Aidons-nous les uns les autres
L'angélus de Millet
L'article "Nous paysans" a suscité de nombreux commentaires.
Gérard Hicès nous a gratifiés d'un poème de sa composition évoquant la joie de vivre à la campagne, Pierre Fabre, d'un poème de Verlaine, écrit après sa conversion, exaltant les richesses de la nature.
Sylvette Roussel trouve que j'ai idéalisé le monde paysan : elle n'a pas tort mais il faut bien admettre que les défaillances de quelques-uns n'altèrent pas l'intégrité et les mérites d'une profession.
La moisson de Pieter Bruegel (1565)
A l'occasion de cette pandémie, l'ensemble des professions font corps pour nous rendre la vie supportable et ce n'est que par un artifice d'écriture que l'Etat sépare ce qui est essentiel de ce qui ne l'est pas. Espérons que, le moment venu, la culture, la restauration... retrouveront leur place.
Toutefois, sans établir une hiérarchie des professions, il faut admettre que certaines d'entre elles sont, dans des périodes de crise majeure, économique, sanitaire, sociale, plus sollicitées.
Je retiendrai 3 sphères : le monde médical, le monde ouvrier et le monde paysan.
Nous avons longuement parlé du 1er, il fut présent pour la grippe espagnole, il l'est pour la pandémie. Il a ses figures tutellaires : Pasteur, le docteur Schweitzer, médecin, pasteur, théologien, philosophe. Il obtint le prix Nobel de la paix en 1952. Retenons sur le plan local, l'éloge dithyrambique de Pierre Lachambaudie, notre poète montignacois, à l'intention des médecins.
Albert Schweitzer
Le monde ouvrier a, lui aussi, sa figure tutellaire : c'est celle d'Etienne Lantier, personnage de "Germinal" d'Emile Zola. Les gueules noires : qui s'en souvient ? Métier de bagnards, mineurs victimes de la silicose, de la répression. Rappelons-nous la catastrophe de Courrière le 10 mars 1906 (1099 morts). On leur doit l'autorisation des syndicats (1884) et le repos dominical (loi du 13 juillet 1906) mais surtout la bataille du charbon gagnée au lendemain des 2 guerres et qui permit la reconstruction de notre pays. Dès 1946, la production atteignait le niveau d'avant-guerre. A leur mesure, les mineurs du Dantou, de Cladech......participeront à cet effort au prix de nombreux sacrifices.
Il aura fallu longtemps pour que le monde ouvrier et le monde paysan trouvent leurs lettres de noblesse : ils le doivent en grande partie à Emile Zola qui a mis à l'honneur ces deux mondes que certains ont tenté d'opposer. La description qu'il en fait dans " Germinal" et dans "La terre" ne fait pas de concession, Balzac non plus dans son roman "Les paysans" ; mais, au bout du compte, c'est l'aspect positif qui l'emporte : l'attachement à la mine et l'amour de la terre.
Le monde rural a été valorisé et idéalisé depuis longtemps. Sa vision idyllique mêlée de patriotisme remonte à la fin du XIX ème siècle, période où l'on prépare la revanche après la défaite de 1870. Les chants dits "de la France profonde" en sont témoins : La chanson des blés d'or (1882), La voix du chêne (1905), Le credo du paysan (1897) :
Mon dur labeur fait sortir de la terre
De quoi nourrir ma femme et mes enfants
Mieux qu'un palais j'adore ma chaumière
A ses splendeurs je préfère mes champs
Emile Verhaeren n'est pas en reste dans son poème "L'effort":
Je vous aime, gars des pays blonds, beaux conducteurs
De hennissants et clairs et pesants attelages
Et vous, bûcherons roux des bois pleins de senteurs,
Et toi paysan frustre...
Je vous sens en mon coeur, puissants et fraternels !
Ce monde paysan a tenu ses promesses, au cours des 2 dernières guerres, en l'absence d'hommes au front ou prisonniers, et a continué à produire et à nourrir le pays.
Dans cet éloge du paysan, l'Etat ne fut pas en reste : la Semeuse figure sur les pièces de monnaie dès 1897 et se trouve encore sur les pièces de 10, 20 et 50 centimes d'euros et sur les timbres de 1903 à 1929.
Mais la figure tutellaire du monde paysan, c'est incontestablement "L'angélus" de Millet ( 1857-1859) où le peintre met en scène un couple de paysans dans leur champ, à la tombée du jour pour la prière de l'angélus.
Reproduit maintes et maintes fois sur des supports aussi variés que calendriers, canevas, cahiers d'écolier, ce tableau avait tout pour devenir un chromo : une vision figée d'un monde paysan archaïque et idéalisé. Il n'en fut rien. Ce tableau est resté un chef d'oeuvre, auquel Salvador Dali a consacré tout un livre, qui a résisté au temps et qui, par delà les mutations, est resté pour beaucoup un symbole fort du monde rural.
J'ai évoqué ces trois mondes parce que l' actualité s'y prêtait et s'y prête encore : l'épisode des "gueules noires" nous renvoie tout naturellement à notre industrie trop longtemps délaissée, un monde rural en pleine mutation qui cherche à concilier productivité et écologie, un secteur médical tous les jours sur la brèche, depuis plus d'un an.
S'en tenir là serait oublier toutes les autres professions qui assurent notre savoir, notre sécurité, notre défense ..........et qui méritent les mêmes éloges.
Pierre Merlhiot
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