la Seudre : axe fluvial primordial pour le bassin ostréicole de Marennes-Oléron
Entrée chenal de la grève de la Tremblade photo Jacques Lannaud
Ma petite est comme l’eau, elle est comme l’eau vive
Elle court comme un ruisseau que les enfants poursuivent
Courez, courez vite si vous le pouvez
Jamais, jamais vous ne la rattraperez...
Pleurez, pleurez si je demeure esseulé
Le ruisselet au large s’en est allé.
Guy Béart- L’eau vive
Discrète, entre Garonne et Loire et les très visitées Dordogne et Vézère... la Seudre n’a pas à rougir de ces magnifiques cours d’eau, bien que petit « fleuve » côtier de 68km aux rives propices à la détente, aux plaisirs aquatiques, une faune et une flore spécifiques à ces zones humides, elle peut se targuer de son rôle essentiel dans l’économie du bassin ostréicole de Marennes-Oléron.
Certes, moins paresseuse que sa voisine la Charente qui prend son temps pour atteindre la mer, se prélassant dans les terres, serpentant, passant à vitesse réduite sous le pont Transbordeur de Rochefort, se jetant, enfin, dans la mer à Port- des-Barques face à l’Ile Madame tandis qu’une grande voile ou un cargo, vision surprenante, la remontent lentement semblant flotter au-dessus des champs.
Le cours de la Seudre
Son cours assez rectiligne, son débit est très inférieur à celui de sa grande sœur et aux consœurs déjà citées : 40 m3/s pour la Charente en moyenne annuelle contre 0,96m3/s. Mais, la Seudre, rivière paisible aux rives verdoyantes, prend des allures impressionnantes à l’approche de l’embouchure et s’élargit en un estuaire digne de la Seine ou de la Loire. Comment cela se peut-il si ce n’est la conséquence de ces rivages plats où les marées pénètrent profondément dans les terres à la moindre échancrure, prennent leurs aises comme dans un « aber » repoussant, sans vergogne, le petit fleuve qui ne peut lutter contre une telle puissance, élargissant son lit, accaparant ces zones marécageuses où se réfugient les oiseaux migrateurs et n’hésitant pas à remonter très loin en amont jusqu’à Saujon, se croyant tout permis.
Simple ruisseau, perdu dans un sillon de verdure, la Seudre émerge de sa source Saint-Antoine à Saint-Genis de Saintonge puis s'incline vers le nord-ouest, atteint la ville de Saujon au port de Ribérou dit « port des eaux contraires » et là, se trouve un point de non franchissement : en amont l’eau douce, en aval l’eau saumâtre et de puissantes écluses, rénovées en 2008, veillent très rigoureusement à cette séparation, l’eau de mer butant contre cet obstacle et, ainsi, évitant des débordements désastreux pour les terres agricoles et la cité, notamment en saison pluvieuse.
Ecluse - photo Wikipédia
Aménagements essentiels car si la rivière d’amont et ses affluents gonflent, se conjuguent aux marées à fort coefficient, ce serait une victoire océanique, d’où la nécessité et la justification de ces ouvrages et des éclusiers chargés de les manipuler : « Quand il pleut beaucoup, que les coefficients sont forts et qu’en plus le vent venant de la mer souffle en augmentant la houle, cela devient très compliqué à gérer. » (Conseil municipal de Saujon.) et l’ouverture de celles-ci, lorsque la mer est basse, entraîne l’écoulement, naturellement, de ce surplus d’eau vers l’aval.
Le chenal à marée basse - photo wikipédia
Quant à l’étiage du fleuve, il est, bien sûr, tributaire des saisons et des intempéries comme tous nos cours d’eau ; mais, ici, la remontée de la mer loin en amont, joue un rôle capital suivant que notre sympathique rivière charrie des eaux en abondance ou est atteinte d’une cure d’amaigrissement faisant souffrir poissons, faune et flore ; car, son débit tourne, alors, autour de 0,4- 0,6m3/s lors de ces sécheresses prolongées mais, en aval, les marées poursuivent leurs coups de boutoir et la maigre rivière d’amont demeure un fleuve bien rempli mais ..." d’eau saumâtre".
La teneur en sel de l’eau est régulée par ces mélanges eau douce-eau de mer, baigne les rives et les anciens marais salants, s’introduit dans les chenaux qui alimentent les bassins de « claires » dont la salinité dépend de ce mélange et peut aller de quelques grs/l à environ 10grs/l.
Huîtres de Marennes - photo Jacques Lannaud
Alchimie naturelle complexe, essentielle pour l’affinage des huîtres, opération faisant suite à la longue période d’élevage dont le résultat est la fameuse huître de Marennes-Oléron, à l’origine de la réputation du bassin et de toute l’économie du pays. D’aucuns comparent son goût à celui de la « noisette », en tout cas, bien différent de celui des huîtres de « pleine mer » ou sauvage où dominent sel et iode.
Tout débute par cet amas de larves ou d’embryons qu’on appelle le naissain qui va croître, se développer, passer par différents stades et donner de jeunes huîtres dont on remplit des sacs grillagés, élevés en pleine mer près des côtes, placés et fixés à des arceaux de ferraille, des lieux de culture qui se découvrent aux marées basses et où se rendent les ostréiculteurs sur leurs bateaux allongés à fond plat munis d’un grand plateau, « les plates", retournent les sacs, les nettoient, régulièrement, jusqu’au terme de leur croissance. Alors, ayant atteint la taille adulte, elles quittent ce lieu pour être dispersées dans les claires aux fins d’affinage.
Ultime étape, moins longue que la précédente, nourries du plancton de pleine mer, elles vont être conditionnées dans ces bassins qui maillent le paysage et les bords de la Seudre, de Mornac à La Tremblade sur la rive gauche et Marennes sur la rive droite.
Depuis des siècles, existent ces fameux bassins que d’aucuns font remonter à l’époque des Romains. Intervient, ensuite, le savoir-faire des ostréiculteurs, leurs recettes magiques et l’eau de la Seudre qui remplit les claires grâce aux chenaux où le fleuve s’introduit, eau riche en minéraux, en phytoplancton et de cette algue « la navicule bleue » qui donne au mollusque sa couleur verte, eau renouvelée lors des marées, les claires bénéficiant d’une vidange toute naturelle car à un niveau un peu inférieur.
Bateaux et cabanes sur le chenal de la grève à la Tremblade (photo Adobe stock)
Le long de ces chenaux, hangars, cabanes, gargottes sont alignés, devenus des lieux prisés de dégustation. Le long du chenal de la Grève à la Tremblade, tout bariolés de couleurs vives, ils nous invitent à nous asseoir à leur table.
L'Eclade - photos Jacques Lannaud
Nous voilà attablés devant un plat d’huîtres spéciales no3 plus quelques Jades et Pousses en Claire et Fines de Claire, attendant, impatiemment, l’Eclade charentaise que l’on prépare devant nous dans le four où elles vont s’ouvrir à la flamme des aiguilles de pin de la forêt de la Coubre. Se détache, sur la rive droite, l’église massive de Marennes et sa haute flèche, un amer pour les navigateurs.
Un peu plus loin, le pont, construit en 1970-71, enjambant la Seudre, long de 1024m, d’une hauteur de 20m, comportant 9 piles élancées et désenclavant la presqu’île d’Arvert qui peut très facilement échanger avec l’Aunis et la Saintonge proches. Puis, le très large estuaire et le pertuis de Maumusson où se jette la Seudre.
Mais, voilà que l’on entend le sifflet du petit train rouge tiré par sa vieille locomotive Sneider, le train des Mouettes, qui va amener les voyageurs tout calmement, le long de cette rive gauche en passant par Chaillevette, Mornac s/Seudre puis Saujon, paysage de chenaux, de roselières, et de végétation abondante où se cache toute une faune d’oiseaux aquatiques. Puis, avant de reprendre le trajet de retour en bateau, ne ratons pas, auparavant, l’église Notre-Dame du XIIe siècle, un joyau du style roman-saintongeais du petit village de Corme- Ecluse.
Coucher de soleil sur le pont de la Seudre (photo guide du routard)
Le temps a passé, le soir tombe et sur le pont de la Seudre, on admire un coucher de soleil fabuleux ; en-dessous, le fleuve déroule son ruban argenté, des plates continuent à circuler tandis que l’estuaire et le pertuis de Maumusson se colorent de teintes rosées comme le ciel.
Jacques Lannaud
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