cela, l’église venait conforter et renforcer le tout, se servant au passage.

 Peu de solidarité, des liens communautaires de défense mais distendus, surtout des vassalités, dépendance hiérarchisée envers princes, comtes, ducs régnant sur un territoire plus ou moins vaste et en haut de la pyramide, le roi dont l’autorité découlait de cette reconnaissance et de l’armée qu’il entretenait jalousement avec la prérogative reconnue de réunir le ban et l’arrière-ban, seigneurs seuls ou accompagnés de leurs propres troupes en cas de guerre ou d’invasion.

Posé sur un monticule, un rocher massif, le château se voulait redoutable, imprenable pour résister aux assauts d’un siège et s’il n’était pas établi sur une défense naturelle, il s’entourait d’un large et profond fossé, les douves, pour compliquer l’attaque. Ses murs était très épais à la base et parties inférieures car il fallait résister aux mangonneaux, trébuchets, catapultes et, plus tard, aux premiers projectiles d’artillerie.

Architecture rude et fortifiée mais, à l’intérieur, portes, vastes cheminées ouvragées, entourées d’entrelacs finement sculptés, de vastes pièces pas toujours bien éclairées, des chambres de dimensions diverses, des ouvertures modestes mais, parfois avec vues imprenables ; on comprend que, dans un tel contexte, les gentes dames et beaux damoiseaux préféraient s’entourer de musiciens, poètes, troubadours plutôt que de ces rudes chevaliers mal dégrossis, habitués aux brutalités des combats, écouter le troubadour chanter, réciter des lais de Marie de France ou autres récits inventés.

Châteaux toujours aussi nobles et fiers, un peu endormis après leur prestigieux passé, construits par des amoureux des pierres, des charpentes aux poutres massives venues jusqu’à nous en chêne d’époque, chapelles aux élancements ogivaux et clés de voûte, ruines émouvantes, ils constituent un riche patrimoine auquel nous restons attachés, que nous nous devons d’entretenir, de remettre en valeur car ce sont là nos racines.

 

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                                                                 Guédelon

 

 

 Un donjon élancé, crénelé, d’accès difficile aux étroites marches, l’oriflamme sur sa hampe flottant au vent, la vue imprenable d’où les sentinelles de veille voyaient venir au loin une troupe ennemie soulevant la poussière des chemins, signalant le danger et lançant l’alerte aux populations alentour dispersées dans les champs pour qu’elles se réfugient avec leurs animaux dans l’enceinte du château, souvenirs lointains sortis de nos livres d’histoire. Le siège du château fort, l’entrechoc des soldats, les seigneurs ceints de leurs armures montés sur leurs destriers tout caparaçonnés dont les heaumes cachaient le chef, luttes sans merci, chevaux tombant à terre entaillés par les coupe-jarrets précipitant leur cavalier... quel enfant, que nous étions, alors, n’a pas vibré, quelle imagination enfantine n’a pas été emportée dans ces rudes affrontements, dans ces histoires de vaillance, de bravoure telles celles du chevalier Bayard ou du connétable Bertrand Du Guesclin.

 

 

 
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                      Chemin de ronde intérieur                                     fenêtre ouvragée

 

                                                           

Au point que ce voyage imaginaire dans le temps est devenu chez certains, passion, envie de reconstitution du passé : refaire à l’authentique un château fort avec les moyens d’époque et des bâtisseurs utilisant les outils de l’ancien temps.

Démarche originale, audacieuse, initiée par des passionnés voulant retrouver l’authenticité des travaux manuels, abnégation de constructeurs habiles et adroits, joie de se replonger dans de vieux métiers disparus ou en train de s’éteindre, disponibilité pour se consacrer à un ouvrage d’un autre temps, c’est ce parcours, difficile, risqué, que des artisans, contremaîtres, géomètres, passionnés par ces constructions si lointaines, ont voulu faire revivre en hommage à ceux qui nous ont laissé ce patrimoine.  

 

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                                                                           Le forgeron

 

 

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              Le tailleur de pierre                                                        le charpentier

 

Était-ce réalisable et d’un si grand intérêt pour nos compatriotes d’aujourd’hui qui regardent, plutôt, vers la modernité, le béton, les immeubles aux logements serrés les uns contre les autres, favorisant une promiscuité souvent compliquée ou, pour certains, ne s’imaginant plus le passé ou portant un regard indifférent, admirent ces villes nouvelles, tentaculaires qui se flattent de ces gratte-ciel toujours plus hauts qui flirtent avec les nuages ?  

Le voilà ce château fort aux confins de l’Yonne et de la Nièvre, au milieu d’une forêt, dans une vaste clairière, près d’un étang et d’une carrière de grès ferrugineux, près de celui de Saint-Fargeau, rendu célèbre par les tribulations de la Grande Demoiselle pendant la Fronde, à 30km au sud-ouest d’Auxerre.

 

 

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                                                      le travail de restauration à Guédelon

 

Jugez de ce travail gigantesque effectué sur place par ces travailleurs volontaires n’utilisant que des outils d’époque, en habits d’époque et qui ont tout réinventé sur place, y sacrifiant beaucoup de leurs loisirs :

Arrachant ces blocs de grès de la carrière, modelés par les tailleurs de pierre pour élever murailles-courtines, voûtes, escaliers à vis, fenêtres gothiques.

 

 

                     Les différents coloris                                              L'atelier de teinture

 

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                                                                 Le four à charbon

 

                Bûcherons et charpentiers construisant charpentes, portes, galeries, découpant les fûts de chêne de la forêt environnante.

                 Tuiliers et potiers fabriquant tuiles, carreaux de pavement, pots grâce à la terre argileuse ; peintres se servant des ocres et de l’hématite du sol pour leurs peintures murales du château.

                  Teinturières et leurs tissus de laine faits de végétaux (réséda, fougère, genêt, garance.)

                  Forgerons fabriquant les outils pour tailleurs de pierre, pièces métalliques, gonds, grilles de fenêtre, clous, ferronnerie... charrons, bûcherons, charretiers et leurs chevaux, engins de levage ou cages à écureuil réalisés sur place, bac à gâcher et four à chaux ....

                   Meuniers ayant créé un bief à partir de l’étang, pour faire tourner le moulin, réplique d’un moulin du XIIe siècle construit par les charpentiers et la grosse roue du moulin entraînée par le courant qui fait tourner la meule de pierre imposante pour moudre le grain.

                    Vannières tressant l’osier ou le jeune noisetier pour réaliser de gros paniers appelés mannes pour permettre aux maçons de transporter le mortier ou de petites pierres.

 

                                              Le moulin de Guédelon        

 

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Tout un monde dévoué à la tâche, refaisant les mêmes gestes qu’autrefois, solidaire et soudé pour cet hommage très particulier à ces travailleurs, ces ouvriers, ces artisans qui nous ont laissé ce magnifique patrimoine.

Commencé en 1997, le château de Guédelon a attiré et attire, toujours, des foules de visiteurs qui ne se lassent pas d’observer tous ces gens passionnés par leur ouvrage et écoutent leurs explications.

A se demander, finalement, si dans la société qui est la nôtre, orientée vers le tout automatique, l’intelligence artificielle, la variété des moyens de déplacement les plus rapides, les plus adaptés, si cette société qui passe beaucoup de temps devant les écrans, assise dans des fauteuils, ne regrette pas en quelque sorte la vie de ces anciens qui ont sacrifié leur temps à l’ouvrage, à créer des châteaux, des églises, stylisés, ouvragés, imposants,  sortis tout droit de leur esprit, de leurs compétences et de leur travail acharné.

    

 

Jacques Lannaud

 

 

Crédit photos © Château de Guédelon

 



20/10/2022
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