Terre de l'homme

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"14 juillet 2019 : une journée particulière" ou "Une crise peut en cacher une autre", par Pierre Merlhiot

 

France 3

 

 

                                                 France éparpillée par petits bouts façon puzzle

 

Cela fait deux ans que ça dure. Cette crise sanitaire, dont on ne mesurait ni l'ampleur ni la durée, se double d'une crise politique et sociale. L'une alimentant l'autre.

Nous n'en voyons pas le bout. Nous nous croyions à l'abri de toute catastrophe : les grandes pandémies du Moyen-Age, la grippe espagnole étaient  derrière nous. De toutes façons, les chercheurs et la pharmacopée allaient nous tirer de ce mauvais pas.

 

 

soignants

 

                Merci à nos héros : tous les soirs à 20H, les Français applaudissent les soignants

 

 

Dans un premier temps, la crise sanitaire a rapproché nos concitoyens : création spontanée d'ateliers de fabrication de masques, repas offerts, éloges marqués à l'adresse de nos chercheurs, médecins et aides-soignants. Nous étions embarqués sur le même bateau. La solidarité et la fraternité étaient de mise. On allait changer de mode de production et de consommation.

Voeux pieux pour une bonne part.

 

 

barrière

 

 

Petit à petit, les choses se délitent, on reproche à l'Etat de ne pas avoir anticipé ; les gestes barrière tiennent l'autre à distance ; les craintes de la  contamination entretiennent la suspicion. Dans la recherche d'un bouc-émissaire, les fake-news se multiplient.

Chaque semaine, des manifestations ont lieu, leurs slogans traduisent l'hétérogénéité des manifestants : les uns s'opposent à la vaccination, d'autres au pass sanitaire, certains aux deux. Mais, à ces personnes qui exercent leur droit de manifester, se mêlent des gens dont les arrière-pensées politiques sont évidentes et les slogans injurieux, voire racistes.

Un dialogue de sourds s'est installé : on est loin de la fraternité du début, on en vient parfois aux mains, on dégrade le mobilier urbain, on s'attaque à des pharmacies.

Ce climat délétère ne devrait pas nous surprendre. Cela fait des années que l'individualisme est roi. Le discrédit de certains partis politiques, leur incapacité à faire des alliances, à rassembler nos concitoyens, le regain identitaire, l'absence de personnalités inspirant la confiance et indiquant la route à suivre  : autant de signaux qui auraient dû nous alerter sur la façon chaotique dont nous allions traverser la crise sanitaire.

Jérôme Fourquet, brillant analyste politique, nous ouvre les yeux dans la préface de son livre "L'Archipel Français - naissance d'une nation multiple et divisée" (septembre 2020).

Il choisit la date du 14 juillet 2019 pour expliquer l'éclatement, l'archipélisation de la société française. Ce même jour, trois événements successifs témoignent du bien-fondé de son analyse.

 

 

défilé militaire
gilets jaunes
supporters algériens

 

 

Dans la matinée, le défilé militaire, toujours solennel et maîtrisé, passe devant les Parisiens et les corps constitués, symbole de l'unité et de la grandeur de notre pays qui, chaque année, commémore la fête de la fédération de 1790.

Dans l'après-midi, des centaines de manifestants se revendiquent des gilets jaunes, investissent les Champs-Elysées, dégradent le mobilier urbain, érigent des barricades et affrontent les forces de l'ordre.

Dans la soirée, des dizaines de milliers de supporters français d'origine algérienne se massent sur les Champs-Elysées pour fêter la victoire de l'équipe de foot d'Algérie dans une mer de drapeaux algériens. Manifestation qui se termine par un affrontement avec la police.

Ces supporters, tout à leur joie, n'avaient pas compris que le souvenir de la guerre d'Algérie était encore présent dans toutes les mémoires et que leur comportement pouvait apparaître comme une provocation et un refus d'intégration. Rappelons-nous le 6 octobre 2001, lors du match France-Algérie, où la Marseillaise fut conspuée de bout en bout devant Lionel Jospin, Premier ministre, sermonné par Jacques Chirac pour ne pas avoir quitté le stade.

 

Ces trois séquences, dans la même journée, sont comme une allégorie des divisions de notre société.

 

Crise politique, crise sanitaire, crise économique : tout est lié.

Notre société est malade. J'ai connu comme militant et élu, des périodes où les désaccords s'exprimaient avec passion et âpreté : les élections mettant un terme momentané à ces tensions.

 

Tel n'est plus le cas. Le climat est malsain. Certains ne trouvent pas mieux que de saccager la permanence d'un élu ou un centre de vaccination. Il est vrai que partis politiques et syndicats n'arrivent plus à jouer leur rôle, que peu de personnalités paraissent capables d'assurer la cohésion de la nation. Avec la crise, les inégalités s'accroissent, les classes moyennes redoutent de perdre leur statut et le manque de maîtrise de l'informatique relègue une partie de la population au bas de l'échelle sociale. Pour autant, rien ne justifie la violence de certains comportements sur la voie publique.

Ces deux dernières années, rien ne nous a été épargné : crise sanitaire, explosion sociale, catastrophes climatiques, terrorisme qui, maintenu jusqu'ici à distance, est sur le point de frapper à nos portes.

Nous avons cependant des raisons d'espérer : la vaccination et l'avancée de la recherche nous laissent entrevoir le bout du tunnel, la croissance économique repart après une année très difficile, dans les collectivités locales et territoriales, dans le secteur associatif, élus et bénévoles ne se laissent pas abattre.

 

C'est sans doute  à ce niveau où les liens sociaux de proximité existent encore, qu'on trouvera en partie le remède à cette fragmentation sans précédent de notre société.

 

 

Pierre Merlhiot

 

 



29/08/2021
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