Terre de l'homme

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Une révolution vaccinale : un probable prix Nobel de Médecine à la clé

 

La COVID 19, fléau de notre siècle, bien plus dévastateur que les conflits sociaux, voire les guerres, hypothèque la vie planétaire. Face à ce danger difficilement contournable, des millions d'anonymes opèrent chaque jour, au péril de leur propre vie. Ils sont soignants, aides-soignants, agents de maintenance des structures médicales et hospitalières, sapeurs-pompiers, gendarmes et tant d'autres que l'on n'imagine pas. À l'heure où tant de luttes sociales apparaissent presque insignifiantes au regard de cette terrible interpellation, l'humanité fera-t-elle, pourra-t-elle,  mondialement faire face. Au moment où de grands noms de la médecine vacillent devant le gouffre de l'oubli, combien de citoyens situent l'avancée extraordinaire du vaccin bilié de Calmette et Guérin qui, il y a tout juste un siècle, fut la progression que le monde attendait.

Aujourd'hui, notre ami Jacques Lannaud, la plume médicale de ce blog, dans son billet, "Une révolution vaccinale : un probable prix Nobel de médecine à la clé" met en avant le travail extraordinaire de ces chercheurs qui, hélas, dans la grande marche du temps, sont moins souvent cités que les "pontes" de la politique, du sport ou du spectacle.

 

Merci Jacques pour votre billet. Implicitement, il allume une formidable lueur d'espoir.

 

 

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drew et katalina

 

                                                          Drew Weissman et Katalin Kariko

 

Je ne vous apprendrai rien en rappelant que l’affaire du vaccin contre le Covid 19 a été, certes, un problème de chercheurs mais, aussi, une course contre la montre.

Ils étaient douze au départ dans les starting-blocks dont dix avaient de sérieuses références scientifiques et, parmi eux, deux ou trois pouvant prétendre gagner la compétition. Et, voilà que deux autres peu connus par leurs travaux et apparemment distancés par la valeur des publications de leurs congénères, viennent semer le trouble. Ces deux-là, certes doués, n’avaient pas atteint ces niveaux et jusque-là s’étaient contentés de parcours moins ambitieux.

 

Toutefois, voilà que se renouvelle l’histoire du lièvre et de la tortue et on se réveille un beau matin en apprenant qu’ils ont coupé la ligne, les premiers. Leur trouvaille était révolutionnaire et leurs concurrents bien obligés de constater qu’ils avaient été coiffés sur le poteau. Il suffisait, désormais, de mettre en route les chaînes de production après des essais rigoureusement menés, faire habiliter le produit par les autorités sanitaires, le stocker, le distribuer, l’administrer. Ce vaccin, hors du commun, venait de réussir les essais cliniques  avec une efficacité évaluée à 95% : le vaccin Pfizer-Clin-Biontech.

 

Jusqu’à maintenant, les vaccins étaient fabriqués à partir d’organismes vivants atténués, entraînant une réaction immunitaire proche de celle d’une infection naturelle (cas de virus tels que ceux de la rougeole, rubéole, oreillons, varicelle…) . Ou bien INACTIVES (rage, leptospirose ) ou virales ( polio, grippe, hépatite A ) et aussi des fractions d’anatoxine (dipht/tétanos ) etc…

 

Mais, dans le cas présent, ce sont des vecteurs nucléiques qui permettaient d’exprimer une protéine Spike, immunogène du SARS-COV2 par la technique dite de l’ARN messager, ARNm introduit dans les cellules dans le but de produire l’antigène vaccinal.

 Par ce truchement, on amène nos cellules à fabriquer un composant du virus en introduisant l’ARNm qui code pour ce composant, en l’occurrence une protéine qui ne risque pas de provoquer la maladie mais va stimuler le système immunitaire. Cet ARNm ne peut modifier le génome, la technique est simple et rapide mais, en raison de leur fragilité, ces vaccins doivent être conservés à très basses températures.

 

Quelques notions techniques :

          Acide désoxyribonucléique (photo ci-dessous) : il est le support du génome, donc de toute l’information génétique et contient tous les plans (gênes) de fabrication des protéines de notre organisme. Ces protéines seront fabriquées à l’extérieur du noyau cellulaire à partir de ribosomes (usines de production) sous l’impulsion d’un brin ou duplicata d’ADN, l’ARNm. (voir site INSERM.fr/information-en-santé/c-es )

 

colonne

 

 

Reprenons le cours de notre histoire. C’est une scientifique discrète et modeste qui est à la  base de cette découverte : Katalin Kariko qui habite Philadelphie. Elle est hongroise d’origine, née dans une petite ville, Kisujszallas, il y a 65 ans. Son père était boucher et elle décida de se lancer dans les sciences et de se spécialiser en biochimie et plus particulièrement sur l’ARNm, composé d’une succession d’acides aminés : Alanine, Cétosine, Guanine, Uracile.

 

La chercheuse se met au travail au Centre de Recherche biologique de Szeged où l’équipement était réduit. Finalement, elle quitte la Hongrie en 1985 avec son mari et sa fille de 2 ans. Elle débarque sans rien à Philadelphie d’abord, à Temple University, puis elle est recrutée, rapidement, par la célèbre université « UPenn », fondée en 1740 qui comprend huit établissements réunis sous le dénominatif Ivy League, le gotha académique. Là, dans le secteur cardiologie, elle se familiarise avec la thérapie génique entreprise par d’autres chercheurs qui se consacraient à l’ADN. Mais, les recherches butent ; toutefois, l’idée de cette thérapie, Katalin Kariko s’y accroche avec l’envie d’utiliser l’ARN pour s’attaquer à la mucoviscidose et au cancer, ce sera son arme et non l’ADN porteur du génome et de risques possibles.

 

Son entêtement l’oppose aux autres chercheurs et, en 1995, on l’écarte de la liste des titulaires, elle est rétrogradée et renvoyée du département de cardiologie.

Malgré tout, elle poursuit dans des conditions plus laborieuses et elle fait la connaissance, un jour, d’un jeune chercheur qui travaille sur un vaccin contre le Sida avec de l’ARN, Drew Weissman. A eux deux, ils passent en revue toutes les 140 modifications possibles de l’ARN . Deux d’entre elles s’avèrent efficaces et n’entraînant pas les inflammations que provoque le système immunitaire .

 

Le verrou a sauté.

A partir de là, peut être envisagée l’utilisation de l’ARN pour stimuler les cellules en vue de leur faire fabriquer des protéines thérapeutiques. Nous sommes en 2008. En 2012, ils réussissent à faire produire par des souris et des singes, de l’EPO pour les soigner de leur anémie.

Pour protéger l’ARN, cible d’enzymes destructrices dans l’organisme, ils le protègent avec des nanoparticules lipidiques qui se dissoudront, une fois entrées dans les cellules.

Après de sérieuses déconvenues avec l’université cherchant à faire breveter l’invention, les deux chercheurs n’ont pas les moyens d’en racheter la propriété, le montant s’élevant à 300 000 dollars.

Déçue des mauvaises manières de UPenn, Katalin Kariko se tourne vers l’Europe et notamment l’Allemagne. Elle se laisse séduire par une start-up créée à Mayence par un couple de médecins d’origine turque, Ugur Sahin et Ozlem Tureci. On lui propose de devenir vice-présidente de l’entreprise et elle  accepte.

D’autres start-up américaines ont pris un petit métro de retard dont Moderna présidée par le français Stéphane Bancel.

 

Il n’est pas question pour Sahin et Kariko de s’associer à l’une d’elles mais, plutôt, au  géant pharmaceutique américain Pfizer qui possède la force de frappe et l’atout de sa responsable vaccin : Kathrin Jansen. Un accord est conclu en 2018 et on apprend, ensuite, la survenue d’une épidémie de pneumonie virale en Chine dont le virus, un coronavirus, a été identifié. Dès lors, à partir du génome envoyé par les Chinois, on sélectionne les meilleures cibles capables de créer la réponse immunitaire. Un accord est signé entre Pfizer et Biontech pour la production du produit qui reste la propriété exclusive de la start-up allemande.

 

On peut en conclure que, bien avant tout le monde, Katalin Kariko avait compris toutes les possibilités thérapeutiques de l’ARNm dont on dit, aujourd’hui, qu’il risque, dans un avenir proche, de bouleverser toute la pharmacopée : ouverture vers des traitements anti-cancéreux plus performants, capables de s’ajouter à une panoplie déjà très importante et à des avancées considérables.

 

Aujourd’hui, on a suffisamment de références pour proclamer « l’insolente réussite de ce type de vaccin contre le Covid 19 » : pourcentage de protection 60% la 3iè sem., 70% la 4iè, 84% la 5iè après la 2iè injection ( résultats similaires d’Israël et Ecosse ).

 

Bégninité des réactions, j’en atteste moi-même.

 

Probable que l’on tienne là une technique qui ouvre de nouveaux horizons prometteurs .

 

Jacques Lannaud

 

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Demain [en principe]. Ce laboureur de la Forêt barade ne siffle plus. Il s'est définitivement tu.



09/03/2021
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