Terre de l'homme

Terre de l'homme

Un homme, un lieu

Garlaban

 

 

                                                                              Le Garlaban

 

A la suite de ce site mémorable ( lire l'article : Un lieu de mémoire ), nos pas nous conduisent à plus de sérénité : l’homme dont on mesure mal les limites de l’intelligence, peut s’élever à des hauteurs insoupçonnées telles que celles que vient de réussir le télescope James Webb dont j’ai eu l’occasion de souligner la fabuleuse aventure spatiale à l’occasion de son lancement, dans l’article « De l’avenir de l’homme et de son dépassement », et il est au rendez-vous en nous envoyant, à présent, des photos reconstituées de ces confins de l’univers, jamais explorés, tels qu’ils étaient peu de temps après le fameux « Big Bang. »

On ne peut que souhaiter, aussi, que ce génie humain trouvera les moyens de maîtriser cette climatologie qui s’emballe, annonciatrice de catastrophes car cette planète est notre seul refuge dans cet immense univers hostile jusqu’à maintenant.

Face à cela, que sont ces guerres d’un autre temps que déclenche un dictateur d’un autre âge, tout aussi maléfique que ses prédécesseurs, s’érigeant en commandeur du monde, piétinant sans vergogne ses engagements internationaux et méprisant envers ces démocraties qui lui ouvraient leurs portes assez innocemment.

Mais, pour le moment, réjouissons-nous plutôt de cet endroit de la campagne aixoise qui attire les foules, pour communier ensemble autour de spectacles et artistes dont la virtuosité nous emporte dans des compositions musicales pianistiques qui résonnent dans l’air crépusculaire d’une journée incandescente sous les frondaisons des immenses platanes de la Roque-d’Anthéron et de l’abbaye de Silvacane. Et pendant que la foule, debout, ne cesse d’applaudir, on aperçoit, pas très loin, l’Isère et au-delà, cette montagne sombre du Lubéron qui s’impose aux regards et barre l’horizon de sa haute crête qui se détache sur un ciel clair-obscur.

A présent, voici ce chemin sans ombre, poudreux, poussiéreux, blanc, que je monte et dont la longue ascension régulière sous le soleil contracte mes muscles jambiers qui, au fur et à mesure, s’assouplissent sans forcer le pas mais en mesurant l’effort.

 

la garrigue

 

 

                                                                               La garrigue

 

Quelque peu perdu dans l’univers de ce maquis méditerranéen qui sent les herbes sauvages, petites plantes qui luttent contre la sècheresse, réduisant leur transpiration au minimum et n’offrant au soleil que des excroissances rabougries, des épines, voire une végétation vernissée qui sécrète des essences aromatiques ralentissant, ainsi, l’évaporation, je les distingue tout en me gardant bien de les cueillir, mémorisant, autant que faire se peut, leurs senteurs subtiles :

- La rue, à fleurs jaunes, odeur forte, vermifuge, mais les femmes désireuses d’avorter l’utilisaient sous forme de tisane pour avorter

- L’aspic, lavande sauvage qui pousse entre 500 et 800 m, qui sert dans la parfumerie

- Le thym ou farigoule

- Le serpolet ou farigoulette en digestif, tisane ou liqueur

-Le romarin, utilisé en cuisine mais aussi en parfumerie, eau de Cologne

- La sarriette ou « pèbre d’ail », poivre des ânes pour les exciter et comme assaisonnement

- Le fenouil, pour le poisson

- La marjolaine ou origan, aux fleurs roses

Les grives gourmandes préfèrent, paraît-il, les grains de genévrier de Phénicie plutôt que celles du cade, arbrisseau fréquent dans cette garrigue et ce maquis. Autre végétation, les pétélins, famille des térébinthes, les mussugues, cistes à fleurs éphémères, mauves ou blanches, la baouco, herbe sauvage. Ici, point d’humidité mais, dans de rares endroits, la mousse où se cachent les sanguins et les safranés, champignons lactaires provençaux.

Le chemin poursuit sa montée, plus haut, ce chapeau rocailleux posé sur la haute colline, abrupt, entouré de parois rocheuses verticales dominant la vallée en contrebas. Voici, maintenant, des genêts à fleurs ou épineux dans cette garrigue broussailleuse de petits chênes réduits à des touffes plaquées au sol d’où leur nom local de garrus ou agarrus. Des chênes blancs, des pins d’Alep sur ces pentes arides et desséchées, complètent le paysage.

 

 

Marcel et Paul

 

 

Et, sur ces pentes magnifiques d’où on aperçoit, au loin, la Méditerranée, l’on croisait, autrefois, des troupeaux de chèvres gardés par des chevriers dont un des plus connus, Paul, le dernier chevrier de Virgile dont parle son frère, Marcel Pagnol, avec émotion, dans la préface de sa traduction en vers français des Bucoliques du poète latin Virgile et ajoute : « Sur les collines de Provence, dans les ravins de Baume Sourne, au fond des gorges de Passetemps, j’ai suivi, bien souvent, mon frère Paul qui fut le dernier chevrier de l’Etoile. Il était grand, avec un collier de barbe dorée et des yeux bleus dans un beau sourire. Sorti d’une école d’agriculture, il avait choisi la vie pastorale...il dormait sur le gravier de la garrigue, roulé dans son manteau de laine et la corde de bouc attachée à son pied. Il portait la grande houlette en bois de cade formusus paribus modis atque aere (belle avec ses nœuds égaux et sa monture de bronze) savait jouer de la flûte de Pan que j’avais achetée pour lui dans un bazar d’Aubagne

Mais, j’avais atteint la dernière épreuve : la pente raide donnant accès au sommet. Il fallait la gravir au milieu d’une broussaille qui griffe le bas des jambes et dans laquelle se perdent de petits sentiers étroits à peine visibles dans cette garrigue où les chaussures se prennent dans de véritables lacets de branches et heurtent des pierres et même des rochers cachés.

Sur cette plateforme, une vue splendide à 360° : sur le côté sud-est, la vue plonge dans la vallée de l’Huveaune et la ville d’Aubagne, vers le sud, Marseille tout de son long s’étale sur la côte méditerranéenne avec la Bonne Mère, le vieux port, le Stade Vélodrome qui brille au soleil, les îles du Frioul et les Calanques ; plus loin vers l’ouest, l’Estaque et la grande torchère de Fos/Mer et une kyrielle de pétroliers au mouillage ; vers l’est, dans une légère brume, les Alpes altières se dressent avec des plaques de neige qui brillent.

 

 

le ferme d\\\'Angèle

 

 

Alors, je me retourne et la vaste étendue de la montagne du Garlaban s’étend couverte de cette végétation méditerranéenne typique : il est probable que les bâtisses que l’on distingue à peine, soient les restes de la ferme d’Angèle.

Mais, il est temps de redescendre, la descente est aussi périlleuse que la montée. C’est là que Pagnol a trouvé l’inspiration de son œuvre littéraire géniale, au contact de cette nature merveilleuse mais rude et accidentée.

Un ancien du pays, dans une vallée adjacente, chez qui j’étais allé acheter de l’huile d’olive et des fruits de son verger, me dit,  alors que je regardais la haute falaise qui nous dominait : « Vous voyez cette anfractuosité dans le rocher, de là naissait une source qui arrosait notre petit coin de vallée puis, un jour, un individu plein de fric décide d’acheter ce terrain. Dès lors, il s’approprie l’eau au grand dam des quelques propriétaires locaux. C’est l’époque où Marcel Pagnol commençait ses fameux films auxquels j’allais assister au tournage, enfant. A partir de là, et de cette dispute de l’eau, il a eu l’idée de s’en inspirer pour son histoire de Manon des Sources. »

Etant tout près de Marseille, fallait-il vraiment prendre cette anecdote au pied de la lettre ? Pourquoi pas.

 

Jacques Lannaud

 

 



28/07/2022
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