La Forêt barade, une forêt mythique gigantesque musée vivant du Périgord.
Vergt, Thenon, Hautefort, pour la tête nordiste, à l'opposé St Cyprien, Sarlat et Carlux marquent la lisière sud tandis que Le Bugue, Les Eyzies, Montignac et Terrasson, en remontant la Vézère, établissent la sécante d'une forêt qui, aujourd'hui, n'a plus grand chose à voir avec son qualificatif occitan de "barade". Celle-ci, à mi-chemin du Pôle nord et de l'Équateur, en s'approchant de l'équidistance parfaite de ces lieux géographiques, salue à Sergeac et à Mauzens-Miremont le 45ème parallèle.
Château de la Grande Filolie. Saint Amand de Coly
Photo Patrick Garcia
Une forêt collinaire plutot hétérogène.
La forêt en Dordogne est constituée de plusieurs massifs. Pour rester dans le périmètre naturel, informel et ouvert du Pays de l'homme deux pôles sylvestres s'imposent. Le plus vaste la Forêt barade, s'inscrit entre la Dordogne et l'Auvézère, et, moins étendue, la Bessède entre Nauze et Couze qui, elle-même, se prolonge de ses appendices de la Forêt de Capdrot et du Bois de Salles campe sur la rive gauche du fleuve. L'ensemble global de cette forêt "barade" tourne autour de 1 000 Km2.
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Un joli panier de cèpes. Photo Pierre Fabre
Une forêt où les cèpes sont les seigneurs, très ponctuels, des sous-bois.
Attention les forêts du Périgord, pour leur majeure partie, sont des propriétés privatives et les promenades en forêt, en général, sont tolérées par beaucoup de propriétaires mais ne sont que des tolérances sociétales. En période de pousses de cèpes mieux vaut s'assurer que vous êtes chez un propriétaire qui accepte vos cueillettes ou que vous êtes sur le domaine public, forêt domaniale ou forêt communale. Dans ces espaces tout n'est cependant pas permis et les cueillettes peuvent être soumises à des quotas par ramasseur.
Une forêt de rapport.
La Forêt barade, vous pouvez écrire barade sans majuscule, barade venant de l'occitan qui signifie fermée étant l'épithète de la forêt, compte heureusement, ça et là, quelques espaces publics dont celle de Rouffignac. L'ensemble de la Forêt barade, ne comporte pas de chiffrage exact mais on peut la situer entre 600 et 1 000 Km2
L'écart important tient du fait que de larges zones déboisées, parfois depuis longtemps, ont fait que dans certains espaces on a perdu leur essence sylvestre.
La Forêt domaniale de Barade est estimée à 462 hectares..
La Forêt barade, largement coupée de multiples clairières est traversée en diagonale par la Vèzère. L'Auvézère peut être admise comme étant son chapeau et la Dordogne sa semelle. Remarquons ses ridelles. Côté ouest elle s'étend jusqu'au Pays Vernois et côté est elle s'approche du Haut Quercy.
Cette forêt domaniale de Barade fait partie des forêts du Département de la Dordogne. Elle relève du régime forestier français.
La gestion de la forêt domaniale de Barade est assurée par l'ONF en application du Code forestier car elle fait partie des forêts domaniales françaises.
Le centre approximatif de la forêt a pour coordonnées géographiques en décimales : 45.0775° de latitude et 0.9459° de longitude (45° 4' 39'' Nord, 0° 56' 45'' Est).
Des toponymes reviennent souvent en Forêt barade.
Le Pays d’Ans en Périgord regroupe six entités portant le nom d’Ans ; Badefols d’Ans, la Boissière d’Ans, Chourgnac d’Ans, Granges d’Ans, Sainte Eulalie d’Ans et Saint Pantaly d’Ans. Un seigneur, originaire d’Ans, localité belge jouxtant Liège, qui aurait épousé la fille du Seigneur de Hautefort en Périgord serait à l’origine de ce nom. Celle-ci lui aurait apporté en dot des territoires dont plusieurs villages portent aujourd’hui encore le nom d’Ans.
Born. Probablement dérivé du gascon bòrna : limite (dérivé du latin vulgaire bodina, botina : arbre frontière).. On trouve en Chalosse le Pays de Born.
Auberoche. Avençons avec la plus grande prudence car rien n'est certain."Daubroche" est une forme contractee de Dauberoche, désignant l'originaire d'Auberoche. Viendrait peut-être du microtopyme d'un hameau cantalou qui signifie roche blanche.
Eugène Le Roy qui a écrit "Les gens d'Auberoche", en empruntant ce toponyme, faisait un clin d'œil à Hautefort.
Une hydrographie riche d'une kyrielle de cours d'eau.
Les talwegs épurateurs du massif forestier convergent vers la Dordogne, au sud, la Vézère au centre et l'Auvézère au nord.
Citons côté nord La Lourde et Le Blâme, tributaires de l'Auvézère. Ils sont bien discrets. Le Manoire et son intermittent affluent le ruisseau de Saint Geyrac, apportent leurs eaux à l'Isle. Au centre La Manaurie, Le Moustier de la R.D font face au Coly de l'autre rive, et à la Beune. Tous grossissent la Vézère. Marquant la lisière sud L'Enéa, Le Mounant, le Ruisseau d'Aurival et Le Boule, eux, filent vers la Dordogne.
Un chapelet de manoirs et de châteaux.
La forêt a été ponctuée de demeures cossues, de manoirs et de châteaux. Parmi ces demeures seigneuriales remarquons celles adjacentes à la Vézère où l'on rencontre Campagne, la Maison forte de Reignac, Belcayre et le château de Losse mais il y en bien d'autres plus effacées. Plus ou moins isolés, Hautefort, le château de Chabans et le château de Commarque signent à leur manière le Périgord historique et authentique, tandis que le la lisière sud impose Beynac et le château cypriote de Farges.
Notons la fantaisie architecturale de Rastignac, château français construit entre 1811 et 1817 par l'architecte Mathurin Salat, sur la commune de La Bachellerie. Le château et son parc font l'objet d'un classement au titre des monuments historiques.
Son apparence le rapproche de la Maison blanche. Gardons nous de dire que La Maison-Blanche est une copie, comme d'aucuns, bien à tort le prétendent. La résidence officielle et le bureau du président des États-Unis, bâtiment en grès d'Aquia Creek et peint en blanc, construit entre 1792 et 1800, s'inspire du style georgien. Wikipédia
Une forêt conservatrice de bien des paysages différents.
La Forêt barade ne manque pas de charme par ses paysages, ses rivières, ses ruisseaux et rus et aussi par ses chemins et sentes qui sentent bon surtout à l'automne quand le miracle des fantaisies sylvestres incite les chercheurs de champignons à observer les sous-bois.
Ce massif forestier collinaire résultat de la lente érosion du socle hercynien qui s'est dressé vers la fin du Carbonifère, à l'ère primaire, il y a environ 300 millions d'années, a réduit ses sommets qui oscillaient autour des 8 000 mètres. Aujourd(hui il concède quelques hauteurs qui dépassent les 300 mètres. C'est dans le Pays d'Ans, aux Carrières, à Nailhac, à 356 mètres, que l'on doit être au point culminant de la Forêt barade. Un peu plus au nord les premières collines limousines, elles, dépassent les 400 mètres. C'est logiquement à Limeuil, alt 45 m, que l'on trouve son point le plus bas.
Une forêt passeuse de mémoire frondreuse.
La forêt barade a connu ses frondes dont le plus célèbre est Pierre Grellety surnommé « le dernier croquant » est un personnage célèbre du Périgord dans une petite commune de Dordogne : Saint-Mayme de Pereyrol.
Sous le règne du roi Louis XIII, en 1638, un capitaine du roi cherchant à enrôler de force de jeunes recrues s'en prend à Jean Grellety ; son frère Pierre, simple laboureur, sortant alors d'une maison ajuste le capitaine et l'abat d'un seul coup.
Commence alors pour Pierre Grellety une vie misérable dans la forêt de Vergt, mais peu à peu, convaincu de la justesse de son acte, il rejoint d'autres proscrits comme lui en révolte contre les oppressions dont ils sont les victimes.
Par la suite les "talents" stratégiques du croquant sont reconnus et il devient un auxiliaire du roi qu'il avait combattu.
Le , Pierre Grellety reçoit du Roi les lettres patentes attestant de l'amnistie générale pour tous ses hommes et pour lui une charge de capitaine dans les armées du roi, dans le poste de gouverneur de la cité de Verceil en Italie.
Plus proche de nous Eugène Le Roy, maître du roman du terroir, nous laisse une œuvre immense dont Jacquou le Croquant est le roman le plus connu, mais il y en a bien d'autres. L'histoire romanesque certes, mais dramatique et cruelle est, par la fiction, un assemblage des conditions de vie des gens de la Forêt barade. L'écrivain, au départ, était tenté par le choronyme de "La Forêt barade" pour son œuvre capitale. L'assaut du Château de l'Herm, par Jacqou et ses partisans, n'est qu'une reprise romanesque d'un épisode concomitent à l'époque de Grellety.
Les noms du chevalier de Galibert, du brave curé Bonal et de sa servante la bonne Fantille "vivent" toujours dans cette Forêt barade... et dans tout le Périgord.
Ce blog reviendra sur ce chantre du Périgord.
Une forêt où les mythes ont été vivaces.
Pays de lointaines croyances les bûcherons et les paysans crédules avaient encore il y a à peine plus d'un siècle peur des "lébérous". Les conteurs du Périgord, dont Monique Burg et Daniel Chavaroche, tous deux purs"baradais", sont intarissables sur ce thème des "cantous".
Si ces croyances "naïves" ont heureusement disparu les habitants de la Forêt barade, à l'occasion, savent festoyer.
Nos amis Michel Rafalovic, Le Coux, Henri Bouchard, Castels, et Mady Balat, Mouzens, étaient les maires les plus "sudistes" de la Forêt barade lors de la Félibrée de 2018. Photo Pierre Fabre
Ce billet n'aborde pas l'important volet de tous les chapitres souterrains, grottes, cavernes, gours et gouffre. Il feront l'objet d'un article ultérieur pour lequel toutes les contributions seront les bienvenues. |
Gardez vous de dire que vous connaissez la Forêt barade.
Ne croyez pas que vous connaissez la Forêt barade parce que vous avez visité Rouffignac, aperçu le château de l'Herm, déjeuné à Montignac, acheté des fraises à Vergt ou parcouru les sites touristiques du Bugue ou des Eyzies. C'est tout un ensemble qui dans ces vallées, vallons et collines porte l'authenticité du Périgord rustique mais follement attachant.
Cette forêt envoûtante, s'il en est, mérite une autre découverte qu'un passage sur ses axes routiers majeurs. Toute une kyrielle de villages appelent à la découverte et si Stellio Lorenzi, avec Jacquou le Croquant, a donné un énorme coup de pouce à Fanlac bien d'autres sauront vous séduire dans les pays d'Ans ou d'Auberoche soyez les découvreurs d'une ruralité sylvestre où les croquants ont donné toute la noblesse paysanne à ce Périgord noir qui est -et de loin- le plus typique.
Si vous êtes amoureux du Périgord soyez, aussi, amoureux de la Forêt barade.
Pierre Fabre
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